Après l'élection surprise de Valérie Dittli au Conseil d'Etat, Le Centre Vaud réussira-t-il un nouveau tour de force lors des élections fédérales de l'automne prochain? C'est du moins l'ambition de cette section, qui n'existe plus sous la Coupole depuis le siège perdu au Conseil national par Claude Béglé, en 2019.
Pour parvenir à ses fins, la formation politique miserait sur une pointure, a appris Blick. Selon nos informations, la médiatique Isabelle Chappuis, économiste et directrice du Futures Lab à la Faculté des HEC de l'Université de Lausanne, aurait en effet annoncé sa candidature à l'interne. Toujours selon nos sources, la Vaudoise, qui a en outre cofondé l'association Futurs.ch avec le directeur de la prospective technologique à armasuisse, devrait figurer en tête de liste.
Au bout du fil ce jeudi, l'universitaire trilingue, qui parle couramment le français, l'allemand et l'anglais, confirme être «candidate à la candidature». Cette futuriste — ou spécialiste du futur — raconte son parcours et confie ses motivations. Et s'alarme: il est plus que jamais nécessaire d'imaginer l'avenir quand on exerce une fonction dans un exécutif ou un législatif. Interview.
Isabelle Chappuis, c’est donc vous, l’avenir du Centre Vaud, lors des élections fédérales de cet automne?
Ça, ça n’est pas à moi de le dire! (Rires)
C’est ce qui se murmure en tout cas…
Plein de choses se murmurent! Plus sérieusement, ce qui est vrai et ce que je peux par conséquent confirmer pour la première fois, c’est que je suis candidate à la candidature pour le Conseil national. Notre assemblée tranchera. J’ai envie de m’investir. C’est notamment pour ça que j’ai proposé de relancer la section des femmes du Centre Vaud. Je viens d’en prendre la présidence.
La politique et vous, c’est récent?
J’ai commencé la politique locale il y a 10 ans, dans mon village de Tolochenaz, désormais très connu grâce au trou qu’il y a eu sur les rails. C’était juste après la naissance de mon troisième enfant. Même si c’était apartisan, j’y ai été une conseillère communale (ndlr: législatif) engagée durant huit ans. C’était très concret: je sais ce que c’est de se battre pour des UAPE (ndlr: unités d'accueil pour écolier), pour des plans de quartier, pour l’école, pour l’achat de terrains, etc.
Pourquoi avoir arrêté cet engagement communal en 2021?
Je ne me suis pas représentée cette année-là parce que mon mari allait être nommé président du Conseil communal. Je me suis donc retirée de la politique communale pour éviter les éventuels conflits d'intérêts. L’année suivante, j’ai réalisé que le parti qui me correspond le mieux est Le Centre. J’ai eu envie de me remettre en piste, au niveau fédéral cette fois.
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Aujourd’hui, pourquoi viser Berne?
Tout d'abord parce que les thématiques sur lesquelles je travaille dépendent principalement de la Confédération. Par ailleurs, beaucoup de gens se plaignent. On trouve, toutes et tous, que ce n’est pas assez ceci ou trop cela. Partant de là, j'estime que nous avons de la chance, dans notre pays, d’avoir un arsenal d’outils démocratiques et qu’il faut simplement avoir le courage de l’utiliser. Au niveau communal, j’ai bien vu l’impact qu’un engagement politique pouvait avoir. Je suis mère de trois enfants et, l’air de rien, j’aimerais bien leur laisser un avenir. Plutôt que me lancer dans l’activisme, j’ai décidé d'utiliser le système.
Vous mentionnez l’avenir de vos enfants. Vous m'offrez une transition parfaite pour parler du futur avec vous, puisque vous en êtes une spécialiste. C’est quoi, les thématiques dont il faudrait absolument se saisir maintenant sous la Coupole, pour préparer le monde de demain?
Ma priorité, sûrement parce que j’évolue dans le monde académique depuis 20 ans, c’est l’éducation. Il est essentiel de donner les moyens nécessaires à la recherche et à l’innovation. Actuellement, la Suisse est considérée comme un pays tiers non associé dans le programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation, «Horizon Europe». C’est un problème qu’il faut impérativement résoudre. Toujours concernant l’éducation, il faut absolument miser sur la formation continue pour permettre aux travailleuses et travailleurs de s’adapter aux nouveaux métiers. C’est ce qui permet de garantir de la main-d’œuvre et des talents pour nos entreprises et PME et donc notre croissance économique.
Quoi d’autre?
La sécurité est une thématique qui me tient à cœur. Pour faire simple, je suis favorable à une souveraineté renforcée. Notamment alimentaire. D’ailleurs, petite parenthèse, ma fille aînée est ingénieure agronome diplômée de l'EPFZ. C’est un domaine qui me fascine! Et il y a aussi la souveraineté énergétique évidemment, mais surtout la souveraineté numérique afin de protéger les données des citoyennes et citoyens des cybercrimes.
Ce sont des thématiques qui ne sont pas suffisamment prioritaires dans l'esprit de nos décideuses et décideurs?
Je pense que nos collègues du Conseil d'Etat et de Berne sont parfaitement conscientes et conscients de ces enjeux. Cependant, comme dans l'économie, on se projette toujours à trois voire au mieux cinq ans. Aujourd'hui, il est indispensable de regarder plus loin! Tout s'accélère. Il faut prendre conscience que notre société évoluera davantage en quinze ans que durant les trente années précédentes.
Si on ne change pas de perspective, vous craignez que l'humain finisse par être obsolescent dans notre société suisse?
Ma réponse est claire: oui. Et c'est d'ailleurs déjà le cas pour un certain nombre de personnes.
Ah bon?! Lesquelles?
Eh bien, nous sommes en quasi plein-emploi, mais nombreux sont celles et ceux qui n'arrivent pas à retrouver un emploi malgré des années et des années de travail et de bonnes études, en particulier les seniors. Le problème? Imaginons que nous finissions par vivre 100 ans. À partir de cette hypothèse, séparons ce siècle de vie en trois étapes. D'abord, l'apprentissage durant les vingt ou vingt-cinq premières années. Puis, cinquante ans de vie active. Et, enfin, près de trente ans pour jouir de sa retraite. Au rythme où tout évolue technologiquement, scientifiquement, socialement, économiquement, comment voulez-vous que des études faites des décennies plus tôt vous permettent d'être armé pour affronter les enjeux du moment? Si on ne change pas radicalement notre système, c'est impossible. L'obsolescence des compétences humaines est un vrai risque de sécurité nationale.
Quelles sont vos solutions?
La formation continue, j'en ai déjà parlé, mais surtout un vrai changement de paradigme. La capacité de trouver des solutions à des problèmes, comme on le fait aujourd'hui, c'est très bien. Mais ça ne suffit plus. Il faut maintenant réussir à anticiper les problématiques. Ça nécessite de changer notre manière de penser l'éducation. Dans un monde où le savoir est devenu une commodité — pensez à ChatGPT — savoir ce qui a été et ce qui est ne nous donne plus d'avantages concurrentiels. Il faut, dans les écoles, pousser pour que d'autres compétences soient prioritaires. Par exemple: la curiosité, la créativité et, évidemment, la capacité de... penser les futurs.