La conférence sur l'Ukraine au Bürgenstock (NW) devrait établir «idéalement les moyens à mettre en place pour impliquer la Russie dans ce processus», selon le directeur du Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) Thomas Greminger. Selon lui, même en cas de participation limitée des BRICS, «ce sommet reste utile».
La Russie n'a pas été conviée à la réunion prévue dans une semaine dans l'hôtel nidwaldien. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'y oppose, mais la Suisse cherche à maintenir un lien avec Moscou pour la raccrocher à l'avenir.
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«Il est important que la conférence ne soit pas vue comme une alliance contre la Russie», explique dans un entretien à Keystone-ATS l'ambassadeur Greminger. Il faut qu'il en ressorte un «effort sincère pour trouver une solution pacifique et durable au conflit», ajoute l'ancien secrétaire général de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Tout en honorant les intérêts légitimes de l'Ukraine.
«Si ces deux questions ne sont pas garanties, la Suisse pourrait être accusée d'avoir lancé un processus partial», met en garde le directeur du GCSP. Moscou a elle rejeté par avance les conclusions d'un sommet qu'elle considère comme inféodé au plan de paix en dix points du président ukrainien.
Ses alliés chinois et brésilien notamment, membres avec elle du groupe des BRICS, ont conditionné leur participation à l'invitation de la Russie. Le directeur du GCSP reste prudent, appelant à attendre jusqu'à la dernière minute pour voir si Pékin ne décide pas toutefois de s'associer d'une manière ou d'une autre.
Territoires à laisser pour plus tard
«Une participation limitée des BRICS et d'autres pays non-alignés pourrait donner l'impression que le sommet est dominé par les intérêts occidentaux», admet M. Greminger. Malgré ce défi, le sommet «reste utile», selon lui.
Il permet d'entendre toutes les propositions de paix dans un format qui pourrait attirer «progressivement un soutien plus large de la communauté internationale». Il faut «une participation significative de représentants de l'Occident et de l'hémisphère Sud» pour éviter une division de «l'Ouest contre le reste du monde», fait remarquer le directeur du GCSP. Environ la moitié des délégations annoncées jusqu'à présent ne sont pas occidentales.
La Suisse lucide: son sommet sur la paix en Ukraine est (très) mal barré
Pour être considérée un succès, la rencontre devra décider de l'organisation de la prochaine conférence pour en faire un «processus continu». Mais il ne faut pas en rester là. Parmi les dix points du plan Zelensky, des «indicateurs de résultats concrets dans au moins une ou deux thématiques» comme la sécurité nucléaire, la liberté de navigation ou la sécurité alimentaire, ajoute l'ambassadeur suisse.
En revanche, les questions de territorialité doivent être laissées à plus tard. Il faut d'abord «progresser sur les garanties de sécurité pour chaque côté» pour établir la confiance qui à terme permettra un dialogue de paix entre Kiev et Moscou, insiste l'ancien patron de l'OSCE.
Possiblement acceptable pour Moscou
Outre sur la question de la participation russe, ces derniers mois, le ton a souvent été dissonant sur l'organisation du sommet entre une Ukraine en guerre et une Suisse qui revient avec le Bürgenstock dans le jeu politique sur ce conflit. Kiev a estimé que ceux qui ne participent pas soutiennent la guerre. Un ton radical qui tranche avec celui de la Suisse qui parle d'une première étape d'un long processus vers la paix.
«Il est légitime pour l'Ukraine de chercher à utiliser cette conférence comme une plateforme pour promouvoir ses idées», selon l'ambassadeur suisse. «De son côté, la Suisse a clairement indiqué dès le début qu’elle souhaitait organiser une conférence inclusive», permettant à tous de défendre leurs plans de paix.
«Deux options étaient possibles: ne rien faire ou prendre l'initiative. La Suisse a choisi la seconde» avec son rôle habituel de bons offices, ajoute-t-il. Si la réunion n'est pas vue comme une alliance contre la Russie, «alors cette dernière, même si elle n'approuve pas la conférence, pourra l'accepter». Son approche en tant que facilitatrice ne serait alors pas remise en cause, estime le directeur.