Jona Neidhart a vu la mort de près. Pendant plus de deux ans, ce Suisse a combattu comme légionnaire sur le front ukrainien. Il y a deux semaines, il est rentré en Suisse et s'est rendu à la police bernoise. Mais pour ce Zurichois d'origine, le danger de mort persiste, même dans une Suisse prétendument tranquille.
«La semaine dernière, l'Association ukrainienne de Suisse m'a expressément averti que les services secrets russes pourraient me prendre pour cible dans notre pays», raconte l'homme de 36 ans à Blick. «J'ai tué des soldats russes en Ukraine et je l'assume ouvertement. Cela fait de moi une cible légitime aux yeux des agents de Moscou.»
Concrètement, Jona Neidhart court le risque de se retrouver sur une liste noire russe. Selon des estimations, les services secrets du Kremlin sont plus actifs en Suisse que nulle part ailleurs en Europe. Il y a 217 diplomates russes officiels dans notre pays (à titre de comparaison, il n'y en a que 44 en Italie, un pays nettement plus grand). Le service de renseignement suisse estime qu'un tiers d'entre eux sont des espions. La Suisse a toujours du mal à expulser les informateurs de Vladimir Poutine en cas de soupçon de délit.
Les agents russes sont soumis à une forte pression
Jona Neidhart est conscient de la lutte perfide que les Russes mènent contre leurs adversaires, même en dehors des champs de bataille ukrainiens. «Je prends donc l'avertissement très au sérieux, même s'il est assez paradoxal de vivre ici, dans la sécurité de la Suisse, presque plus dangereusement qu'en Ukraine», indique-t-il.
En tant que soldat dans le Donbass, il a appris à être vigilant à tout moment et à ne pas faire confiance à son entourage. «Ici aussi, en Suisse, j'essaie de rester aussi spontané et imprévisible que possible. Par exemple, je varie beaucoup mes trajets et mes horaires de jogging et je regarde deux fois autour de moi quand je sors de chez moi.»
Une prudence impérative, confirme Sasha Volkov, membre du comité de l'Association ukrainienne de Suisse. C'est lui qui a décroché son téléphone la semaine dernière pour mettre en garde Jona Neidhart. «Les médias russes se sont également emparés de son histoire. Certes, les opposants et les soi-disant traîtres restent la priorité absolue des services secrets. Mais Jona Neidhart pourrait rapidement se retrouver dans leur ligne de mire en raison de son engagement dans la lutte», explique Sasha Volkov à Blick.
Selon lui, les agents russes sont particulièrement impitoyables en ce moment. Récemment, ils auraient lancé plusieurs attaques contre des cibles en Pologne et dans les pays baltes. «Ils deviennent plus insolents et plus actifs, car plus cette guerre se prolonge, plus ils doivent lentement montrer des succès à leur gouvernement», poursuit Sasha Volkov.
La Suisse sous-estime le danger
Pour ce faire, ils ont souvent recours à des tueurs à gages engagés à l'étranger, qui agissent sans connaître le contexte politique de leur acte. «Il se pourrait par exemple que les services secrets russes à Genève engagent quelqu'un en Bulgarie ou en Espagne, le fassent venir en Suisse et l'utilisent ici pour tuer Jona Neidhart», explique Sasha Volkov, qui vit en Suisse depuis 1999 et connaît parfaitement les activités des services secrets russes.
L'expert allemand en sécurité Ralph Thiele l'a dernièrement confirmé dans Blick. «Les services secrets russes recrutent sur Internet des personnes qui ont envie d'action.» Les tueurs et les saboteurs sont payés en crypto-monnaies, afin de ne laisser aucune trace. «Nous sous-estimons énormément le danger», alerte Ralph Thiele. Preuve en est le cas de cet agent russe que les autorités ont surpris peu avant la conférence sur l'Ukraine au Bürgenstock alors qu'il cherchait à se procurer des armes pour un éventuel attentat.
Malgré tous ces risques, Jona Neidhart continue de bien dormir. «Je ne fais pas de cauchemars et je suis prêt à tout», assure le combattant. Il ne souhaite pas encore s'armer pour se protéger ni faire appel à la police pour sa protection. «Et si je suis pris, je suis prêt à donner ma vie pour l'Ukraine, même ici en Suisse», affirme-t-il.
En juillet, il devra à nouveau se présenter devant le tribunal militaire pour être interrogé. Le Zurichois risque plusieurs années de prison pour son engagement au combat, illégal selon le droit suisse.