Employée de Micarna en grève
«Ce n'est pas un plan social, c'est du sable qu'on nous jette dans les yeux!»

Les employés de Micarna font grève ce jeudi 29 février. Alors que Migros a annoncé la fermeture prochaine du site vaudois de sa filiale viande, les employés sont très en colère contre leur employeur. Une travailleuse a accepté de se confier à Blick.
Publié: 29.02.2024 à 14:31 heures
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Dernière mise à jour: 29.02.2024 à 15:42 heures
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Les employés de Micarna sont en grève, ce jeudi 29 février 2024.
Photo: KEYSTONE
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Léo MichoudJournaliste Blick

À Écublens (VD), les employés de la filiale Micarna font grève, en colère contre leur direction. Migros a annoncé que le site de transformation de viande fraîche — qui compte 84 salariés — mettra la clé sous la porte au printemps 2025. Depuis ce matin du jeudi 29 février, les grévistes demeurent devant le bâtiment, alors que la direction a «refusé le dialogue», appuie le syndicat UNIA.

Par l’intermédiaire de la secrétaire syndicale Nicole Vassalli, Blick a pu discuter avec une employée de Micarna en grève. Anonymement et par téléphone, elle explique les raisons de sa colère. Ce qui les a menés, elle et ses collègues, à débrayer. Interview.

Comment ça s’est passé pour vous ce matin?
Nous sommes arrivés à 4h30 du matin. Nous nous sommes tous réunis ici, devant le site de Micarna, à Écublens. Le syndicat UNIA représente plus de 70% des employés. Le directeur, est venu et a voulu nous persuader de reprendre notre poste de travail. Mais on a refusé, parce que le plan social qu’ils nous ont présenté n’est pas correct. Plus tard, les responsables RH sont arrivés, dont le directeur du personnel. Il était à la fois avec nous, les employés, et avec la direction.

Que vous ont dit vos responsables?
Avec deux autres représentants de Migros, ils nous ont fait une espèce de menace, comme quoi si on ne reprend pas notre poste de travail, il y a des lois à suivre. Ils voulaient que l’on reprenne le travail. On a dit non, pas avant qu’ils s’asseyent à la table des négociations pour qu’on puisse faire valoir nos droits.

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«J’ai encore un futur devant moi. Mais je suis solidaire de tous mes collègues. Proches de la retraite ou non, nous sommes tous dans le même bateau. Nous, ce qu’on veut, c’est un plan social juste»
Une employée anonyme de Micarna à Écublens (VD)
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Le mouvement de grève est largement suivi?
Nous sommes ensemble jusqu’à la fin, tous les travailleurs. Seuls des temporaires sont au boulot, ainsi que deux chefs qui n’ont pas rejoint notre mouvement. J’ai encore un futur devant moi. Il me reste une vingtaine d’années à travailler. Mais je suis solidaire de tous mes collègues. Proches de la retraite ou non, nous sommes tous dans le même bateau. Nous, ce qu’on veut, c’est un plan social juste.

Qu’est-ce que c’est, pour vous, un plan social juste?
Dans ce processus de fermeture, ils ne nous ont même pas donné de version papier. La personne des RH qui nous a parlé a lu la feuille qu’elle avait, et c’est tout. Nos demandes de le recevoir ont été refusées. On devrait pouvoir le lire tranquillement à la maison et étudier tous les points. Aussi, ils nous font des pressions pour trouver un nouveau travail, surtout depuis le 26 février. Si on en trouve un avant la fermeture, on n’est pas concernés par le plan social.

Représentés par le syndicat UNIA, les employés de Migros critiquent le plan social et la manière dont il leur a été présenté.
Photo: KEYSTONE

Qu’est-ce que ça signifie concrètement pour vous?
Si je commence un nouveau travail dans quelques mois, mais que cela ne joue pas, je perds tout. Micarna me mettrait alors dans une situation où je suis pénalisée au chômage et je n’ai pas accès au plan social parce que j’ai donné ma lettre de congé avant la fermeture.

La Migros a promis des emplois dans d’autres filiales, notamment chez Micarna à Courtepin (FR). Comment cela s’est-il passé?
Ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont affiché dans les locaux des places de travail qu’on trouve déjà sur internet. J’ai essayé de postuler au sein de Migros, tout m’a été refusé pour des questions de profil. Il n’y a pas vraiment de processus dans lequel l’employeur fait son possible pour nous réengager à l’interne.

Vous dites que les choses ne se sont pas toujours passées ainsi.
Quand ils avaient fermé la poissonnerie, ici à Écublens, les gens avaient des opportunités et du suivi. À ce moment-là, ils avaient plus ou moins tous été réengagés dans des postes similaires ou qui leur plaisaient. Ils disent qu’il y a des postes à Courtepin, à une heure de route d’ici. Mais sans assurer des postes identiques. Si on dit non aux postes à Courtepin, on perd le plan social.

Les employés en grève comptent rester à l'extérieur du site d'Ecublens jusqu'à ce que leur direction accepte de négocier.
Photo: KEYSTONE

Vous y voyez un manque de respect de la part de Migros?
La communication est très faible. Ce n’est même pas un plan social. C’est du sable qu’on nous jette dans les yeux. Certains ont commencé par un apprentissage ici, à 16 ans, et travaillent encore dans l’entreprise. Vous imaginez comment ils se sentent aujourd’hui? C’est toute une vie, ici. Bon, nous sommes payés, les salaires tombent. Mais il faut quand même respecter les gens, parce que nous sommes tous là chaque matin, nous sommes ponctuels, les commandes sont livrées à l’heure et nous ne sortons que quand tout est fini. En ce moment, ils ne veulent rien faire pour nous, alors on va tenir.

La direction vous a promis une discussion demain, vendredi matin, c’est juste?
C’est juste. On verra ce qu’ils ont à dire, car pour le moment, il n’y a pas de négociation. Mais la direction ne reconnaît pas UNIA comme représentants du personnel. Mais leurs organismes internes censés nous représenter ne sont pas venus. Ils ne sont pas payés par les employés, mais par Micarna. Personne ne s’est présenté aujourd’hui pour trouver des solutions.

Il y a donc beaucoup de colère…
Oui. Mes collègues et moi, nous posons des questions. Mais elles restent sans réponses directes et exactes. Nous sommes là tous ensemble, pour faire valoir nos droits. Des mécanos, du personnel de désossage, du personnel de préemballage, même certains responsables: tout le monde est là. Pour l’instant, nous sommes à l’extérieur du bâtiment. Nous restons corrects, sans faire de manifestation. Ce que l’on veut, c’est négocier. S’il n’y a pas de négociation, on restera toute la journée jusqu’à la fin de notre horaire de travail.


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