Des rentes jusqu'à 20% inférieures
Le système de cotisations pour le deuxième pilier désavantage-t-il certains salariés?

Johann Meili a travaillé à temps plein pendant 43 ans. Aujourd'hui, il lui reste à peine 800 francs par mois de sa prévoyance professionnelle pour survivre. La faute à un système de cotisations qui désavantagerait certains salariés et siphonnerait leur rente.
Publié: 10.03.2024 à 16:03 heures
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Dernière mise à jour: 10.03.2024 à 16:05 heures
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Pas de gros soucis financiers après la retraite? (Image symbolique)
Photo: imago/photothek
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Bernhard Raos et Martin Vetterli

Une fois à la retraite, il n'y aurait pas de soucis à se faire d'un point de vue financier... Vraiment? Car pour de nombreux seniors, cette promesse semble plus que jamais non tenue. C'est notamment le cas de Johann Meili*. L'homme de 77 ans se plaint aujourd'hui de sa caisse de pension (CP).

Johann Meili a travaillé pendant 43 ans à plein temps à la Coopérative bernoise de construction et de génie civil (HTG). Lorsqu'il a eu 60 ans, l'entreprise a fait faillite. Toutefois, si l'âge de la retraite est en principe fixé à 60 ans dans le secteur du bâtiment, ce ne fut pas le cas pour le retraité, car son employeur n'était pas soumis à la convention collective de travail (CCT). Les chances de retrouver un emploi étant quasiment nulles, l'employé a dû donc prendre une retraite anticipée.

Un désastre pour Johann Meili, dont les conséquences ne sont faites ressentir qu'après sa retraite. Jusqu'à la veille de sa retraite, il était affilié à la fondation LPP de l'Assurance Nationale. C'est par son intermédiaire que le risque d'invalidité et de décès est assuré.

Les assureurs peuvent fixer les primes

Au cours de son avant-dernière année à la HTG, chaque franc que Johann Meili gagnait n'a rapporté que 38 centimes à son capital vieillesse. Le reste a été englouti par les cotisations de risque et les frais administratifs. Il n'a donc pu épargner que 9996 francs en une seule année.

Certes, l'employeur de Johann Meili a tenté de s'opposer à cette injustice, mais en vain: l'Office fédéral des assurances privées a rejeté la plainte, car les assureurs peuvent fixer des primes adaptées aux coûts et aux risques selon leurs propres calculs, en fonction de l'entreprise et de l'institution de prévoyance.

La HTG a ensuite résilié son contrat auprès de la Nationale Suisse, mais n'a pas trouvé de solution de remplacement. L'épargne de Johann Meili a donc atterri dans l'institution supplétive du deuxième pilier, où les conditions de rémunération étaient plutôt modestes. Aujourd'hui, Johann Meili se dit désabusé: «J'ai perdu toute confiance dans le deuxième pilier.»

Amer, le retraité Meili a ensuite décidé de retirer la totalité de son capital vieillesse, soit environ 400'000 francs: «Une erreur», estime-t-il aujourd'hui, car il a acheté une rente viagère avec une partie de cette somme. Depuis, il reçoit 800 francs par mois. Et ce, jusqu'à son 85e anniversaire. Ensuite, il n'aura plus droit à rien. Nettement moins avantageux que ce qu'il aurait reçu de l'institution supplétive, soit environ 1850 francs jusqu'à la fin de sa vie.

Les hommes reçoivent en moyenne 2900 francs par mois

Johann Meili est toutefois un cas isolé, car la grande majorité des bénéficiaires de rentes s'en sort mieux. Selon les statistiques actuelles de l'assurance sociale, les hommes touchent en moyenne 2900 francs par mois. En 2022, seuls 44% des nouveaux retraités percevaient encore la totalité de leur capital vieillesse sous forme de rente. Près de 36% se sont fait verser la totalité du capital après la retraite et 20% ont opté pour un mélange de rente et de versement en capital.

Ces 2900 francs ne sont qu'un chiffre moyen qui ne dit pas grand-chose sur les mauvaises rentes des caisses de pension. De nombreux retraités sont en effet tributaires de prestations complémentaires. Et ce, même si, comme Johann Meili, ils ont travaillé toute leur vie à plein temps et ont payé leurs cotisations pendant plus de 40 ans.

«Il peut y avoir des caisses de pension auprès desquelles on n'a aucune chance d'obtenir une bonne rente malgré des cotisations élevées» indique ainsi l'expert en caisse de pension Stephan Wyss de l'entreprise de conseil Prevanto. Ainsi, plus la CP compte un grand nombre de retraités, plus les assurés risquent d'avoir de mauvaises surprises au moment de percevoir leur rente.

Comment dès lors anticiper ces problèmes de rentes trop maigres? Par exemple, lorsqu'une entreprise réduit son personnel à grande échelle, explique Stephan Wyss. Le nombre de bénéficiaires de rentes augmente alors automatiquement et la situation se détériore pour la caisse de pension. Dans ce cas, si la caisse de pension ne change pas rapidement ses taux de conversion ou si elle ne se constitue pas des réserves supplémentaires solides, elle risque tôt ou tard de se retrouver dans le rouge.

Ce qui, pour les assurés, signifie toujours moins d'intérêts sur l'avoir de vieillesse: «Les rentes peuvent alors être jusqu'à 20% inférieures à ce qu'elles auraient été si les avoirs de vieillesse avaient été rémunérés de manière appropriée», avertit Stephan Wyss.

Chez Migros, les retraités sont bien pris en charge

Le sort de Johann Meili contraste fortement avec la situation des quelque 85'000 assurés de la caisse de pension du géant Migros, lesquels peuvent envisager leur retraite avec une relative sérénité. En effet, celui qui a été employé toute sa vie à plein temps chez le distributeur, avec un salaire annuel de 75'000 francs, peut compter sur une retraite d'environ 3100 francs par mois, dès 64 ans.

Et ce, bien que le taux de conversion de la caisse de pension de Migros soit fixé à 4,77%, ce qui est plutôt bas. Pourquoi le groupe Migros, par l'intermédiaire de sa caisse de pension, peut-il verser des rentes aussi élevées? Parce que le géant orange prend en charge 17% des cotisations, les employés ne versant que 8,5% de leur salaire. Le taux de couverture est donc très élevé: il est d'environ 124%.

La CP de Migros repose sur des bases financières si solides qu'elle a même pu rémunérer les avoirs de vieillesse à hauteur de 3% l'année dernière, le minimum légal étant de 1%. Et ceux qui ont pris leur retraite auprès de la caisse de pension de Migros avant le 1er janvier 2023 ont également vu leur rente augmenter de 5%.

Il pleut de l'argent chez l'ancienne Swissair

Les 2800 retraités de l'ancienne compagnie Swissair, affiliés à la Caisse générale de pension du SAirGroup (CGP), sont encore mieux lotis. Cette caisse de retraités dispose d'un capital nettement supérieur à celui dont elle a besoin pour verser les rentes promises et verse régulièrement des rentes complémentaires.

Ainsi, en 2022, ce ne sont pas 12, mais 23 rentes mensuelles qui ont été versées aux assurés. Chaque rente s'élevait en moyenne à 4814 francs par mois. Pour beaucoup de ceux qui ont travaillé jusqu'à la retraite, l'AVS et la caisse de pension devraient même leur rapporter plus qu'à l'époque de Swissair!

*Nom d'emprunt

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