Manque de personnel
Comment la Suisse continue-t-elle à tourner?

Assistantes maternelles, intérimaires, étudiants... En raison d'un taux d'absentéisme élevé dû aux Covid-19, de nombreux Suisses travaillent dur pour combler les manques.
Publié: 16.01.2022 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 16.01.2022 à 07:40 heures
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Benjamin Alder apporte son soutien dans un centre de vaccination.
Photo: Siggi Bucher
Dana Liechti et Tobias Marti

Le «raz-de-marée Omicron» balaye la Suisse de plein fouet. Selon les chiffres officiels de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), plus de 210’000 personnes sont actuellement bloquées chez elles, en isolement ou en quarantaine. Mais difficile de confirmer l’exactitude de ces chiffres: depuis la modification de la réglementation sur la quarantaine, les données sont peu claires.

Selon l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique du pays, le ravitaillement en biens et services vitaux est toujours assuré. Toutefois, la diminution des effectifs a quand même des conséquences. Par exemple dans les transports publics, où certaines lignes de tram et de bus sont en service limité, voire même fermées.

Les chemins de fer fédéraux sont également touchés. En Suisse alémanique, le personnel disponible est encore suffisant pour faire circuler tous les trains, selon un porte-parole. En revanche, en Suisse romande et au Tessin, jusqu’à 15% du personnel est actuellement absent. Certaines lignes ne sont pas desservies. D’autres convois circulent grâce à des cadres et à des formateurs qui reprennent du service en tant que conducteurs.

Forte demande en main-d’œuvre intérimaire

L’augmentation des absences de la main-d’œuvre est une aubaine pour les agences d’intérim. La demande a explosé depuis le début de l’année, explique Marius Osterfeld, économiste chez Swissstaffing, l’association des services de l’emploi. Coople, la plus grande plate-forme numérique du secteur, a enregistré trois fois plus d’offres d’emploi au cours des premières semaines de janvier que l’année dernière à la même époque.

«Les solutions de remplacement à court terme sont demandées partout où les travailleurs doivent être physiquement présents pour exercer leur métier, par exemple dans la logistique, les entreprises industrielles, la restauration, mais aussi dans les centres de test et de vaccination, explique Marius Osterfeld. Ces entreprises ont besoin d’un remplacement rapide et efficace. Les intérimaires apportent leur aide pour que tout ne s’effondre pas.»

Benjamin Alder est l’une de ces personnes. Ce jeune homme de 21 ans travaille temporairement au centre de vaccination de l’hôpital d’Affoltern, dans le canton de Zurich, en tant que chef de projet adjoint et propose quotidiennement, via Coople, ses services afin de faire fonctionner le centre de vaccination. «Au cours des deux dernières semaines, nous avons eu deux à quatre annulations par jour. Nous devons alors à chaque fois faire appel à du personnel de manière très spontanée.» Cette main-d’œuvre permet de fonctionner en toute flexibilité, particulièrement dans l’administration. «Pour le personnel médical, en revanche, nous atteignons parfois nos limites», regrette Benjamin Alder.

Ce n’est pas étonnant: le personnel temporaire est très recherché dans le secteur de la santé. Grâce à ces intérimaires, à des remplacements à l’interne et à l’embauche de personnel, les hôpitaux ont bon espoir de pouvoir faire face aux goulots d’étranglement dans les jours et semaines à venir. Les services d’aide et de soins à domicile sont également touchés par ces pénuries de personnel, qui sont compensées de la même manière que dans les hôpitaux. Malgré tout, la situation reste tendue.

De nombreuses absences, des employés épuisés

La situation devient également critique dans les établissements de garde d’enfants, un secteur déjà précaire avant la pandémie. «Ces derniers jours, de nombreux acteurs de la branche ont réagi face au manque de personnel et aux fermetures imminentes», note Prisca Mattanza, porte-parole de la fédération suisse pour l’accueil de jour des enfants.

Nicole Provini, directrice de la crèche Sputnik en ville de Berne, sait à quel point la situation est actuellement difficile pour les crèches. «Rien que cette semaine, nous dénombrons déjà trois absences à cause du Covid, désespère la quinquagénaire. Et ce, malgré le booster. De toute façon, depuis le début de la pandémie, il manque en moyenne quelqu’un chaque jour. Nous n’arrivons à tourner que parce que mes collaborateurs travaillent plus, se remplacent les uns les autres et que je reste parfois douze heures en fonction. Nous atteignons nos limites, ce qui entraîne à son tour des absences pour cause d’épuisement.»

Les jours et les semaines à venir inquiètent beaucoup la directrice: «Nous espérons simplement pouvoir faire face à la situation d’une manière ou d’une autre.» Son équipe est certes épuisée, mais heureusement toujours motivée – notamment grâce à la gratitude et bienveillance des parents.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense des déclarations des autorités qui estiment que la stratégie suisse fonctionne, elle répond avec un sourire fatigué: «Dans le domaine du soin et de l’accueil, c’est nous, parmi d’autres, qui portons une lourde charge pour que cela fonctionne. Et pourtant, nous sommes toujours les oubliés.»

Des étudiants en soutien?

«On attend en vain de l’aide», déplore Nicole Provini. Ainsi, il y a un an déjà, elle avait demandé aux écoles professionnelles du canton de Berne s’il ne serait pas possible de faire intervenir des apprentis dans les institutions en cas d’urgence. «Malheureusement, nous avons reçu une réponse négative.» Ce serait pourtant un moyen simple de pallier les pénuries de personnel.

Cette stratégie a déjà été éprouvée ailleurs. Les écoles envoient régulièrement des étudiants pour des postes d’auxiliaires. Nadine Giovanoli, 20 ans, qui est en plein milieu de sa formation d’enseignante à la HEP de Saint-Gall, est récemment intervenue lorsqu’une école thurgovienne a manqué de personnel enseignant.

Une semaine après avoir été sollicitée par la direction de l’école, la future pédagogue se trouvait déjà devant des élèves du collège en tant que professeur de classe. Certains élèves lui ont demandé ce que cela faisait d’être encore en formation et d’enseigner. «Mais les enfants étaient surtout reconnaissants de pouvoir aller à l’école pendant cette période et d’y voir leurs amis.», rappelle-t-elle. Et que dira-t-elle si on lui demandait à nouveau d’effectuer un remplacement? «Pourquoi pas», répond Nadine Giovanoli, bien que ses études soient prioritaires.

Ce sont certainement des personnes comme Nadine Giovanoli, Nicole Provini et Benjamin Alder qui permettent au pays de tourner, malgré la vague Omicron. Ils serrent les dents, font des heures supplémentaires et aident là où ils peuvent.

(Adaptation par Jessica Chautems)

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