Après plus de deux ans d'enquête
Guerre des gangs entre Bienne et La Tchaux: 12 jeunes renvoyés au tribunal!

Une guerre des gangs — qui a fait deux morts — fait rage entre Bienne et La Chaux-de-Fonds. Plus de deux ans après des enlèvements et des séquestrations de part et d'autre, le Ministère public neuchâtelois renvoie 12 jeunes au tribunal, annonce-t-il à Blick.
Publié: 18.07.2023 à 16:40 heures
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Dernière mise à jour: 19.07.2023 à 09:57 heures
La rivalité entre les deux bandes dure depuis 2019 et avait atteint son paroxysme le 26 septembre 2021 à Lausanne: un Chaux-de-Fonnier était mort lors d'une rixe (image d'illustration).
Photo: KEYSTONE/Sandro Campardo
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Amit JuillardJournaliste Blick

Douze membres des deux gangs de Bienne et La Chaux-de-Fonds sont renvoyés devant le tribunal criminel, annonce le Ministère public neuchâtelois, contacté par Blick. La procureure Ludivine Ferreira Broquet vient de boucler son enquête, plus de deux ans après les actes qui leur sont reprochés.

Parmi les nombreux chefs d'accusation, ces jeunes hommes devront entre autres répondre de séquestration et enlèvement, d'agression, de menaces, de contrainte, de possession d'arme ou encore de tir à proximité des habitations. Nés entre 2000 et 2002, les malfrats étaient tous à peine majeurs au moment des faits, entre mars et avril 2021. Les prévenus, présumés innocents, risquent plusieurs années de prison, voire l'expulsion, pour les six étrangers parmi les accusés.

En cours depuis 2019, la vieille rivalité entre le «47» (bande des montagnes neuchâteloises dont le nom fait référence à l'addition du début des codes postaux de La Chaux-de-Fonds et du Locle, 2300 et 2400) et le «2CZ» (pour «deux cinq zéro», début du code postal de Bienne, 2500) avait atteint son paroxysme le 26 septembre 2021. Un Chaux-de-Fonnier, ressortissant congolais, était mort lors d'une rixe en plein centre de Lausanne.

Enlèvement sur un quai de la gare de Neuch

Ce drame n'est pas abordé par les deux actes d'accusation — dont Blick s'est procuré des extraits — qui concerne les douze gaillards désormais en attente de leur jugement. Mais les deux affaires transmises à la cour neuchâteloise par la procureure Ludivine Ferreira Broquet s'étaient aussi fait une place dans les médias, quelques mois auparavant. On en connaît aujourd'hui tous les détails.

Sanglant, le premier épisode décrit dans les actes d'accusation aurait débuté à la gare de Neuchâtel, peu avant minuit, dans la nuit du 20 au 21 mars 2021 (image d'illustration).
Photo: KEYSTONE/LAURENT GILLIERON

D'une immense brutalité, le premier épisode se déroule dans la nuit du 20 au 21 mars 2021. Avec un début à la gare de Neuchâtel et une fin dans des caves à La Chaux-de-Fonds. Selon le déroulé exposé dans le premier des deux documents, au moins sept membres du «47» — qui pourrait en réunir quelque 150 — s'en seraient pris à un Biennois, qui attendait son train peu avant minuit. Roué de coups, notamment à la tête, il aurait fini sur les rails, puis été placé — de force et sous la menace — dans le coffre de l'un des deux véhicules attendant à la sortie.

Son cauchemar ne fait que débuter. Direction le parking du téléski de Chapeau-Râblé, sur les hauts de La Chaux-de-Fonds, où une partie du gang — rejointe par une autre équipe — l'aurait à nouveau battu et frappé à la tête. Après lui avoir retiré sa veste, son pull et ses chaussures, «alors qu'il y avait de la neige», précise la magistrate dans son rapport.

Son calvaire n'est pas terminé...

Ce n'est toujours pas fini. Après avoir hésité à l'abandonner au froid ou à demander une rançon à son père, les malfaiteurs l'auraient finalement séquestré dans les sous-sols d'un immeuble de la Métropole horlogère, détaille l'acte d'accusation. Là, la victime aurait été contrainte d'enregistrer une vidéo Snapchat à destination du «2CZ», le clan adverse. Une nouvelle fois cognée, elle est aussi menacée de mort à l'aide de couteaux et d'un marteau.

