On est bien loin des images de cartes postales avec de petits chalets rustiques. Alors que des hôtels doivent fermer leurs portes dans de nombreuses destinations de vacances ces dernières années, des projets immobiliers dédiés au tourisme font régulièrement la une des journaux. Le dernier en date: celui concernant le village de montagne de San Bernardino, dans le sud des Grisons.
L’entrepreneur luganais Stefano Artioli veut investir jusqu’à 300 millions de francs dans plusieurs hôtels, des appartements de vacances et la modernisation des remontées mécaniques. Il prévoit 1500 lits pour redonner vie à ce village de montagne endormi. Stefano Artioli veut réaliser l’ensemble du projet d’ici à 2025.
L’entrepreneur égyptien Samih Sawiris voit lui aussi grand. À Sedrun (GR), il veut créer de toutes pièces un nouveau quartier pour 170 millions de francs avec sa société Andermatt Swiss Alps AG. Au programme: treize bâtiments, 410 chambres d’hôtel, 119 appartements de vacances. Si tout se passe comme prévu, tout devrait être terminé d’ici à 2027. Ce n’est pas le seul projet d’envergure du milliardaire: ces quinze dernières années, il a déjà investi environ 1,5 milliard de francs à Andermatt (UR) dans un immense complexe touristique.
Ces paris sont-ils rentables?
Christian Laesser, économiste du tourisme à l’université de Saint-Gall, s’y connaît en matière de complexes touristiques d’envergure. «Les taux d’intérêt bas et les crédits avantageux de ces dernières années ont donné un nouvel élan à ces grands projets au niveau international», explique-t-il.
Le principe est toujours le même: «Un investisseur achète un terrain relativement bon marché et y développe une activité immobilière, tourisme compris.» C’est justement les friches dont la valeur peut, potentiellement, le plus augmenter. Reste à voir si cela continuera à être rentable en cas de hausse des taux d’intérêt, ajoute l’expert.
Les investisseurs utilisent les bénéfices générés par l’immobilier pour faire développer l’infrastructure touristique du lieu et construire de nouveaux logements. «Si le compte est bon, ils créent ainsi un modèle d’affaire qui s’auto-alimente», détaille Christian Laesser. À condition que les investisseurs s’attèlent à générer du revenu avec leur parc immobilier, «sinon le château de cartes s’effondre».
Un nouveau souffle pour certaines destinations
Les projets d’envergure peuvent aussi donner une nouvelle vie à des destinations touristiques établies. Un exemple: Saas-Fee (VS). Dans le village, de nombreux hôtels ont fermé récemment. Pourtant, l’homme d’affaires suédois Peter Wittander a décidé d’y construire 67 unités d’habitation avec 400 lits sur six sites. Selon le journal «Walliser Bote», 94% des appartements – d’une valeur de 72 millions de francs – ont déjà été vendus.
La loi sur les résidences secondaires veille à ce que les nouveaux propriétaires soient tenus de louer leurs appartements. La commune de Saas-Fee peut donc se réjouir d’accueillir davantage de visiteurs dans le futur. Mais un nombre aussi important de copropriétaires peut s’avérer problématique à long terme. «À court terme, de tels projets sont souvent rentables, surtout pour les investisseurs principaux, explique Christian Laesser. Mais si d’importantes rénovations sont nécessaires par la suite, des conflits peuvent rapidement émerger.»
Ailleurs en Suisse, d’autres méga complexes touristiques sont en cours de construction. Dans la commune bas-valaisanne d’Hérémence, par exemple, un projet de 90 millions arrive à terme – y compris 60 lits d’hôtel, près de 160 appartements et un centre thermal et de bien-être. Ou dans le canton d'Uri: Samih Sawiris prévoit de créer un port de plaisance avec un mini-village au bord du lac avec un hôtel de 50 chambres et 100 appartements de vacances. Un projet qui rencontre l’approbation de la population, mais aussi de nombreux détracteurs.