Presque cinq mois se sont écoulés depuis que Montreux a été le théâtre du drame qui a décimé une famille, tombée d’un balcon en face du casino. Un fait divers qui a eu un retentissement international et continue de faire du bruit en France, pays d’où les cinq protagonistes de cette mystérieuse tragédie étaient originaires.
«Le Point» consacre une large enquête, découpée en cinq volets, aux événements survenus le 24 mars dernier. À la lecture des deux ayant déjà été publiés, on constate que le magazine français, comme de nombreux médias avant lui, a fait l’expérience du mutisme de la police vaudoise: «Se pencher sur cette affaire, c’est se heurter au mur des autorités helvétiques qui, sous prétexte de protection de la vie privée, en disent le moins possible.»
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Les curieux ayant bien suivi l’histoire n’apprendront pas grand-chose dans le premier volet, si ce n’est des détails. Certains sont assez sordides, comme l’existence d’un escabeau ayant permis aux cinq ressortissants français de se jeter dans le vide depuis l’avenue du Casino 35. «Une tempête l’a couché au sol il y a quelques semaines», écrit la journaliste.
Voiture pas fouillée par la police?
On apprend aussi que la non-existence légale de la mère de famille a commencé en 2016, lorsque la quadragénaire a annoncé aux autorités son départ pour le Maroc avec sa fille, alors âgée de 3 ans. Plus surprenant, «Le Point» écrit que la voiture familiale dort toujours au sous-sol, «le coffre plein et les sièges recouverts» de nourriture ou de sachets de pharmacie. Elle n’aurait pas été fouillée par la police, assurent des habitants, ce que ne veut pas confirmer le Ministère public.
Par rapport à ce qui avait déjà été écrit sur cette affaire, le second épisode est plus instructif. Il est consacré à l’origine de la famille endeuillée. Les deux femmes décédées à Montreux étaient les petites-filles de Mouloud Feraoun, confirme «Le Point». L’écrivain et poète algérien, ami d’Albert Camus, fut exécuté en 1962 par l’Organisation de l’armée secrète (OAS), organisation proche de l’extrême-droite française. Emmanuel Macron lui a rendu hommage à Alger le 15 mars dernier, soit… neuf jours avant le drame de Montreux.
Un héritage dont les deux femmes étaient loin de se targuer: pourtant membres d’une fratrie de cinq — dont le père, malade, vit à Paris —, elles se présentaient comme filles «uniques et orphelines» à Montreux. Ce que confirme l’enquête du «Point», c’est le rôle central qu’a occupé la pandémie de Covid-19 dans le drame. Les deux sœurs («inséparables») y voyaient le fruit d’un complot destiné à décimer la population mondiale. Des propos encore tenus par l’une des deux au salon de coiffure, la veille du drame.
Un «survivalisme à la carte»
L’enquête de voisinage réalisée par l’hebdomadaire français ressemble, en revanche, à ce qui a déjà été publié sur le drame. Elle confirme l’extrême discrétion de la famille, très taiseuse. Même si les deux femmes sortaient régulièrement ensemble au bar du Casino — le serveur réalisait d’ailleurs un cocktail sur mesure («Les jumelles») pour les deux Françaises.
Reste que, comme le laissent d’ailleurs entendre les autorités, c’est bien la piste du survivalisme qui aurait poussé la famille à cet acte insensé. Une tendance d’un nouveau genre, assure le sociologue Bertrand Vidal au magazine français. L’expert, auteur d’un livre sur le sujet, appelle cela le «survivalisme à la carte». «Un néosurvivalisme que l’on va se construire à partir de vidéos YouTube, de livres et d’accessoires commandés sur Amazon, et où l’on va piocher dans des idéologies complotistes et sectaires.»
Quel rôle a joué le père de famille, présenté par divers médias comme tout puissant et à la base du projet funeste survenu le 24 mars? Le média français promet de répondre à cette question dans le troisième volet, encore à paraître.