Ils se détestent profondément: la rivalité entre les gangs «47» (addition des premiers chiffres des codes postaux du Locle et de La Chaux-de-Fonds), et «2CZ» (pour «deux-cinq-zéro», en référence au code postal de Bienne) dure déjà depuis 2019. Elle a culminé par une tragédie le 26 septembre 2021, lorsqu’un jeune de 20 ans de La Chaux-de-Fonds a perdu la vie lors d’une rixe en plein centre de Lausanne.
Et ce n’était pas la première victime: en novembre 2020, un adolescent de 15 ans est mort à Sugiez (FR): Armin F.. Le Chaux-de-Fonnier avait été happé par un train. Son décès était accidentel, mais il aurait été précédé par une longue dispute entre les deux gangs, rapportait «20 minutes». Les rivaux se seraient donné rendez-vous auparavant à la gare pour «régler des comptes». Interrogée par Blick, une proche d’Armin F. avait toutefois nié tout lien avec les gangs.
Des accusations sans nuance
Ce n’est que récemment que Blick a révélé que les autorités neuchâteloises renvoyaient douze jeunes au tribunal. Certains d’entre eux sont derrière les barreaux et risquent des peines de prison de plusieurs années.
Il s’agit notamment de menaces de mort avec un sabre de 20 à 30 centimètres de long et d’un pistolet collé à la nuque d’une victime. Il est également question d’enlèvement, de séquestration, d’un tir de pistolet d’alarme, de détention illégale d’armes, entre autres délits. Blick dispose en exclusivité d’extraits des actes d’accusation. La date du procès n’a pas encore été fixée.
«Je n’ai pas vu mon fils depuis deux ans»
Mais loin de ces tableaux très violents, la guerre des gangs semble s’être calmée dans les rues des villes concernées. «J’habite à Bienne et je n’ai jamais entendu parler de cette bande», glisse une jeune passante.
La mère d’un des accusés, originaire de la cité bilingue bernoise, rompt toutefois le silence. «Je n’ai pas vu mon fils depuis deux ans, raconte-t-elle. Les derniers mois qu’il a passés ici étaient très difficiles. Il a complètement changé, est devenu agressif et a cassé une porte dans l’appartement. Il est ensuite parti vivre chez son père avant de passer à l’acte.»
Elle secoue tristement la tête. «Je savais qu’il faisait partie d’un gang. Mais je pensais que c’était inoffensif. Ce n’est que lorsque j’ai lu les documents du tribunal que j’ai réalisé dans quoi mon fils était impliqué. Ça m’avait complètement échappé. Actuellement, il est dans une institution en Valais. Il a atteint sa majorité. Mais je ne sais pas comment il va, ni ce qu’il va devenir exactement.»
Le milieu se mure dans le silence
A La Chaux-de-Fonds, Blick a retrouvé un jeune qui connaît plusieurs des membres de gangs accusés. «C’est fini», assène-t-il au sujet de la guerre des gangs. Il affirme n’avoir jamais fait partie du «47». Il nie même l’existence des gangs: «Tout cela ne se passe que sur Internet et dans les médias.»
Dans un autre quartier résidentiel de La Chaux-de-Fonds, où, selon les informations de Blick, au moins un membre de gang était domicilié, la guerre des gangs semble être de l’histoire ancienne. «Le sujet était d’actualité il y a environ un an, rapporte une femme qui discute dans la rue avec des amies. Depuis, tout le monde a été arrêté. Le calme est revenu.»
A Neuchâtel, Blick a sonné chez l’un des jeunes dont le nom est cité dans l’acte d’accusation. Sa mère ouvre la porte avant de demander à son fils s’il veut parler, ce qu’il refuse. L’intervention musclée des autorités de poursuite pénale aurait donc porté ses fruits: la guerre des gangs en Suisse romande semble appartenir au passé.
* Nom connu de la rédaction