Fisaclité, loyer, frais de scolarité...
Certaines entreprise suisses lâchent des millions pour s'attirer les talents étrangers

Pour séduire les meilleurs talents, certaines entreprises suisses vont jusqu'à prendre en charge les loyers, les frais de scolarité – et parfois même les impôts – des cadres supérieurs qu'elles recherchent. Surtout pour convaincre ceux venant d'un pays bien particulier.
Publié: 23.05.2024 à 07:37 heures
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Dernière mise à jour: 23.05.2024 à 12:37 heures
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Pour s'attirer les meilleurs talents, les entreprise suisses sortent le grand jeu, en payant par exemple une partie de leur loyer ou des frais de scolarité des enfants en école privée.
Photo: Shutterstock
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Martin Schmidt

Ce sont des avantages auxquels aspirent tout salarié: se faire payer une partie de son loyer ou des frais de scolarité de ses enfants en école privée. Pour s'attirer les meilleurs talents, les entreprise suisses sortent le grand jeu. C'est particulièrement vrai pour les cadres supérieurs étrangers. Et tout particulièrement pour... les ressortissants américains!

Ainsi, le géant pharmaceutique Roche a déboursé 513'000 francs suisses pour le conseil fiscal et les impôts de Cristina A. Wilbur, membre de la direction du groupe. Son salaire de base, bonus et options sur actions compris, a atteint les 3,44 millions de francs! Et pour les trois autres membres de la direction, hors CEO, Roche a payé environ 72'000 francs pour le conseil fiscal et les impôts. Pour l'ancien membre de la direction du groupe, Bill Anderson, Roche a même lâché près de deux millions entre 2020 et 2021.

«Personne ne change pour le même salaire»

Tous deux citoyens américains, Cristina A. Wilbur et Bill Anderson doivent, malgré l'accord de double imposition, reverser des sommes énormes au fisc américain: «Si les cadres supérieurs subissent un désavantage fiscal en travaillant en Suisse, celui-ci est souvent compensé car l'accord entre les Etats-Unis et la Suisse permet d'éviter certains impôts. En revanche, la fiscalité sur les bonus est élevée. «, explique le chasseur de têtes Erik Wirz. Associé de la société Wirz & Partners, il traque les cadres supérieurs dans le monde entier pour le compte d'entreprises.

Pour la plupart des cadres supérieurs étrangers, une compensation fiscale n'est toutefois pas nécessaire en raison du faible taux d'imposition en Suisse: «L'enjeu, ce sont surtout les frais scolarités et les frais de logement qui sont souvent bien plus élevés», explique Erik Wirz. C'est là qu'interviennent les «Relocation Packages», des prestations supplémentaires qui permettent d'absorber intégralement les inconvénients d'un déménagement en Suisse, avec des sommes à cinq, voire six chiffres. Un effort qui ne convient d'ailleurs pas toujours à convaincre: «Il est impossible d'attirer des top-managers s'ils gardent le même salaire», confie Erik Wirz.

Les entreprises ne sont en aucun cas effrayées par les coûts supplémentaires pour les cadres supérieurs étrangers. «Selon la taille de l'entreprise, le nombre de candidats est très limité pour certains postes. L'embauche de cadres étrangers est donc quasiment inévitable. Et aux Etats-Unis, il y a justement des employés très qualifiés dans le domaine pharmaceutique ou technologique», explique Wirz.

Et Roche de se justifier: «Ce qui compte pour nous, c'est l'aptitude et la performance des collaborateurs. Nous voulons attirer les meilleurs talents, indépendamment de leur origine».

Les cadres supérieurs américains sont donc très recherchés, car ils facilitent l'accès au marché américain et disposent de connaissances spécialisées sur ce territoire. Raison pour laquelle les grands cabinets de conseil suisses misent également sur des packages de déménagement lucratifs.

Un secteur est à la traîne en termes d'avantages financiers

Chez le grand concurrent de Roche, Novartis, c'est là encore un citoyen américain, Vas Narasimhan, qui siège à la direction. Mais le groupe ne verse pas de compensation fiscale aux membres de la direction. Vas Narasimhan a donc dû payer lui-même les 16,2 millions de francs d'impôts sur le revenu l'année dernière.

Ce n'est que lorsque des collaborateurs américains effectuent des déplacements aux Etats-Unis que leurs impôts sont pris en charge. Avec des avantages tels qu'une prise en charge partielle du loyer, des frais de scolarité et des assurances santé internationales, le groupe pharmaceutique a ainsi lâché 6,7 millions de francs aux membres de sa direction l'année dernière: «Les spécialistes convoités qui ne sont pas de membre de la direction, mais qui assument par exemple un rôle central dans la recherche, ou qui sont des spécialistes reconnus dans leur domaine peuvent également se réjouir de tels paquets de déménagement», précise Erik Wirz.

Fait surprenant, c'est sur la place financière suisse que les entreprises se montrent moins généreuses. Ainsi, du côté de l'UBS, les cadres étrangers qui s'installent en Suisse ne sont soutenus que pour les frais de déménagement. Et pour cause: dans le secteur financier, les offres d'emploi pour cadres supérieurs sont plus importantes.

Et ceux qui n'obtiennent pas de compensation fiscale de la part de leur employeur ont parfois recours à une mesure drastique. Ainsi, plusieurs milliers d'Américains renoncent chaque année à leur nationalité.

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