L'affaire est sensible. Alors que la population se prononcera le 13 juin sur deux initiatives anti-pesticides, Blick a appris que le Service de l'environnement du canton de Fribourg avait finalisé un rapport sur la pollution de ses eaux souterraines. Cette étude n'a pas été rendue publique. Pourtant, selon un document en notre possession, le Service était «à bout touchant avec la publication du document» à la mi-mai.
Pourquoi ce rapport d'intérêt général — puisqu'il rend compte d'une réalité scientifique qui concerne indirectement les votations du 13 juin — n'est-il pas encore publié alors qu'il est terminé? Quelles sont ses conclusions? Nous avons voulu interroger Jean-François Steiert, président du Conseil d'Etat en charge de l'environnement. L'élu n'était pas disponible mardi, en début d'après-midi. C'est donc le chargé de communication de sa direction qui nous a répondu. «Ce rapport fait partie des documents qui seront soumis au Conseil d'Etat en amont de sa décision sur son plan phytosanitaire, qui sera prise plus tard dans l'année, rétorque Guido Balmer. Aucun de ces documents ne sera publié avant cette décision.»
L'homme refuse notre demande d'accès à ce rapport, se réfugiant derrière l'article 29 de la loi fribourgeoise sur l'information: «Les documents servant à la préparation des décisions du Conseil d'Etat et des autorités exécutives communales et intercommunales ne sont accessibles qu'après la décision dont ils constituent la base». C'est le Département des institutions, de l'agriculture et des forêts qui est en charge du plan phytosanitaire. Isabelle Biolley, sa porte-parole, confirme que ce projet n'est pas terminé.
Les suites de cette enquête
Autre épisode à Berne
Dans le canton voisin, des données portant sur les pesticides et l'eau ont longtemps été «retenues», selon la «Berner Zeitung». Le 15 mai, le quotidien bernois révélait que le Canton souhaitait publier le résultat de mesures effectuées dans deux cours d'eau après les votations du 13 juin. Et même que l'article «Langzeitmonitoring von Pflanzenschutzmitteln» («Monitoring à long terme des pesticides») de Claudia Minkowski, responsable du Laboratoire cantonal de la protection des eaux et du sol du canton de Berne, aurait dû être publié dans l'édition du mois d'avril de la revue spécialisée «Aqua&Gas».
Justification du chef de l'Office de l'agriculture et de la nature (OAN), Michael Gysi: «Si nous avions communiqué les résultats peu de temps avant les votations, nous nous serions retrouvés dans une situation difficile». En clair, le Canton veut rester neutre et éviter d'être accusé d'influencer le résultat.
Après la publication de l'article du journal, une pétition en ligne demande la publication des analyses de l'OAN. Elle compte aujourd'hui plus de 3'000 signataires.
Mais entretemps, retournement de situation. Le 20 mai, un communiqué tombe. L'OAN dévoile les données brutes de la surveillance des eaux, récoltées dans le cadre du Projet bernois de protection des plantes, qui «étudie comment diminuer les risques environnementaux liés à l'utilisation de produits phytosanitaires», auquel participent volontairement plus de 3'000 exploitations agricoles. Et promet de publier l'article de Claudia Minkowski et ses collègues la semaine du 24 mai. Selon le communiqué, sa publication était initialement prévue en juillet, mais a été avancée «en raison du vif intérêt suscité». Ce sera chose faite le 27 mai.
Des dépassements «sensibles à graves»
Concrètement, Berne surveille depuis 2017 la pollution de deux petit cours d'eau du Plateau agricole, le Ballmoosbach et le Chrümmlisbach, situés sur des bassins versants où «une forte concentration de produits phythosanitaires est attendue». Objectif: évaluer l'effet d'une utilisation réduite des pesticides sur la qualité de l'eau.
Les données montrent que la pollution des deux cours d'eau «est sujette à de fortes fluctuations». Les résultats changent en fonction des critères utilisés pour l'analyse, note le Canton. Selon ceux «relatifs à la toxicité chronique», les dépassements des normes ont diminué dans le Ballmoosbach en 2020 par rapport à la période 2017-2019, mais sont restés stables dans le Chrümmlisbach. Ces dépassements peuvent être qualifiés de «sensibles à graves», écrit l'OAN. En revanche, selon les critères de l'ordonnance sur la protection des eaux, les dépassements sont en recul aux deux endroits. L'utilisation de produits phytosanitaires par les exploitations agricoles participantes à, elle, fortement diminué, indique le communiqué.
L'article désormais publié par «Aqua&Gas» souligne en outre que, même faiblement concentrés, les produits phytosanitaires retrouvés dans les eaux sont problématiques au vu de leur toxicité et font courir un risque «considérable» aux organismes aquatiques. Toutefois, il faudra attendre pour pouvoir tirer des enseignements fiables de ce programme: quatre ans, c'est trop court, écrivent en substance les chercheurs. Le projet cantonal bernois prendra fin en 2022, mais la surveillance des eaux se poursuivra jusqu'en 2024.
Officiellement, l'Exécutif fribourgeois ne prend pas position dans la campagne sur les deux initiatives anti-pesticides, qui seront soumises au peuple le 13 juin, relate le 29 mai «La Liberté». Chaque conseiller d'Etat peut toutefois s'engager à titre personnel.
Ainsi, Didier Castella, chef du dicastère des institutions, de l'agriculture et des forêts, en charge du plan phytosanitaire cantonal en cours d'élaboration, a publiquement pris position pour le camp du 2x NON. Idem pour Olivier Curty, en charge de l'économie et de l'emploi.
Officiellement, l'Exécutif fribourgeois ne prend pas position dans la campagne sur les deux initiatives anti-pesticides, qui seront soumises au peuple le 13 juin, relate le 29 mai «La Liberté». Chaque conseiller d'Etat peut toutefois s'engager à titre personnel.
Ainsi, Didier Castella, chef du dicastère des institutions, de l'agriculture et des forêts, en charge du plan phytosanitaire cantonal en cours d'élaboration, a publiquement pris position pour le camp du 2x NON. Idem pour Olivier Curty, en charge de l'économie et de l'emploi.