Entre opportunité et risques
Une start-up suisse crée de nouveaux emplois en Ukraine

L'économie ukrainienne est au plus bas à cause de la guerre. Une start-up suisse crée néanmoins des emplois dans l'informatique en Ukraine. Un risque, mais aussi une chance dans la lutte contre la pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
Publié: 24.05.2022 à 15:06 heures
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La start-up suisse Noii, dirigée par sa fondatrice Laura Matter, a récemment embauché cinq programmeurs en Ukraine.
Photo: Zvg
Sarah Frattaroli

Alors que des millions de personnes quittent l'Ukraine pour fuir la guerre, la start-up suisse Noii, basée dans le Weinland zurichois, fait le chemin inverse: elle crée de nouveaux emplois dans le pays envahi par la Russie. Cinq programmeurs travaillent depuis quelques semaines pour Noii en Ukraine et d'autres devraient bientôt les rejoindre.

Noii est une plateforme de rencontre en ligne qui propose des rendez-vous vidéo entre célibataires. Elle est en pleine croissance. La start-up vient de conclure son premier tour de financement. Grâce aux investisseurs, l'entreprise tech, dirigée par sa fondatrice Laura Matter, peut pour la première fois employer des programmeurs pour développer une application. Jusqu'à présent, la plateforme de rencontre n'existait en effet que sur les navigateurs web.

Vladislav Lisavcov, originaire d'Ukraine, est le directeur technique de Noii et vit en Suisse. C'est lui qui a eu l'idée de miser sur des compatriotes programmeurs. «Il y a là-bas des spécialistes de haut niveau», s'enthousiasme-t-il auprès de Blick.

Programmer malgré les sirènes d'alarme

Les programmeurs ukrainiens de Noii ont tous la trentaine, ils ne peuvent pas quitter le pays. Par chance, ils n'ont pas encore été enrôlés dans l'armée, ce qui mettrait bien sûr fin immédiatement à leurs activités professionnelles. «Il y a actuellement plus de volontaires que d'armes à travers le pays, j'espère donc qu'ils ne seront pas obligés de s'engager», explique Vladislav Lisavcov.

Néanmoins, la guerre est omniprésente et fait partie du quotidien au travail. L'un des développeurs de Noii vit à Odessa. La ville située au bord de la mer Noire est dans la ligne de mire des Russes, elle est régulièrement la cible de frappes aériennes. «Une fois, un missile est tombé près de la maison de ses parents, raconte Vladislav. C'est là que j'ai compris pourquoi il était nerveux.» Mais dès le lendemain, le programmeur a repris son travail normalement.

Un autre des programmeurs de Noii, Vasyl Yavorskyi, écrit à Blick qu'il se met toujours à l'abri dans son appartement lorsque les sirènes retentissent à l'extérieur. Il se tient toujours à l'écart des murs extérieurs et se rend dans une pièce située le plus à l'intérieur de l'immeuble possible: il est ainsi protégé par plusieurs murs des explosions et des vitres qui volent en éclats.

Le déclenchement d'une alerte à la bombe au milieu d'un appel vidéo ne s'est toutefois jamais produit jusqu'à présent. «Mais nos développeurs travaillent aussi en grande partie de manière autonome, explique le chef technique Vladislav Lisavcov. Nous ne sommes pas tout le temps en contact.»

Dumping salarial en temps de guerre?

Pour Noii, l'embauche de programmeurs ukrainiens est aussi un acte de solidarité, car beaucoup ont perdu leur emploi à cause de la guerre. L'un d'eux, Oleksii Yurchenko, écrit à Blick que son nouvel emploi lui donne la possibilité de rester dans le pays malgré la guerre: «Nous ne voulons pas être à la charge des Européens.»

Autre point important: l'assèchement du marché des spécialistes en informatique. En Suisse, ce type de personnel est une denrée rare. Et il est cher. Pour une petite start-up, un salaire suisse en informatique devient vite inabordable. La situation est plus favorable avec un salaire ukrainien.

Vladislav Lisavcov assure toutefois que la start-up ne profite pas de la guerre pour faire baisser les salaires des programmeurs ukrainiens. «Ils ont tous reçu le salaire qu'ils demandaient. Et un développeur en Ukraine gagne jusqu'à dix fois plus que la moyenne nationale!», assure-t-il.

Une opportunité, mais aussi des risques

Outre Noii, d'autres entreprises de toute l'Europe devraient bientôt prendre le train en marche. Au vu du nombre de développeurs informatiques ukrainiens désormais disponibles, elles se frottent les mains.

Mais cela comporte aussi des risques: que la Russie prenne le contrôle de nouvelles régions, que les combats s'étendent à nouveau vers l'ouest et que davantage d'hommes soient appelés à servir dans l'armée. Dans ce cas, le travail informatique passerait évidemment au second plan. Noïi espère ne pas en arriver là. «Jusqu'à présent, les succès de la Russie ont été limités», estime sereinement Vladislav Lisavcov.

(Adaptation par Thibault Gilgen)

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