Débat sur l'écologie boudé par la droite et le PS
Pourquoi tout le monde s'en fout du climat à Genève?

C'est peut-être le «faux plan» du siècle, au bout du Léman. Lundi, la «Tribune de Genève» devait organiser un débat sur le climat, en amont du second tour des élections. Problème: les trois candidats de droite étaient aux abonnés absents. Qu'est-ce que ça dit de Genève?
Publié: 25.04.2023 à 16:59 heures
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Dernière mise à jour: 25.04.2023 à 18:31 heures
La cause des écologistes perd-elle du terrain à Genève? Si on se fie à l'incident du débat boudé à la «Tribune de Genève», ce n'est pas exclu. (Image d'illustration)
Photo: keystone-sda.ch
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

C’est l’histoire d’une thématique qui enflammait les rues, il y a quatre ans encore. Portée par un parti — les Vert-e-s — qui avait réalisé une véritable percée à Berne, surtout au Conseil national, lors des élections fédérales de 2019. Il y a quatre ans, les écologistes sont devenus «la première force politique du canton de Genève», lisait-on sur toutes les manchettes.

Un mirage vert sur le point de se dissiper? Aujourd’hui, en 2023, on dirait que le vent a tourné. Au bout du Léman, du moins. En listant les grands thèmes abordés lors des élections cantonales genevoises — logement, pouvoir d’achat, mobilité — on remarque de fait un grand absent: le climat. Lors du débat télévisé en vue du second tour (qui a lieu ce dimanche 30 avril), sur la chaîne de télé locale Léman Bleu, la question fut à peine effleurée.

Lundi, la «Tribune de Genève» devait confronter les aspirants conseillers d’État à ce thème dans ses colonnes. À la surprise générale, tous les candidats de la droite, à l’exception de la centriste Delphine Bachmann, ont annulé leur venue. Ils avaient d’autres engagements pressants, lit-on dans une brève publiée par le journal local en guise d’explication.

Pour un interlocuteur proche du Conseil d’État, qui a souhaité rester anonyme, c’est une grosse blague: «Leurs prétextes, c’est du n’importe quoi. Pierre Maudet savait déjà qu’il avait un engagement juste après, lorsqu’il avait accepté la proposition de la Tribune. L’UDC Lionel Dugerdil et le MCG Philippe Morel ont invoqué une réunion de l’Alliance de la droite. Mais j’ai appris, via deux personnes haut placées au sein de cette même Alliance, que la réunion générale de l’Alliance ne se chevauchait en réalité pas avec le rendez-vous de la 'Tribune'!»

Une autre personne proche de l’Alliance confirme ce dernier élément. À la place, les candidats Philippe Morel et Lionel Dugerdil auraient en réalité assisté à des caucus au sein de leurs partis respectifs, selon les informations recueillies par Blick.

Que signifie ce dédain pour le réchauffement climatique, à une semaine des élections? Les conséquences du Covid et la récession due à la guerre en Ukraine ont-elles eu raison de l’élan écologiste des Genevoises et des Genevois? Pour le ministre du territoire Vert Antonio Hodgers, ce n’est pas la population qui se fiche soudainement de la planète, mais la classe politique… Il ne mâche pas ses mots: «C’était une campagne électorale nulle, court-termiste. Sans aucun projet collectif, aucune vision commune de Genève à présenter à la population…»

Le populisme, un poison pour le climat

Contacté pour discuter de ce «faux plan» presque surréaliste, le magistrat écologiste — qui devait aussi être de la fête à la «Tribune de Genève» — n’hésite pas à monter au créneau. Pourquoi la droite n’est-elle pas venue? «Simplement parce qu’elle s’en fiche du climat! Boycotter un débat, pour les trois candidats populistes en question, c’est une manière de le tuer.»

Il explique: «Le réchauffement climatique reste l’une des principales préoccupations des Genevoises et des Genevois en 2023, d’après les sondages, me semble-t-il.» Cette thématique figure en effet en quatrième position dans l’infographie réalisée par l’institut M.I.S Trend pour Blick, à l’aube du premier tour des élections.

Or, en parallèle, il y a bel et bien une montée des partis dits contestataires (le mouvement de Pierre Maudet, le MCG, l’UDC), comme en témoignent les résultats du 2 avril pour le parlement. Des partis qui ne voient pas d’utilité électorale à parler écologie, analyse Antonio Hodgers.

Il étaie: «La transition écologique, ce sont des projets à moyen et à long terme. On ne sauvera pas la planète en claquant des doigts, à l’issue des prochaines élections. Or, du point de vue populiste, en pleine campagne, les thématiques qui fonctionnent sont les plus immédiates: le pouvoir d’achat, les impôts…» Au placard la transition énergétique, donc. Au grand dam du ministre, qui se targue par ailleurs d’avoir contribué à mettre en place «le plan climat le plus ambitieux de Suisse.»

Pour lui, les médias ont aussi joué un certain rôle dans l’invisibilisation des sujets liés à l’écologie, ces derniers mois: «Aujourd’hui, le climat est en quelque sorte devenu un sujet consensuel sur la place publique. Et la presse n’aime pas aborder des sujets consensuels, certainement parce que ça ne fait pas beaucoup cliquer…»

Le plan climat en danger?

Du côté du Conseil genevois pour le climat, un communiqué sur le débat déserté à la «Tribune de Genève» doit sortir dans la journée. En attendant, sa présidente, Sophie Swaton, a bien voulu s’exprimer à titre personnel: «Je déplore l’absence des thématiques liées au climat pendant toute cette campagne, oui. D’autant plus que, pour moi, l’écologie doit dépasser les clivages gauche-droite!» Ce qui n’a clairement pas été le cas, ces derniers mois à Genève.

La présidente d’ajouter, d’une voix inquiète: «Nous ne connaissons pas les raisons pour lesquelles les candidats concernés ne sont pas venus au débat de la 'Tribune'. Mais j’espère que cet incident n’est pas représentatif d’un désintérêt général de ces potentiels futurs magistrats pour la question climatique!»

SOS cohésion chez les Vert-e-s

À noter qu’aucun candidat socialiste n’était présent à ce débat — Thierry Apothéloz et Carole-Anne Kast ayant eu d’autres engagements à ce moment-là, d’après nos informations. Dans un contexte où le camp rose a, lui aussi, déserté le thème de l’écologie pendant toute cette campagne électorale.

Il ne resterait donc plus que les écologistes, pour défendre la planète bec et ongles. Mais ils semblent s’être un peu asséchés, depuis les grandes vagues vertes qui déferlaient dans les rues en 2019. À l’issue du premier tour des élections du 2 avril 2023, les Vert-e-s se sont certes maintenus au parlement genevois, mais n’ont rien gagné.

Alors, que fait ce parti? Une élue Verte, qui a souhaité préserver l’anonymat, analyse: «On s’est parfois un peu perdus sur des sujets polémiques. Par exemple en défendant la fin de la viande lors des repas officiels du parti, ou plus récemment le saccage de golfes par des militants. Mettre en avant ce genre de sujets anecdotiques et polarisants, tout comme excuser le vandalisme, ça crispe une partie de notre électorat.»

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