«Climaticide», «greenwashing», atteintes aux droits humains... Le géant pétrolier français TotalEnergies est sous le coup de plusieurs procédures judiciaires lancées par des ONG sur des sujets climatiques, environnementaux et sociaux, dont certaines ont été rejetées. Le point sur les principales affaires.
Homicide involontaire et non-assistance à personne en danger
C'est la dernière offensive judiciaire en date: une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre pour homicide involontaire et non-assistance à personne en danger contre TotalEnergies après le dépôt d'une plainte en octobre par des survivants ou familles de victimes de la sanglante attaque de Palma (Mozambique) en mars 2021. Les plaignants accusent le groupe d'avoir fait preuve de négligences dans l'évaluation des risques sécuritaires.
Pollution des terres et des eaux
En janvier 2024, une cinquantaine de ressortissants yéménites ont assigné en référé TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre en l'accusant de polluer les terres et les eaux d'une région désertique de l'Hadramaout, où le géant de l'énergie exploite des puits pétroliers depuis les années 1990.
Le projet pétrolier le plus contesté est le forage «Tilenga», 419 puits en Ouganda, dont un tiers dans le parc naturel des Murchison Falls, associé au EACOP (East African Crude Oil Pipeline), le plus long oléoduc chauffé au monde, destiné à transporter les hydrocarbures de Tilenga jusqu'à l'Océan indien en traversant la Tanzanie sur 1,445 km.
Vingt-six Ougandais et cinq associations françaises et ougandaises (AFIEGO, les Amis de la Terre France, NAPE/Amis de la Terre Ouganda, Survie et TASHA Research Institute) ont lancé en juin 2023 une action civile pour demander «réparation» devant le tribunal judiciaire de Paris de divers préjudices: expropriations abusives, compensations insuffisantes, harcèlement...
Les associations Darwin Climax Coalitions, Sea Shepherd France, Wild Legal et Stop EACOP-Stop Total en Ouganda ont également déposé en septembre à Nanterre une plainte au pénal, qui est, selon elles, «inédite» car elle assigne TotalEnergies «devant le juge pénal pour des faits s'apparentant à un climaticide».
«Pratiques commerciales trompeuses»
Trois ONG – Greenpeace France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous – ont assigné au civil en mars 2022 TotalEnergies pour «pratiques commerciales trompeuses», mettant en cause son ambition de neutralité carbone d'ici 2050 et la présentation du gaz comme l'énergie fossile «la plus propre».
Une enquête a par ailleurs été ouverte par le parquet de Nanterre en 2021 pour «pratiques commerciales trompeuses», après la plainte en 2020 de plusieurs associations de défense de l'environnement (Wild Legal, Sea Shepherd France et Darwin Climax Coalitions) accusant le groupe d'afficher une stratégie climatique de neutralité carbone en contradiction selon eux avec la poursuite de projets d'énergies fossiles.
La major pétrolière avait assigné en avril 2023 Greenpeace pour «diffusion d'informations trompeuses» aux marchés boursiers après la publication, fin 2022, d'un rapport estimant que les vraies émissions de gaz à effet de serre de TotalEnergies pour l'année 2019 étaient quatre fois plus importantes que ce que la multinationale annonce. Ces poursuites ont été annulées fin mars par la justice et TotalEnergies a renoncé jeudi à faire appel de cette décision.
Loi sur le «devoir de vigilance»
Au nom d'une loi sur le «devoir de vigilance», les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises réclamant la suspension des projets Tilenga et EACOP avaient assigné TotalEnergies en 2019, une procédure jugée irrecevable début 2023. C'est après cet échec que les associations ont entamé la nouvelle procédure en réparation.
AU nom de cette même loi, une coalition de six ONG et 16 collectivités, dont Paris et New York, avait accusé en 2020 l'entreprise d'«inaction climatique», une assignation également jugée irrecevable en juillet 2023. Dans les deux cas, la justice a estimé que les plaignants n'avaient pas suffisamment exploré la voie du dialogue avec le géant pétrolier avant de saisir la justice, comme le prévoit la loi.
Deux associations (l'ONG bordelaise Darwin Climax Coalition et l'ukrainienne Razom We Stand) reprochant à TotalEnergies d'avoir continué à exploiter un gisement en Russie après le début de la guerre en Ukraine, ce qui aurait permis de fabriquer du carburant utilisé par l'aviation militaire russe, ont porté plainte pour complicité de crimes de guerre russes en Ukraine. La justice l'a déclarée irrecevable pour des raisons de procédure en octobre 2023, après un premier recours déjà écarté en 2022.
(AFP)