C'est un tunnel dont on ne voit pas le bout, et qui longtemps ne laissait entrevoir pas même un maigre rayon de lumière: toutes les analogies concernant les tunnels s'appliquent à celui du Riedberg, dans le Haut-Valais. Censé compléter le tronçon de l'A9 à la hauteur de Gampel, sa construction a été marquée par une série rocambolesque de retards, de soupçons de fraude et de problèmes techniques et topographiques. Lorsqu'il sera en fin achevé d'ici à quelques années, il aura coûté une fortune aux contribuables.
Nous nous trouvons devant le tunnel du Riedberg avec Martin Hutter, chef du service de la construction des routes nationales depuis 2013. Casque blanc, des vêtements de chantier jaunes et bleus et des bottes noires, il nous conduit dans le tube sud. Il est un peu plus de 9 heures, un mercredi matin: dix-sept années se sont écoulées depuis le premier coup de pioche. Et le tunnel est toujours un chantier. A l'intérieur, les ouvriers sont éclairés par de puissantes lampes. Des poutres en acier, des armatures et du béton coulé sur place offrent une protection face au risque d'effondrement, tandis que l'excavation continue. Dehors, il fait gris et froid, un brouillard plane au-dessus la vallée du Rhône.
Le tunnel mesure un peu plus de 500 mètres par tube et est construit dans une pente glissante: le versant de montagne dans lequel il est creusé est instable et se déplace d'environ un centimètre vers la vallée chaque année. Les pièges semés par la nature ont fait exploser les coûts. Initialement budgétée à 54 millions de francs, la construction du tunnel du Riedberg aura coûté 220 millions de francs à son achèvement (estimation actuelle). Soit quatre fois plus! En d'autres termes, cela signifie 220'000 francs - ou une Lamborghini de 640 chevaux - par mètre construit. Il s'agit du tunnel le plus cher de Suisse.
Les problèmes ont commencé après le premier coup de pioche
Un chantier de dix-sept ans, et un débat public qui date des années 1970: la décision d'élargir l'A9 dans le Haut-Valais remonte à près d'un demi-siècle. Dès les années 1980, des voix critiques expriment des doutes: le tunnel du Riedberg est-il vraiment judicieux et réalisable dans ce contexte? Les autorités ont estimé que oui. Et pour dissiper tous les doutes, elles ont fait creuser entre 1988 et 1989 une galerie de sondage de 100 mètres de long sur le tracé prévu pour le tube sud.
Comme le percement s'est déroulé sans problème, la construction du tunnel a été définitivement mise en œuvre.
Martin Hutter nous explique le choix du site: «La vallée du Rhône est étroite. Dans la zone au pied de la pente du Riedberg, le fond de la vallée est occupé par le fleuve, la route cantonale et les CFF. Le tunnel devait permettre de contourner ce goulet d'étranglement.» Mais rien ne se passe comme prévu. Quelques mois seulement après le premier coup de pioche en septembre 2004, c'est la désillusion.
Le projet de construction doit être abandonné dès 2005. Les ingénieurs constatent des déformations inattendues sur l'ouvrage. La pente s'était mise à glisser plus fortement. Cela n'a rien à voir avec le chantier en lui-même, précise Martin Hutter: «Les travaux de construction n'étaient pas et ne sont toujours pas la raison pour laquelle la pente glisse.» Mais les mouvements du terrain empêchent l'avancement des travaux. Les années passent, les études et les analyses se multiplient, dans l'espoir de voir le bout du tunnel et de mener à bien le projet routier, malgré l'adversité. Les analyses parviennent à la conclusion que sans renforcement supplémentaire, aucune chance de percer les deux tubes.
Des factures falsifiées pour épuiser le budget
Comme si cela ne suffisait pas, des scandales autour du financement éclatent. En 2006, le public apprend que des millions de francs avaient été versés à des entreprises de construction au moyen de factures inventées de toutes pièces... pour des travaux qui n'avaient pas encore été réalisés! Une astuce des Valaisans pour pouvoir épuiser entièrement le budget annuel de 700 millions de la Confédération pour la construction d'autoroutes. Le tribunal de district de Brigue a ensuite acquitté les neuf accusés.
Les travaux reprennent à l'automne 2014, dix ans après le début du chantier. Les ouvriers se cantonnent à préparer et stabiliser l'endroit. Le percement lui-même est censé reprendre au printemps 2015. Mais un nouveau scandale administratif éclate. Un recours concernant la procédure d'appel d'offres interrompt une deuxième fois les travaux. Une entreprise monte aux barricades parce que le canton du Valais a résilié et réattribué le contrat qui le liait à elle. Le Tribunal cantonal rejette le recours fin 2014. En été 2016, le projet peut redémarrer.
Les opposants exigent l'arrêt des travaux
Depuis, le tunnel grignote la roche, 25 centimètres par jour. Une lenteur agonisante qui conduit une poignée de députés du PS à déposer un postulat en 2018. Que veulent-ils? Rien moins que l'interruption de la construction du tunnel pour lui privilégier un tracé à ciel ouvert. La demande est rejetée par le Grand Conseil. Le chef de chantier déclare aujourd'hui: «Il est beaucoup plus facile de creuser un tunnel dans la roche que de construire une route sur des roches meubles.» Et Martin Hutter de défendre la lenteur de l'excavation: «La sécurité est toujours la priorité. Et puis, arrêter le percement du tunnel et passer à un tracé à ciel ouvert aurait encore retardé les travaux de plusieurs années.»
L'un des cosignataires du postulat de l'époque est Werner Jordan, aujourd'hui conseiller municipal à Brigue. Il s'est résigné: «Le sujet du tunnel du Riedberg pourrait être discuté pendant des soirées entières. Mais aujourd'hui, cela n'a plus de sens d'interrompre l'exercice. Notamment parce que les deux tubes sont percés depuis mars 2021. Jusqu'à présent, 200 millions de francs ont été enterrés dans le tunnel du Riedberg: comment faire comprendre maintenant aux contribuables qu'il faut quand même un tracé à ciel ouvert?» Pour autant, Werner Jordan ne croit pas à la durabilité de cette construction. Selon lui, le tunnel sera régulièrement fermé à l'avenir, pour des travaux d'entretien, ce qui alourdira encore la facture.
La lumière au bout du tunnel
«Bien que les deux tubes soient maintenant percés, les défis techniques de construction restent importants», concède Martin Hutter en marchant dans le tunnel. Et pourtant, il est optimiste: «Dès que les travaux de renforcement de la protection contre l'excavation seront terminés, la coque intérieure et l'aménagement intérieur seront conçus en fonction des déplacements forcés attendus, de manière à obtenir un ouvrage aussi flexible que possible.» En effet, plus le corps en béton de la voûte est rigide, plus le risque d'éclatement est grand.
Fin octobre de cette année, il a annoncé une bonne nouvelle devant les médias, en compagnie du conseiller d'État responsable, Franz Ruppen: le tunnel de Riedberg devrait pouvoir être mis en service en 2025-2026. Il est bien possible qu'on voie donc, enfin, le bout du tunnel.