Joana était aux côtés de son petit ami quand il s'est fait assassiner d'un coup de couteau en septembre 2020 à Morges. L'auteur des faits, un Turco-Suisse de 26 ans, avait alors crié «Allah est le plus grand». Trois ans après ce premier homicide à caractère djihadiste de Suisse, Joana demande 25'000 francs d'indemnité pour tort moral à la Confédération, selon les informations du Pôle enquête de la RTS. La petite amie du défunt estime que l'assassinat de son compagnon aurait pu être évité.
Selon elle, la procureure fédérale qui supervisait l'auteur des faits avant son passage à l'acte a fait preuve de négligence. Le Turco-Suisse était effectivement déjà connu du Ministère public de la Confédération après avoir tenté de faire exploser une station-service vaudoise en avril 2019. Il avait alors été placé en détention provisoire pendant un an et trois mois, puis remis en liberté en juillet 2020.
Règles enfreintes à plusieurs reprises
La procureure en charge du dossier du djihadiste avait conditionné sa libération à une série de règles: «Un programme exceptionnel a été mis en place exprès pour vous. Il est établi pour vous donner une deuxième chance. Au moindre écart, vous serez remis en détention.»
Cet avertissement n'a pas eu l'effet escompté, puisque l'homme a plusieurs fois enfreint les règles auxquelles il était soumis: il ne s'est pas présenté au poste de police à plusieurs reprises et était presque systématiquement absent à ses ateliers éducatifs obligatoires.
«Faute grave dans l'exercice de ses fonctions»
Mise au courant, la procureure est restée inactive. C'est précisément cette inaction, «totalement incompréhensible», que dénonce l'avocat de Joana, Me Mingard. Dans une lettre adressée fin juin au Département fédéral des finances (DFF) et dont la RTS a pris connaissance, il accuse la magistrate d'avoir commis «une faute grave dans l'exercice de ses fonctions». Sur cette base, Joana demande réparation à la Confédération, qui est légalement tenue de répondre du dommage causé par un fonctionnaire.
La procureure mise en cause n'a pas souhaité répondre aux questions de la RTS. Elle a également essuyé les critiques des trois juges du Tribunal pénal fédéral qui ont condamné le djihadiste. Dans leur jugement de 185 pages, ils s'étonnent que les écarts du prévenu avant l'attentat n'aient donné lieu à «aucune réelle réaction» de la procureure. Le Ministère public de la Confédération indique quant à lui qu'il «procède à des actes de procédure conformément aux directives définies par la loi».