Fermeture de «Petite Fleur»
Pour cette experte, «les clubs érotiques ont désormais remplacé les maisons closes»

La maison close «Petite Fleur» à Zurich a ouvert légalement ses portes en 1998, faisant figure de pionnière dans le monde de la nuit. L'experte en prostitution Beatrice Bänninger revient sur les bouleversements que ce lieu a provoqués pour les travailleuses du sexe.
Publié: 20.09.2023 à 13:35 heures
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Photo d'une chambre de la maison close «Petite Fleur» à Zurich. L'établissement est désormais fermé.
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Karen Schärer

Beatrice Bänninger, l'avocat Valentin Landmann a qualifié la maison close «Petite Fleur» de projet pionnier et a déclaré, lors de son ouverture en 1998, qu'elle offrait des emplois sûrs aux prostituées. La «Petite Fleur» a-t-elle réellement changé la situation des travailleuses du sexe?
Ce n'est pas cet établissement qui a changé leur situation, mais la législation. La révision du Code pénal, entrée en vigueur quelques années plus tôt, le 1er octobre 1992, a permis de louer en toute légalité des lieux dédiés à la prostitution. De même, le racolage public n'était plus pénalement répréhensible.

Aujourd'hui, la «Petite Fleur» ferme ses portes parce que l'immeuble est vendu. Un tel établissement n'est-il pas démodé désormais?
La «Petite Fleur» était un lieu où les clients payaient à l'origine cinq francs pour y entrer. A l'intérieur, les travailleuses du sexe attendaient les clients devant leur chambre ou au bar. Aujourd'hui, ce sont les clubs érotiques modernes qui accueillent les travailleuses du sexe. Et ces endroits disposent de vastes espaces de détente et de bien-être, ainsi que de restaurants.

Comment les prostituées travaillent-elles aujourd'hui? Plutôt dans ces clubs, ou alors toutes seules?
Le nombre de maisons closes à Zurich a légèrement diminué au cours des cinq dernières années. La plupart sont de petits salons avec une ou deux travailleuses du sexe. Mais c'est vrai qu'il y a une tendance à l'individualisation. On le voit d'ailleurs dans les annonces. Des femmes proposent des services sexuels, que ce soit dans des appartements d'affaires ou des Airbnb.

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«Que l'on interdise la prostitution ou que l'on criminalise les clients, c'est la même chose»
Beatrice Bänninger, directrice d'Isla Victoria
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Cette individualisation rend-elle leur travail plus dangereux?
En principe, la sécurité est meilleure quand tout est cadré.

Le Parlement européen s'est récemment prononcé en faveur de règles uniformes pour la prostitution dans les pays de l'UE. Le modèle suédois, qui interdit les services sexuels tarifés, sert de modèle. Qu'en pensez-vous?
Nous rejetons ce modèle. Que l'on interdise la prostitution ou que l'on criminalise les clients, c'est la même chose, en fin de compte. La prostitution ne disparaît pas, la situation devient simplement plus précaire pour les travailleuses du sexe. Il y a plus de violence, elles sont plus vulnérables.

Certains disent qu'une réglementation libérale de la prostitution, comme celle que nous avons en Suisse, favorise la traite d'êtres humains.
Justement, c'est là qu'il faut regarder! Il faut donner des ressources à la police pour qu'elle puisse enquêter sur le crime organisé qui s'enrichit grâce à la traite d'êtres humains et y mettre fin. En revanche, il faudrait permettre à la prostitution d'être pratiquée de manière indépendante, afin de s'autogérer de manière autonome.

Beatrice Bänninger est directrice d'Isla Victoria, un centre de consultation pour les travailleuses du sexe à Zurich.

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