Après deux ans de combat
Ce Suisse combat pour l'Ukraine et se rend à la police bernoise!

Jona Neidhart a combattu pendant deux ans sur le front ukrainien. Un engagement illégal selon le droit militaire suisse. Vendredi, il s'est rendu à la police bernoise. Une façon d'alerter sur le sort de l'Ukraine alors que s'ouvre la conférence du Bürgenstock.
Publié: 15.06.2024 à 14:01 heures
Jona Neidhart n'exclut pas de retourner au front un jour.
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Samuel Schumacher

Les policiers cantonaux n'en revenaient pas. Un légionnaire suisse fraîchement débarqué du front ukrainien s'est présenté au poste de lui-même. Après deux ans de combat sur le front ukrainien, Jona Neidhart s'est rendu à la police vendredi à Berne. Blick était présent lors de son arrestation. 

«Je me réjouis de mon arrestation», disait l'homme de 36 ans jeudi après-midi. Il était alors arrivé dans la capitale après un voyage de quatre jours en bus depuis l'Ukraine. «J'assume ma décision d'avoir combattu pour l'Ukraine et donc pour la démocratie», affirmait-il. Il faut dire qu'effectuer un service militaire pour des puissances étrangères est illégal en Suisse. Jona risque plusieurs années de prison. Et le temps choisi pour cette arrestation n'est pas dû au hasard. 

Ce week-end, le Bürgenstock accueille la conférence de paix sur l'Ukraine. Des invités du monde entier débattront des moyens diplomatiques pour mettre fin à la guerre. L'homme souhaite alors alerter sur l'événement. «Cette conférence est une blague», assure Jona à Blick. Si l'on veut vraiment aider l'Ukraine, il faut lui donner les moyens de vaincre militairement les Russes. Il faut d'abord briser les Russes avant de négocier avec eux, et non l'inverse.»

Pas de mauvaise conscience

C'est tout l'enjeu pour ce Zurichois d'origine, futur professeur de secondaire, qui a fait partie de l'armée ukrainienne depuis le 9 mars 2022. «Je veux secouer la Suisse et faire comprendre aux gens ici l'importance du combat de l'Ukraine.» Selon lui, tout autre résultat qu'une victoire ukrainienne serait une déroute pour l'Occident et la démocratie. «Je suis un Suisse fier et un démocrate convaincu. Je me demande d'autant plus ce que dirait Arnold Winkelried* s'il voyait à quel point la Suisse hésite sur la question de l'Ukraine. Il serait déçu!»

Jona Neidhart est né à Zurich et a étudié à Berne. Il voulait devenir enseignant avant la guerre. Lorsque les Russes ont attaqué l'Ukraine, ce chrétien croyant ne pouvait pas rester les bras croisés. Il a quitté la Suisse et s'est inscrit à la Légion internationale en Ukraine. C'est là que Blick l'a rencontré pour la première fois l'hiver dernier, près de Bakhmout, lors d'une trêve entre les combats.

Lors de la contre-offensive de Kharkiv, lors de la bataille de Koupiansk, et plus récemment près de Bakhmout, le Suisse a combattu les Russes sur certains des fronts les plus dangereux et a tué des assaillants. Il n'a pas mauvaise conscience pour autant. «En Ukraine, il faut se battre, avec violence. J'ai accompli mon devoir et j'en suis fier. Les Russes qui sont tombés de ma main n'auraient pas dû attaquer le pays. Je n'ai fait que mon travail», assure-t-il. 

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«Si les gens d'ici voyaient l'horreur que subissent quotidiennement les enfants, les familles et tous les innocents en Ukraine, ils penseraient différemment»
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Jona Neidhart a écrit un livre sur ses deux années de guerre. Le sort de l'Ukraine ne le laisse pas indifférent. Il ne comprend pas le refus de la Suisse de soutenir militairement le pays. «Si les gens d'ici voyaient l'horreur que subissent quotidiennement les enfants, les familles et tous les innocents en Ukraine, ils penseraient différemment, est-il convaincu. Je peux très bien m'imaginer retourner en Ukraine après mon éventuelle peine de prison.»

Ne pas avoir peur de la prison

Le Zurichois risque jusqu'à trois ans d'enfermement. La justice militaire a ouvert une procédure contre lui en février. Il a profité des quelques heures de liberté entre son arrivée à Berne jeudi et son arrestation hier vendredi pour faire une surprise à ses parents à la maison. «Ils étaient très contents. Nous avons discuté pendant des heures. Ils comprennent ma décision de me rendre aux autorités et d'aviser ensuite», raconte-t-il. 

Au poste de police, le soldat n'a emporté qu'un petit sac à dos contenant sa brosse à dents, son rasoir (le nom de guerre du Suisse en Ukraine est «Maître Propre») et quelques contrats et distinctions attestant de son service militaire pour l'armée de Volodymyr Zelensky. 

Jona n'a pas peur de la prison. «Après plus de deux ans sur le front de la guerre, je peux désormais dormir n'importe où», dit-il en riant. Il perdra temporairement sa liberté. Mais personne ne peut lui enlever la conviction d'avoir agi correctement, même si la loi militaire suisse n'est pas du même avis.

*Arnold Winkelried est un héros légendaire de l'histoire de la Suisse qui permit aux Confédérés de remporter la victoire sur les troupes du duc Léopold III de Habsbourg lors de la bataille de Sempach en 1386.

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