Après l’onde de choc provoquée par les révélations de Blick, la rumeur courait depuis plusieurs jours dans les couloirs du Département de la santé et de l’action sociale du Canton de Vaud (DSAS). Le directeur de la très connue Fondation Les Oliviers, qui vient en aide aux personnes alcooliques ou souffrant d’autres addictions et traverse une crise sans précédent depuis l’été 2021, allait être démis de ses fonctions. Et puis, ce 28 mars au soir, arrive un message sur mon téléphone: «Il s’est fait virer». Entre-temps, les résultats de l’audit commandé par le conseil de fondation fin janvier 2022 étaient arrivés sur la table de son président, Christophe Cavin.
Ce 29 mars en fin d’après-midi, ce dernier répond à mes questions, par écrit. «Prenant acte d’un état des lieux (ndlr: ledit audit) confirmant divers dysfonctionnements organisationnels et managériaux, le conseil de la Fondation Les Oliviers a décidé de réorganiser la direction de l’institution et de mettre un terme à sa collaboration avec le directeur général et la directrice générale adjointe de l’établissement, dans le respect des dispositions contractuelles», détaille son courrier électronique. Une prise de position également transmise à «24 heures».
La direction de l’établissement, touchant 13,3 millions de francs d’argent public par an, est donc décapitée à compter de ce mardi. Qui pour les remplacer? «Coordonné par M. Perry Fleury, ancien président de la Fondation (2006-2016), un comité de direction ad interim est mis en place et sera complété à court terme par un mandataire expérimenté, confie Christophe Cavin. […] Cette réorganisation vise à réinstaurer sans délai un climat serein et une conduite efficace dans l’institution, indispensables à l’organisation du travail et au bon accompagnement des bénéficiaires.» Entre les lignes, les mots sont durs avec l’ancienne direction.
Une organisation «sans grandes lignes directrices, sans pédagogie»
Avant de poursuivre, petit résumé de l’affaire. L’enquête de Blick avait démontré de nombreux dysfonctionnements au sein de l’important l’établissement basé au Mont-sur-Lausanne, également actif sur la commune de Lausanne. Depuis le premier semestre 2021, le personnel, notamment miné par des congés maladies longue durée, quitte le navire en masse. Selon les témoignages recueillis, en été 2021, il ne restait plus que trois salariés pour s’occuper de la quarantaine de résidents au sein du foyer de la Pontaise.
Jugée catastrophique, la situation avait été dénoncée à l’Inspection du travail en juillet 2021. Sur le même site, cinq nouveaux arrêts maladie, accompagnés à chaque fois d’une démission, ont été enregistrés ces dernières semaines.
Les critiques visaient notamment un «binôme toxique» de chefs. L’un s’est suicidé au printemps 2020 et l’autre a été licencié avant l’été 2021. Dans les colonnes de «24 heures», des collaborateurs contestent ses accusations, pointant plutôt du doigt les échelons supérieurs. Pour mémoire, les sources de Blick s’attaquaient également à la direction générale et dénonçaient une organisation «sans grandes lignes directrices, sans pédagogie, sans mission claire». Avec pour conséquences des bénéficiaires laissés à eux-mêmes, sans suivi. Au total, Les Oliviers emploient plus de 120 collaborateurs pour une soixantaine de résidents et plus de 200 personnes en réinsertion dans les ateliers protégés.
Que dit le rapport d’audit?
A ce stade, la liste de questions s’allonge. Quelles sont précisément les raisons du licenciement du directeur général et de la directrice générale adjointe? Le Canton est-il intervenu? Que disent les conclusions de l’audit? Quelles en sont les recommandations? Le conseil de fondation n’y répondra pas.
«Le conseil de fondation ne souhaite pas commenter les détails de cette décision (ndlr: les licenciements de deux membres de la direction)», coupe Christophe Cavin. Et pour l’audit? «Le rapport d’audit est confidentiel et nous ne pouvons pas vous le transmettre.»
Blick a cherché à en savoir plus du côté de l’Etat de Vaud, en posant les mêmes questions. «Le DSAS prend acte des décisions qui sont prises par le conseil de fondation […] et accompagnera l’institution pour qu’elle retrouve aussi vite que possible la sérénité permettant de fournir ses prestations auprès de ses résidents dans un contexte favorable.» Et pour le reste? «Pour toute demande concernant la décision du conseil de fondation, nous vous invitons à prendre contact avec celui-ci, y compris pour l’audit, qui a été demandé par l’institution et qui est un document interne.»
Le Canton suit l’affaire de près
Ces derniers mois, qu’a fait le Canton, mis au courant de cette crise à la fin du mois de juin 2021? «Quelques jours plus tard, à la suite d’un échange avec la direction des Oliviers, la DGCS (ndlr: Direction générale de la cohésion sociale) a demandé à la fondation de ne plus admettre de nouveaux résidents durant l’été.» Une requête «confirmée» par le Canton en novembre, puis en mars 2022.
Le DSAS a également chargé le CIVESS (Contrôle interdisciplinaire des visites en établissements sanitaires et sociaux), organe chargé de vérifier la bonne marche des institutions vaudoises, d’investiguer. Deux inspections ont eu lieu depuis: la première en août 2021, la seconde en février dernier. «Un suivi attentif de la mise en œuvre des recommandations a été mis en place. Le pôle concerné au sein de la DGCS a été constamment en contact avec la direction des Oliviers pour suivre l’évolution de la situation.» Un dernier rendez-vous avec le conseil de fondation a eu lieu «avant la fin mars». Le Canton a-t-il encouragé la Fondation Les Oliviers à se séparer de sa direction? Ni l’Etat, ni le conseil de fondation n’ont souhaité s’exprimer à ce sujet.
Et maintenant? «Le poste de directeur général/directrice générale sera mis au concours dès que possible, écrit Christophe Cavin. Au préalable, le conseil mènera une réflexion sur l’optimisation de l’organisation et de la gouvernance de l’institution.»