Expulsion du président de la Finma
Ueli Maurer a affaibli de manière ciblée la surveillance des banques

Sous la pression du Conseil fédéral de l'époque, l'ancien président de la Finma a été évincé de son poste. S'en est suivi l'effondrement du Credit Suisse. Cette évolution aura durablement nui à la surveillance des marchés financiers.
Publié: 24.12.2023 à 06:05 heures
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Dernière mise à jour: 24.12.2023 à 08:37 heures
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Lorsque Ueli Maurer a quitté le Conseil fédéral fin 2022, il a déclaré que la situation du Credit Suisse allait se résorber seule en un ou deux ans.
Photo: Keystone
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Beat Schmid

Lorsque Ueli Maurer est devenu chef du Département des finances début 2016, le soulagement a été grand. On ne peut pas en dire autant pour sa prédécesseure, Eveline Widmer-Schlumpf. En revanche, le comptable diplômé s'est rapidement révélé être un ardent défenseur de la place financière.

Lors de son mandat, des recherches ont révélé qu'Ueli Maurer a affaibli de manière ciblée l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) qu'il dirigeait politiquement. Il aurait même personnellement veillé à ce que le mandat de l'ancien président du conseil d'administration de la Finma prenne fin prématurément. L'autorité de surveillance a durablement été affaiblie, précisément au moment où les problèmes du Credit Suisse s'aggravaient de manière considérable.

Etre «amical avec les banques»

Thomas Bauer a été nommé président du conseil d'administration de l'Autorité de surveillance des marchés financiers par le Conseil fédéral à la mi-2015, alors qu'il était encore sous la tutelle de la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf. Le juriste bâlois a pris ses fonctions en même temps qu'Ueli Maurer, c'est-à-dire début 2016. L'important est qu'une autorité de surveillance soit «efficace, crédible et respectueuse» des assujettis, a-t-il déclaré un jour à la «Schweiz am Sonntag». Être «Amical avec les banques» n'est pas un attribut qu'une autorité considère comme un compliment.

Mark Branson, directeur de la Finma, a quant à lui dirigé l'autorité sur le plan opérationnel à partir du printemps 2014. C'est notamment lui qui a imposé aux banques suisses les prescriptions les plus strictes au monde en matière de fonds propres tout en leur tenant tête lorsqu'elles ont exigé des assouplissements. Mark Branson avait été auparavant directeur financier de la gestion de fortune globale de l'UBS.

Le tandem Bauer-Banson

Le tandem Bauer-Banson fonctionnait bien: Mark Branson se présentait avec assurance, notamment parce que Thomas Bauer lui assurait un soutien politique. Lorsque la crise du Covid-19 a éclaté début 2020, le Credit Suisse a eu pour la première fois des difficultés à fournir suffisamment de liquidités. Un signal d'alarme a été donné. Mark Branson a alors exigé au CS des tampons de liquidités plus élevés. La banque a ainsi tout juste pu faire face aux gigantesques sorties de fonds d'octobre 2022. Le directeur de la Finma a ensuite ordonné un nouveau renforcement de la surveillance, mais n'a pas obtenu le soutien attendu de Ueli Maurer.

En juillet 2019, Thomas Bauer a été élu pour un nouveau mandat de trois ans. Mais celui-ci n'aura pas duré longtemps. Dès mars 2020, il a annoncé sa démission. Ueli Maurer aurait fait part au président du conseil d'administration de la Finma, qu'il ne souhaitait plus travailler avec lui. Thomas Bauer aurait, quant à lui, voulu poursuivre son mandat de trois ans jusqu'à fin 2023. Étant vice-présidente du conseil d'administration depuis 2018, Marlene Amstad a été nommée le 13 mars 2020 pour succéder à l'ancien président. Ce poste de haute responsabilité a été pourvu sans mise au concours formelle.

Conflits au sein de la Finma

Marlene Amstad a officiellement pris ses fonctions début 2021. Peu de temps après, un incident s'est produit avec le directeur de la Finma, Mark Branson. Comme l'a révélé l'agence de presse Reuters cette semaine, elle aurait exigé des cadres de la Finma des informations sur la surveillance des banques après son entrée en fonction, ce que les initiés ont interprété comme une mesure de la part de Mark Branson.

Marlene Amstad aurait également demandé au conseil d'administration de la Finma du personnel supplémentaire afin de renforcer encore plus le contrôle. Mais ce poste d'état-major n'a jamais été créé, car la direction de la Finma s'y est opposée avec succès. Quelques mois plus tard, Mark Branson a donné sa démission. Il est aujourd'hui à la tête de l'autorité de surveillance allemande Bafin. Son successeur est Urban Angehrn, issu du monde des assurances.

Alors que la situation du Credit Suisse s'aggravait à chaque scandale, la Finma s'est encore affaiblie avec le départ d'autres hauts fonctionnaires. Les chefs des domaines de la surveillance et de la liquidation des banques ont quitté l'autorité. Marlene Amstad n'est pas intervenu dans le travail de surveillance, mais a «réorganisé» le travail de l'organe de surveillance, explique-t-on à la Finma.

Une constellation fatale

La nouvelle constellation de la Finma s'est avérée particulièrement fatale à l'automne 2022. La Banque nationale a clairement reconnu à quel point la situation du Credit Suisse était mauvaise. Le président de la BNS, Thomas Jordan, voulait injecter 50 milliards de francs dans la banque et la nationaliser. Il est arrivé à la conclusion que la crise ne pouvait être résolue que de cette manière. Mais la Finma et le département des finances d'Ueli Maurer ont rejeté une nationalisation, tout comme la direction du Credit Suisse. Faute d'accord, les autorités ont décidé d'abandonner la banque à son sort.

Lorsqu'Ueli Maurer a quitté le Conseil fédéral fin 2022, il a déclaré que la situation du Credit Suisse allait se résorber seule en un ou deux ans. Aujourd'hui, il est clair que ses paroles étaient basées sur une représentation totalement erronée de la réalité. Lorsque la banque est devenue de facto insolvable en mars à la suite de nouveaux retraits d'argent, les autorités suisses n'étaient pas préparées et n'avaient qu'une seule option réaliste à disposition: la vente à son rival UBS.

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