Il y a deux ans, le Conseil fédéral décidait d'accorder des aides financières pour les entreprises qui souffraient des mesures anti-Covid. Des crédits sans intérêts ont été distribués aux entrepreneurs. Comme cela peut arriver quand de l'argent est débloqué en grande quantité par les autorités, de nombreux fraudeurs se sont engouffrés dans la brèche.
Certains ont depuis été condamnés. Parmi eux, on trouvait des individus qui en ont profité pour mettre de l'argent de côté pour leur retraite ou rembourser quelques dettes personnelles. Mais nul n'a été aussi audacieux que ce Zurichois jugé cette semaine, et dont le «Tages-Anzeiger» nous raconte l'histoire.
En 2019, l'homme a indiqué avoir réalisé un chiffre d'affaires de 10 millions de francs avec son entreprise active dans le secteur immobilier. C'est en tout cas ce qu'il a écrit dans le formulaire de demande d'aides Covid. Le 31 mars de la même année, sa banque lui a versé la modique somme de 500'000 francs.
Problème: son chiffre d'affaires de 2019 est de... zéro. L'homme a profité d'avoir eu un chiffre de 300'000 francs en 2018 pour justifier cette somme de 10 millions.
Généreux avec sa famille
Le crédit n'a pas été investi dans son entreprise. L'homme s'est tout d'abord montré généreux envers sa famille: il a réglé des factures pour un montant total d'environ 70'000 francs pour sa femme, son fils et sa fille, ainsi que pour sa nouvelle compagne et la fille de celle-ci.
Ensuite, il s'est fait des cadeaux personnels. Il a d'abord remboursé des factures de carte de crédit pour un montant de 70'000 francs. Pour 32'000 francs de plus, il a réglé ses factures chez le vétérinaire, puis il s'est acheté de quoi remplir sa cave à vin et un abonnement annuel à la «NZZ». En outre, il a fait rénover son appartement en République dominicaine.
Quatre voitures de luxe
Ce n'est pas tout. Si vous avez fait le calcul, vous vous rendrez compte que notre smooth criminal avait encore environ plus de 300'000 francs à dépenser. L'homme s'est donc acheté rien de moins qu'une Audi R8, une Bentley Continental, une Porsche Cayenne Turbo et une Porsche 911 Turbo. Valeur totale des bolides: 374'000 francs.
Le fraudeur a gardé l'Audi pour lui, mais a donné les Porsche à sa femme et son fils et a décidé de revendre sa Bentley — avec un bénéfice, s'il-vous-plaît. Pendant ce temps, son entreprise a réalisé en 2020 le même bénéfice qu'en 2019, soit rien du tout.
36 mois de prison et de nombreuses dettes
Au tribunal, l'homme n'a pas plaidé coupable et a tenté de se défendre, argumentant qu'il était sur une affaire sur le point d'être conclue avec des partenaires américains, et dont il comptait tirer un revenu de 10 millions de francs, soit la somme indiquée à la Confédération. Le chiffre d'affaires du formulaire aurait donc été un chiffre provisoire.
Mais le tribunal ne l'a pas cru. L'accusé a été condamné à une peine de prison de 36 mois, dont 18 avec sursis. Le tribunal lui a notamment reproché de ne pas avoir remboursé le moindre centime de l'argent prêté. Le fait qu'il ait déjà été condamné en 2017 par un autre tribunal de district zurichois pour escroquerie et faillite frauduleuse ne l'a pas aidé.
«Un manque de scrupules particulier»
«C'est un jugement sévère, a reconnu la juge. Mais les crédits Covid ont été conçus pour sauver rapidement et sans bureaucratie des entreprises de la faillite. Financer une vie de luxe aux frais du contribuable témoigne d'un manque de scrupules particulier.»
L'homme doit désormais purger sa peine, rembourser le demi-million prêté, payer les intérêts pénaux et prendre en charge les frais de procédure, qui se montent à 10'000 francs.
Ce n'est pas tout. Puisqu'il a commis une nouvelle infraction durant sa probation, il doit aussi payer une amende de 40'000 francs. La vente aux enchères des deux Porsche et de l'Audi R8, saisies après la sentence, devraient participer à régler ces sommes.
(Adaptation par Alexandre Cudré)