Imaginez le tableau: un camion-malaxeur à béton se déplace lentement sur le tas de gravats de la place de recyclage Goler. L'engin fait demi-tour, puis déverse du béton liquide de son tambour. La matière est brièvement arrosée avec un tuyau d'arrosage. Puis le véhicule quitte le terrain. Cette opération n'aura duré que quelques minutes. Mais elle ne sera pas sans conséquences.
Ce n'est pas une mise en scène. Ce déversement de béton s'est bel et bien déroulé en plein sur la route cantonale entre Viège et Rarogne dans le Haut-Valais, en plein jour, aux yeux de tous. Une pratique qui, selon d'anciens collaborateurs, existe déjà depuis des années. L'entreprise de construction Theler AG est à nouveau sous les feux des projecteurs – mais pas pour les bonnes raisons.
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Premières accusations en 2021
Depuis 2021, une procédure préliminaire est en cours contre la société valaisanne pour ses pratiques douteuses. Theler AG était alors soupçonnée de violation délibérée des obligations environnementales. A l'époque, la société était visée à cause de son déversement de béton dans le Rhône. Aujourd'hui, elle est accusée de lavage illégal de véhicules.
Revenons à notre pièce de théâtre bien réelle. Quelques minutes plus tard, le prochain véhicule de l'entreprise de construction est aspergé d'eau. Sur place, les journalistes de Blick assistent à ce spectacle, jour après jour. A chaque représentation, du béton frais est déversé des bétonnières sur la montagne de gravats. Les véhicules, en premier lieu les goulottes de déversement du béton, sont ensuite lavés au jet d'eau. Et toute cette mascarade se passe sur un tas de gravats d'environ six mètres de haut.
Une eau de lavage très problématique
Sortons de la fiction. Le gros problème dans cette histoire, c'est justement ce lavage des véhicules à l'eau: celle-ci est hautement toxique et peut s'infiltrer dans le sol. Christine Genolet-Leubin, responsable valaisanne de l'environnement, précise: «L'eau de rinçage qui résulte du nettoyage est fortement alcaline et riche en matières solides. Concernant ces opérations de lavage, les conditions exactes doivent donc être examinées de plus près.»
En d'autres termes, l'Office valaisan de l'environnement veut clarifier plus précisément ce qui se passe dans la décharge de Theler AG, d'après les informations de Blick. «La question de savoir si une procédure avec d'éventuelles sanctions doit être ouverte ou non fera également l'objet d'une enquête plus approfondie», poursuit la responsable valaisanne de l'environnement.
Qu'en dit l'Office des déchets du canton de Berne?
Blick s'est également tourné vers l'Office des déchets du canton de Berne. «Le lavage des véhicules doit avoir lieu sur une place de lavage équipée et autorisée à cet effet», explique le chef de service Patrick Locher, qui ajoute: «Les eaux de lavage sont des eaux usées polluées qui, après un éventuel prétraitement, doivent être évacuées dans la canalisation des eaux usées.»
Le chef de service note par ailleurs que les eaux de lavage ont un pH élevé et sont donc nocives pour l'environnement. «Si le nettoyage des camions-malaxeurs a lieu exceptionnellement sur un chantier, les installations de préséparation et de traitement nécessaires à cet effet sont également prescrites, avec un contrôle correspondant des eaux usées.» Autrement dit, le lavage au jet des véhicules serait interdit sans installation spécifique – du moins à Berne. Mais d'après les photos aériennes de la place près de Rarogne prises par Blick, de telles installations n'existent pas.
De son côté, la responsable valaisanne de l'environnement ne voit aucun problème avec le béton frais que l'entreprise déverse sur le tas de gravats. Celui-ci durcit rapidement et il n'y a, selon elle, aucun risque de pollution du sol. A Berne, on a une opinion clairement différente sur la question. «Les polluants contenus dans le béton liquide ne sont pas immobilisés et peuvent s'infiltrer dans l'eau d'infiltration... et donc dans la nappe phréatique ou dans une eau de surface», atteste Patrick Locher.
Pour l'entreprise visée, tout va pour le mieux
Chez Theler AG, on n'admet aucun faux pas. Interrogé par Blick, le chef de l'entreprise Renzo Theler déclare: «Les images en question montrent comment la goulotte pivotante et inclinable de la bétonnière est nettoyée. Ce lavage de la goulotte ne constitue pas une infraction aux prescriptions environnementales.»
Et de poursuivre: «Le nettoyage du toboggan se fait à l'eau sur le tas de gravats de six mètres de haut. Cela signifie que l'eau reste à l'intérieur du matériau de remblai», explique Renzo Theler. Comme l'eau de lavage doit d'abord s'infiltrer à travers l'amas de gravats, le directeur estime qu'il n'y a aucun risque de contamination du sol en dessous. Ce nettoyage est effectué afin de maintenir les camions-bétonnières en état de marche. «Nous n'avons rien à cacher. Nous n'avons pas peur d'un contrôle supplémentaire par les autorités», ose-t-il.
Le chef d'entreprise considère plutôt que lui-même et ses employés sont victimes d'une campagne de dénigrement. Son entreprise serait dénoncée par vengeance par un ancien employé qui aurait été licencié en bonne et due forme, selon l'intéressé.
Après 3 ans au point mort, l'enquête reprend
Au printemps 2021, des vidéos compromettantes pour la société avaient déjà refait surface. Les images montraient des bétonnières de l'entreprise déversant du béton frais dans le Rhône, au lieu de l'éliminer de manière professionnelle et respectueuse de l'environnement. Le «Walliser Bote» avait alors rendu l'affaire publique.
Les autorités étaient intervenues et des témoins entendus. Le Ministère public avait ouvert une enquête préliminaire. Pendant presque trois ans, l'affaire était restée au point mort. Mais depuis quelques mois, les enquêtes de Blick montrent que la police judiciaire valaisanne s'occupe à nouveau activement de l'affaire.
D'autres témoins auraient été entendus ces derniers mois, et la direction autour de Renzo Theler aurait également été interrogée. L'un des témoins interrogés déclare à Blick: «Les fonctionnaires voulaient savoir exactement qui avait fait les vidéos à l'époque et qui avait donné les instructions de déverser le béton dans le Rhône.» Interrogé sur cette procédure, Renzo Theler s'est montré encore une fois réservé: «Cette procédure est encore en cours, c'est pourquoi je ne m'exprime pas à ce sujet.» La suite au prochain épisode...