A la Migros, Coop et Lidl
Le désespoir des cueilleuses de fraises exploitées en Espagne

Huelva, en Espagne, est le centre européen de la fraise. Mais les conditions de travail y sont souvent terribles. Des milliers de jeunes mères attirées du Maroc y sont exploitées. Comment Migros, Coop et Lidl, qui s'approvisionnent à Huelva, gèrent-ils la situation?
Publié: 28.02.2024 à 15:31 heures
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Dernière mise à jour: 28.02.2024 à 18:54 heures
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A Huelva, en Espagne, de nombreuses femmes travaillent dans des conditions précaires dans des plantations de fraises.
Photo: AFP
Martin Schmidt

C'est à Huelva, en Espagne, que des fraises du monde entier sont produites. Le précieux fruit finit donc par arriver, entre autres, dans les rayons de Migros, Coop ou Lidl. Ce que l'on connait moins en flânant dans les magasins, ce sont les conditions de travail dans les plantations. «La situation est particulièrement précaire pour les femmes dans les plantations», explique Nora Komposch au «SonntagsZeitung».

Les plantations espagnoles font régulièrement la une des journaux: relations sexuelles contraintes, punitions pour les pauses toilettes, salaires de misère, exploitation. Nora Komposch a décidé d'approfondir les recherches. Pour sa thèse de doctorat, elle a passé sept mois à Huelva au cours des trois dernières années.

Sur place, elle s'est entretenue avec une cinquantaine de cueilleuses. Beaucoup d'entre elles viennent du Maroc. Ce pays a un accord avec l'Espagne, explique Nora Komposch. Celui-ci prévoit que seules les mères d'enfants mineurs obtiennent un visa de travail pour travailler dans les serres.

Un futur incertain

Les intentions derrière tout cela semblent claires. Les autorités espagnoles espéraient que les femmes quitteraient le pays après la saison des récoltes. Un modèle similaire à celui que la Suisse avait autrefois avec le statut de saisonnier. Selon Nora Komposch, quelque 15'000 femmes marocaines se retrouvent ainsi chaque année dans les plantations de fraises. Elle s'est également rendue au Maroc pour s'entretenir avec plusieurs familles.

Ce qu'elle a entendu à cette occasion est tout sauf une mise en scène. Le changement climatique rend le travail dans les plantations de plus en plus incertain. Les ouvrières ne savent pas si on aura besoin d'elles dans le futur, en raison de la sécheresse de plus en plus problématique en Espagne. Les familles des travailleuses sont pourtant dépendantes de cet argent. De plus en plus de femmes resteraient donc illégalement en Espagne. Dans l'espoir de retrouver plus facilement du travail dans les plantations – et de ne pas dépendre d'un visa.

Le discounter allemand Lidl a fait examiner la situation sur place en 2020 par une société de consultance. Les ouvrières ont critiqué les heures supplémentaires non payées, la forte pression ou le manque d'accès à l'eau potable. En réaction à cette étude, l'institut allemand EHI Retail Institute a mis en place une sorte de hotline sur place. Les employées peuvent y faire part de leurs plaintes de manière anonyme, et celles-ci doivent ensuite être examinées et des solutions trouvées en collaboration avec les entreprises.

Ce que font Lidl, Coop et Migros

En Allemagne, la nouvelle loi sur le devoir de vigilance de la chaîne d'approvisionnement est en vigueur depuis le début de l'année. Les entreprises de plus de 3000 employés doivent ainsi garantir que leurs fournisseurs directs ne portent pas atteinte à l'environnement, veillent à la sécurité sur le lieu de travail et empêchent le travail forcé et le travail des enfants. Les entreprises qui ne respectent pas cette loi s'exposent à de lourdes amendes.

En Suisse, en revanche, l'initiative sur la responsabilité des entreprises a échoué à la majorité des cantons. Cependant, comme Migros a repris la chaîne de supermarchés allemande Tegut, elle est désormais également soumise à la législation allemande, selon le «SonntagsZeitung».

Coop, en revanche, n'est pas obligée d'y participer – et ne le fait pas non plus volontairement. La chaîne est au courant des rapports de la région. Il n'y aurait toutefois pas eu de réclamations concernant les fournisseurs. Mais elle a indiqué ne pas être fermée à des examens si des contrôles plus poussés sont nécessaires.

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