Les détails de la réforme de l'OCDE et du G20 ne sont toujours pas connus. Mais l'idée de base est d'imposer à 15% toutes les grandes entreprises, celles dont le chiffre d'affaires dépasse les 750 millions d’euros. Si un Etat ne joue pas le jeu, des impôts supplémentaires pourraient être exigés dans un autre pays.
La Suisse, connue pour avoir des taux d'imposition des entreprises particulièrement favorables, entend s'aligner. «Les entreprises devront de toute façon débourser 15%. Nous devons percevoir cet argent en Suisse, et pas le laisser filer à l'étranger», a souligné jeudi devant les médias le ministre des Finances, Ueli Maurer.
L'imposition à 15% ne doit toutefois toucher que les entreprises qui remplissent les conditions fixées par l'OCDE et le G20, a-t-il précisé. Quelque 200 sociétés helvétiques et 2000 à 2500 filiales de groupes étrangers seraient concernées. Les entreprises opérant uniquement en Suisse et les PME ne seront pas touchées.
Le spectre des pertes fiscales et d'emplois
Une modification de la Constitution est nécessaire pour appliquer cette imposition différenciée. Elle devra être soumise au peuple et aux cantons le 18 juin 2023. Un «non» n'est pas envisageable pour Ueli Maurer. Trop d'entreprises quitteraient le sol helvétique, estime-t-il. Les pertes fiscales se monteraient à plusieurs millions de francs et des dizaines de milliers de places de travail passeraient à la trappe.
Une ordonnance transitoire devra ensuite être élaborée. Elle doit garantir l’entrée en vigueur de l’imposition minimale le 1er janvier 2024. La loi correspondante sera adoptée ultérieurement par la voie ordinaire.
Préserver l'attractivité de la Suisse
L'augmentation du taux d'imposition impliquera pour certaines sociétés de devoir débourser plusieurs dizaines, voire centaines, de millions de francs supplémentaires, a relevé Ueli Maurer. Selon le ministre UDC, pour préserver l'attractivité de la place économique, toutes les spécificités suisses, comme le droit de timbre d'émission et l'impôt anticipé, doivent être supprimées.
Des mesures compensatoires sont également en train d'être discutées dans les cantons. Peu de précisions ont été données à ce sujet. Mais une chose est sûre, il ne s'agira pas de mesures fiscales. «Cela ne serait pas accepté», a expliqué le Zurichois.
L'abaissement du coût du travail, relativement élevé en Suisse, pourrait être une piste, a précisé Nathalie Fontanet, membre du comité de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF). Il pourrait notamment être question d'aider les entreprises à payer les charges sociales.
La création d'un fonds pour assurer l'attractivité ne séduit en revanche pas la cheffe des Finances genevoise: «Cela enlèverait des moyens au budget et empêcherait de faire face à une crise ou à des dépenses inattendues.» Rien n'est encore décidé. Chaque canton pourra prendre les mesures les plus adaptées à son territoire.
L'autonomie chère aux cantons
Les cantons percevront également les impôts supplémentaires, et recevront les recettes fiscales supplémentaires. Ces dernières seront soumises à la péréquation financière nationale. Une autonomie appréciée par les représentants des cantons.
De manière générale, ils jugent la proposition gouvernementale positivement. «Elle permettra d'assurer l'attractivité de la Suisse et de maintenir le substrat fiscal dans le pays, tout en respectant les standards internationaux, a salué Kaspar Michel, également membre du comité de la CDF. Les entreprises disposeront quant à elles d'une plus grande sécurité juridique.»
(ATS)