Après avoir vécu un enfer durant plusieurs heures, la victime biennoise aurait fini par être relâchée dans l'hiver chaux-de-fonnier (image d'illustration).
Photo: KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Le supplicié aurait finalement été relâché à 2h28. Ses agresseurs lui auraient alors dit «qu'il avait de la chance de ne pas plus connaître la bande rivale de Bienne». Ces derniers l'auraient encore mis sous pression pour l'empêcher de parler à la police. Cinq personnes l'auraient ensuite raccompagné en direction de la gare de La Chaux-de-Fonds et l'auraient laissé partir «après lui avoir restitué ses affaires». La victime renoncera à porter plainte «par peur de représailles».

Coup de feu dans un bus en service

La riposte ne se fait pas attendre: c'est la deuxième affaire renvoyée en jugement dont il est question ici. Le 11 avril, huit comparses de la bande biennoise, dont trois mineurs, aurait voulu obtenir vengeance. A La Chaux-de-Fonds, l'escalade est rapide, ce dimanche-ci. La soirée aurait débuté avec un pétard tiré en direction d'une voiture abritant trois gars du «47». Coincés par une barrière, les occupants aurait été obligés de fuir à pied, affirme le Parquet.

Quelques jours plus tard, les Biennois semblent vouloir se venger: un coup de feu, tiré avec un pistolet d'alarme, part dans un bus — en service et avec des passagers à bord — qui passe aux abords de la rixe provoquée (image d'illustration).
Photo: KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Une bagarre aurait alors éclaté. Et un autre coup de feu, avec un pistolet d'alarme, aurait été tiré à l'intérieur... d'un bus des transports publics locaux, en service et avec des passagers à son bord, qui passait à proximité de la rixe. Aucun des occupants n'a été blessé. Nombre de participants à la baston voisine: 10 à 15. Objets utilisés: matraques, béquilles, bâtons en bois, barres de fer, feux d'artifices, battes de baseball et machettes.

Pistolet sur la nuque

Au milieu, un Chaux-de-Fonnier se serait fait tabasser et aurait subi des blessures à la tête. Ce dernier aurait ensuite été emmené vers trois voitures qui patientaient. A coups de «arrête de te débattre et ferme ta gueule ou je te tire une balle», il est invité à entrer dans l'un des coffres. Il aurait ensuite été transporté vers une grange, à Douanne, dans le Jura bernois, à quelque 40 kilomètres de là. Où il aurait été à nouveau détruit à l'aide de barres de fer ou de battes de baseball, mais aussi de coups de poings et de pieds.

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«Aujourd'hui, trois prévenus sont à nouveau en détention provisoire»
Ludivine Ferreira Broquet, procureure neuchâteloise à la tête de l'opération anti-gangs
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Sans oublier les menaces de mort: sabres de 20 à 30 cm, pistolet sur la nuque. Les truands biennois l'auraient ensuite laissé seul à son sort, sans téléphone, dans cette zone rurale peu habitée. La victime aurait trouvé de l'aide non loin. Il a déposé une plainte, avant de la retirer.

D'autres procédures en cours dans trois cantons

Certains des douze prévenus ont des antécédents judiciaires, voire un historique de délinquant mineur, indique Ludivine Ferreira Broquet, interrogée par Blick. «En 2021, lorsque les auteurs présumés ont été identifiés, interpellés et interrogés sur les faits, certains ont été placés pendant plusieurs mois en détention provisoire, développe-t-elle. Aujourd'hui, trois prévenus sont à nouveau en détention provisoire, l'un sous autorité neuchâteloise, et les deux autres sous autorité vaudoise.» La date de leur procès n'est pas connue.

Différentes autres procédures concernant ces deux bandes sont en cours dans les cantons de Neuchâtel, de Berne et de Vaud. Leurs affrontements ont déjà coûté la vie à deux jeunes gens. Outre la tragédie lausannoise, un ado chaux-de-fonnier avait été percuté par un train à Sugiez (FR) en novembre 2020, alors que le «47» et le «2CZ» s'étaient donné rendez-vous pour régler leurs comptes, selon divers médias romands.

Après avoir connu des répliques en 2022, le conflit sanglant semble s'être quelque peu tari en 2023. La stratégie des autorités neuchâteloise, l'opération «Loulou», pourrait être en train de porter ses fruits. En mai 2021, «Le Matin» relevait qu'une centaine de jeunes, âgés de 10 à 25 ans, étaient dans le collimateur de la justice.

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