Des sympathies avec ces régimes
Ueli Maurer n'est pas le seul UDC à être proche d'autocrates

L'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer a rencontré l'ambassadeur de Chine en Suisse et s'est laissé embrigader à des fins de propagande. Mais ce n'est pas une première: les hommes et femmes politiques UDC affichent parfois leur sympathie pour les régimes autocratiques.
Publié: 05.05.2023 à 06:19 heures
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Dernière mise à jour: 05.05.2023 à 09:30 heures
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L'ambassade de Chine a publié une photo montrant l'ancien conseiller fédéral Ueli Maurer avec l'ambassadeur Wang Shihting.
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Tobias Ochsenbein

L’ancien conseiller fédéral Ueli Maurer a créé des remous dans la capitale fédérale. Il a rencontré l’ambassadeur de Chine à Berne à la mi-avril, rapporte Blick. Or, cette rencontre s’est déroulée à l’insu – ou, du moins, sans l’accord – de l’ensemble du Conseil fédéral en exercice. La division compétente du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) n’était pas non plus informée de cette entrevue.

Mais Ueli Maurer n’est ni le premier, ni le seul politicien de l’UDC à suggérer, par sa démarche, qu’il a des sympathies pour un pays antidémocratique. Les hommes et femmes politiques de son parti se font régulièrement remarquer par leur proximité avec des régimes autocratiques. En voici un aperçu.

Christoph Blocher

On peut nommer, en premier lieu, le patriarche de l’UDC, Christoph Blocher. En octobre 2009, l’ancien conseiller fédéral a passé dix jours en Corée du Nord avec sa femme et sa fille cadette. Il a ensuite fait part de ses impressions dans le journal de la droite conservatrice, la «Weltwoche». Titre de l’article: «Vacances itinérantes en Corée du Nord».

Que peut bien y dire Christoph Blocher? Il y décrit la capitale, Pyongyang, comme «propre» et le pays comme «organisé de bout en bout». Il ose même un parallèle avec la démocratie suisse: «Les deux pays souhaitent préserver leur indépendance et aspirent à un avenir sûr.»

On peut aussi noter que, par l’intermédiaire d’EMS-Patvag, une division de sa holding EMS-Chemie, le grand ponte de l’UDC a aussi livré des fusées d’obus à l’État de l’apartheid sud-africain sous forme de «produits de série anonymes» et de licences de production.

Après la mort de Nelson Mandela (1918-2013), le premier président noir d’Afrique du Sud, Christoph Blocher s’est exclamé au passage sur sa chaîne de télévision Teleblocher: «Mandela est un peu surestimé en de nombreux endroits.» Et le politicien d’ajouter à propos de l’Afrique du Sud: «À l’époque, les Blancs maintenaient le pays très en ordre.» La ségrégation raciale reposait de toute façon sur la réciprocité, a-t-il, en substance, encore avancé.

Christoph Blocher n’est pas non plus en reste lorsqu’il s’agit de commenter la guerre en Ukraine. On l’entend sans cesse prêcher le récit russe selon lequel l’Occident est le coupable et la Russie la victime. Dans un texte intitulé «Demi-vérité», le politicien de longue date de l’UDC a ainsi déploré la mort de «jeunes soldats russes», glissant qu’il faut bien que quelqu’un soit responsable de leur disparition.

Roger Köppel

Le conseiller national UDC zurichois et directeur de la «Weltwoche» est sur la même longueur d’ondes que Christoph Blocher. Son journal défend régulièrement le président russe, Vladimir Poutine. De nombreux articles lui cherchent des excuses. Récemment, Roger Köppel a même effectué une petite tournée en Russie, qu’il a mise en scène de manière très médiatique.

Il a notamment rencontré à Moscou Vladimir Soloviev, un ex-opposant de Poutine devenu présentateur sur la télévision d’État russe et considéré aujourd’hui comme le «propagandiste en chef» du Kremlin. Il a aussi serré la main de Marija Lwowa-Belowa, la déléguée russe aux droits de l’enfant. Or, le Tribunal pénal international de La Haye (PB) a émis un mandat d’arrêt contre elle pour crimes de guerre présumés. Et sans surprise, la propagande russe exploite sans réserve la visite du politicien suisse en Russie.

Roger Köppel a aussi interviewé à plusieurs reprises le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, dans sa «Weltwoche» et l'a porté aux nues. Des exemples? Il l'a qualifié de «défenseur de l’Europe» et de «modèle pour la Suisse». Mais il ne faudrait pas oublier que le chef du gouvernement hongrois poursuit une stratégie de radicalisation internationale. On lui reproche aussi régulièrement d’être proche de l’extrémisme de droite.

Andreas Glarner

Le conseiller national UDC argovien Andreas Glarner a quant à lui laissé entendre à plusieurs reprises que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, prolongeait la guerre en Ukraine par son comportement et que l’Occident était complice du conflit avec la Russie. Il a même conseillé à l’Ukraine de faire enfin des concessions à la Russie et de lui céder la Crimée et le Donbass.

Magdalena Martullo-Blocher

La conseillère nationale UDC grisonne Magdalena Martullo-Blocher, fille de Christoph Blocher, marche sur les traces de son père. Signalons qu'EMS, son groupe chimique, possède deux sites de production en Russie. La politicienne a ainsi formellement interdit l’utilisation du mot «guerre» dans son entreprise. En interne, elle a ordonné que l’on parle uniquement du «conflit ukrainien». La raison officielle: protéger «nos collaborateurs et nos affaires», a-t-elle clamé.

Cette idée s’inscrit exactement dans la ligne de la propagande russe. Le discours officiel du Kremlin fait en effet référence à une «opération militaire spéciale» en Ukraine.

Peter Spuhler

Une usine à près de 60 millions de francs et la création de plus de 600 emplois. En novembre 2014, l’ancien conseiller national UDC Peter Spuhler a inauguré en Biélorussie la première fabrique de son entreprise Stadler Rail. On a pu voir à cette ouverture des fanfares, une poignée de main enjouée entre l’ex-politicien suisse et Alexandre Loukachenko et des éloges appuyés de l’autocrate en personne. «Spuhler, un homme d’action», s’était-il alors exclamé en grande pompe.

Or, le régime d’Alexandre Loukachenko enferme ses opposants depuis un certain temps déjà, tonne l’ONU. L’organisation parle d'«actes de torture d’État» à l’encontre de manifestants pacifiques. Elle évoque aussi des «crimes contre l’humanité».

Pourtant, l’entrepreneur suisse ne s’est jamais vraiment distancié de l’homme d’État biélorusse. Bien au contraire: Alexandre Loukachenko a utilisé l’engagement de Peter Spuhler à des fins de propagande. Mais en raison des sanctions liées à la guerre en Ukraine, Stadler Rail s’est vu forcé de délocaliser une grande partie de sa production dans d’autres usines.

L’UDC Fribourg

On continue sur le sujet de la Biélorussie. Dès la fin du mois de mai, le consul honoraire de Biélorussie, Andrey Nazheskin, fera son entrée au Législatif de la ville de Fribourg en tant que représentant de l’UDC, comme le rapporte la RTS. Le problème: Andrey Nazheskin représentera alors les intérêts d’un pays sanctionné.

Ce double national est l’un des deux consuls honoraires de Biélorussie en Suisse. Cette fonction, souvent exercée par des civils, ressemble à celle d’un diplomate de l’ombre. C’est-à-dire une personne de contact qui sert son pays via son réseau.

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