De nouveaux blessés, de nouvelles arrestations. Il y a une semaine, samedi passé exactement, la police a de nouveau dispersé une fête organisée par des Erythréens fidèles au régime à Burgdorf (BE). Des opposants au dirigeant Isaias Afwerki avaient aussi fait le déplacement. Les groupes ennemis se sont affrontés.
Les partisans et les opposants à la dictature militaire de la Corne de l'Afrique s'affrontent depuis des années dans les rues suisses. Les autorités tentent depuis de maîtriser la violence... sans succès jusqu'à présent.
Des Genevois comme médiateurs
Des experts en conflits doivent désormais les aider. La Confédération a chargé le Centre genevois pour le dialogue humanitaire de servir de médiateur entre les groupes ennemis. Cette organisation réputée est spécialisée dans le rapprochement des belligérants pour les amener à la table des négociations, que ce soit en Syrie, en Libye ou en Ukraine. En 2018, elle a joué un rôle déterminant dans la dissolution de l'organisation clandestine et terroriste basque ETA (Euskadi ta Askatasuna).
Le Centre, cofinancé par la Confédération, vise à désescalader les tensions au sein de la communauté suisse d'Erythréens en exil. Le coordinateur du projet est Martin von Muralt, délégué du Réseau national de sécurité (RNS), qui dirige également le «Groupe d'accompagnement stratégique Erythrée», une taskforce de la Confédération qui travaille sur des mesures «visant à préserver la sécurité publique».
Martin Von Muralt confirme son engagement à Blick. «Les cantons et la Confédération ont chargé le Centre pour le dialogue humanitaire de prendre contact avec différents groupes de la diaspora érythréenne.» L'objectif serait de prévenir la violence par le dialogue. Selon le coordinateur genevois, les premiers entretiens ont déjà eu lieu. Le projet est un défi, car même au sein des groupes, les opinions divergent.
Canons à eau et gaz lacrymogènes
Une chose est sûre, la communauté érythréenne continue de bouillonner. Les affrontements de Burgdorf, il y a une semaine, ne sont que les derniers d'une longue série d'incidents. Les dernières émeutes ont eu lieu au printemps à Gerlafingen (SO). 200 opposants au régime ont attaqué une fête organisée par des partisans du dictateur. La police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes et il y a eu des blessés des deux côtés.
Christine Schraner Burgener, cheffe sortante du Secrétariat d'État aux migrations (SEM), a déclaré dans une interview à Blick: «L'Erythrée est l'un des thèmes qui me met le plus au défi.» Et ce notamment parce que ce pays africain ne reprend pas ses compatriotes. Les Erythréens violents ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays.
Scepticisme parmi les Erythréens
Y aura-t-il bientôt une table ronde avec les partisans et les adversaires de la dictature militaire? De nombreux Erythréens saluent certes l'initiative, mais restent sceptiques. Samson Yemane, coprésident de la Fédération suisse des médias érythréens, trouve ce projet «tout à fait judicieux». Dans une société démocratique, il est crucial «d'encourager le dialogue pour apaiser les tensions».
Mais Samson Yemane critique également les autorités locales. «Les opposants érythréens aspirent à être enfin entendus et pris au sérieux par la Suisse.» Au cours des deux dernières décennies, les opposants au régime, dont fait partie la Fédération érythréenne des médias, se sont toujours efforcés d'attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme en Erythrée et sur l'oppression de la diaspora en Suisse. «Mais ils sont toujours tombés dans l'oreille d'un sourd.» Le sentiment d'être ignoré par les institutions suisses conduit à la frustration, à la résignation et à la diminution de l'engagement constructif.
Climat de peur
Un autre obstacle à la cohabitation pacifique des Erythréens en Suisse est, selon le coprésident de l'association de médias, l'attitude de leur ambassade à Berne. «Elle fait office d'organe de la dictature érythréenne brutale et collecte des fonds pour financer le régime en prélevant un impôt obligatoire sur les revenus de nombreux exilés», explique Samson Yemane.
Un climat de peur règne parmi les opposants en Suisse. Il est donc très difficile d'établir une relation de confiance avec les autorités érythréennes ou les partisans de la dictature.
L'ambassade érythréenne à Berne nie ces accusations, qu'il juge «absurdes». Concernant l'initiative de la Confédération, l'ambassade écrit brièvement: «Elle n'a pas sa place.» L'ambassade n'a toutefois pas encore été contactée pour réagir dans nos colonnes.