Insultes, menaces, violences
Face aux agressions, le personnel des transports publics se sent abandonné

Simon B., conducteur de train a été hospitalisé après une agression à Zurich. Un incident tout sauf rare en Suisse. Or, le Conseil fédéral n'entend pas renforcer la police des transports. Le syndicat suisse du personnel service public Transfair monte au créneau.
Publié: 16.10.2024 à 13:03 heures
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Les agressions contre le personnel des transports publics sont en augmentation, selon le syndicat du personnel des services publics Transfair.
Photo: keystone-sda.ch
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Joschka Schaffner

Alors qu'il s'approche Killwangen, en Argovie, Simon B*, un jeune conducteur de train âgé de 30 ans, remarque qu'il ne peut plus respirer correctement. Il commence à avoir mal l'épaule gauche. Ses douleurs ne cessant de croître, il comprend qu'il ne va pas pouvoir continuer sa course. Arrivé à Olten, dans le canton de Soleure, Simon B. parvient à faire en sorte qu'un collègue prenne en charge son train jusqu'à Berne.

Simon B. exerce le métier de mécanicien de locomotive aux CFF depuis 9 ans. Jusqu'ici, tout se passe bien. D'ailleurs, lorsqu'il quitte la salle de pause de la gare centrale de Zurich avec un collègue en ce samedi à priori banal de la fin d'hiver 2022, son épaule est encore en bon état.

A l'hôpital pour une bousculade

Mais alors qu'ils traversent le hall de la gare, trois hommes viennent à la rencontre des deux employés. «Soudain, l'un des trois s'est détaché du groupe et m'a bousculé, se remémore Simon B aujourd'hui. Il a recherché la collision et l'a provoquée.» Ce n'est que plus tard, à l'hôpital cantonal d'Olten, qu'il réalise l'ampleur des conséquences de sa malheureuse rencontre: plusieurs nerfs de son épaule ont été écrasés et son poumon aussi a subi de légères lésions.

Des cas comme celui de Simon B. se comptent par milliers chaque année en Suisse, affirme le syndicat suisse du personnel du service public Transfair. Les contrôleurs et les conducteurs de locomotive se font régulièrement insulter, menacer, voire agresser. Notamment lors contrôle des billets, que ce soit sur le quai ou dans le train en marche. Transfair accuse le Conseil fédéral d'être en partie responsable de cette situation: pour le syndicat, le gouvernement ne prend aucunement ses responsabilités et laisse ainsi tomber le personnel des transports publics.

Le Conseil fédéral ne voit pas la nécessité d'agir

Transfair en veut pour preuve la réponse apportée cet été par le Conseil fédéral à une interpellation de Greta Gysin, conseillère nationale des Vert-e-s et présidente de Transfair, qui demandait aux Sept sages de bien vouloir expliquer comment ils comptaient d'améliorer la sécurité dans les transports publics. L'élu suggérait ainsi de renforcer la présence de la police des transports, notamment sur les lignes où les incidents sont fréquents.

Mais pourquoi les CFF ne le font-ils pas eux-mêmes? Tout simplement, parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour le faire, estime Transfair. Le syndicat rappelle également qu'il est difficile de trouver et d'embaucher du personnel en plus, compte tenu de la pénurie de main d'oeuvre spécialisée. «Les CFF doivent donc aussi investir dans des mesures visant à rendre le métier de policier des transports plus attractif», explique Bruno Zeller, responsable de la branche des transports publics chez Transfair. Pour ce faire, il s'agirait notamment d'augmenter les salaires, ainsi que le temps de travail et de repos.

Mais le Conseil fédéral, en tant qu'unique actionnaire des CFF, a opposé une fin de non-recevoir à Greta Gysin et à sa proposition. Les entreprises de transport sont elles-mêmes responsables de la sécurité des transports publics, estime le collège gouvernemental. Pour Transfair, cette réponse est tout bonnement incompréhensible: «Le Conseil fédéral n'a même pas jugé nécessaire de se faire une idée précise de la situation, déplore Bruno Zeller, et encore moins de faire des propositions concrètes sur la manière dont les CFF pourraient financer le développement de la police des transports.»

Malgré deux témoignages, l'auteur reste impuni

Simon B. a justement fait appel aux services de la police des transports lorsqu'il a été violemment agressé. Comme l'incident s'est produit à la gare centrale de Zurich, le contact s'est fait facilement. «Ils sont allés chercher l'auteur et ont pris ses coordonnées», dit-il. «J'ai alors compris que j'allais porter plainte contre lui.»

Mais là, nouveau choc pour Simon B. Et pas des moindres, puisque le parquet a décidé de classer la procédure, permettant ainsi à son agresseur de rester impuni. Une décision d'autant plus incompréhensible que le collègue de Simon B. avait livré son témoignage. «Il n'est pas possible que les autorités croient moins deux conducteurs de train qu'un jeune qui rentre de soirée», soupire Simon B. Là aussi, le Conseil fédéral ne s'estime pas compétent: seuls les cantons sont compétents pour poursuivre les délits commis contre le personnel des transports publics. 

Contrairement à Transfair, Simon B. n'est pas sûr que davantage de police résolve réellement le problème. L'augmentation des agressions est une tendance sociale qui se développe actuellement «On le sent dans le ton des conversations», dit-il. Néanmoins, il souhaite lui aussi que la Confédération prenne enfin les choses en main en matière de protection du personnel des transports publics.

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