Les scènes de destructions de cette semaine en plein centre de Bulle pourraient évoquer une fusillade d’un film d’action hollywoodien: pare-brise éclatés, impacts sur les carrosseries, murs perforés, des gens blessés. Vous l’aurez toutefois deviné, ce ne sont évidemment pas des balles de fusils automatiques qui ont causé tant de dommages matériels et humains, mais bien les grêlons qui se sont abattus ces deux dernières semaines dans de nombreuses régions de Suisse romande.
A plusieurs reprises, les projectiles ont fusé à des vitesses culminant à 90 km/h. Dans certains cas, les grêlons ont dépassé un diamètre de 7 centimètres, comme le rapporte MétéoSuisse. C’est plus qu’une balle de tennis. Devons-nous nous attendre à d’autres attaques de grêle comme celle-ci à l’avenir? Et pourquoi les grêlons atteignent des dimensions pareilles? Blick explique.
Comment se forme la grêle?
La grêle se forme dans les nuages à caractère orageux, qui se forment lorsque persiste une différence notable de température entre l’air situé directement au-dessus du sol et les couches atmosphériques, ce qui est le cas en été.
L’air chaud et humide est transporté par des courants ascendants et passe de l’état gazeux à l’état liquide. Dans les nuages, l’air chaud rencontre de l’air très froid à certaines hauteurs. Si les courants ascendants sont suffisamment forts, l’air est projeté encore plus haut, au-dessus de la limite du zéro degré.
Les gouttelettes d’eau deviennent ainsi des grains de glace. S’ils sont suffisamment lourds, ils retombent et accumulent d’autres gouttelettes d’eau. Mais comme le courant ascendant plus bas est encore trop fort, le grain de glace est à nouveau projeté vers le haut, avec l’eau accumulée autour de lui. Celle-ci gèle également, ce qui fait grossir le grain. Ce processus est répété jusqu’à ce que les grains soient devenus trop lourds pour être propulsés vers le haut. Ils tombent alors en direction du sol sous forme de grêlons.
Quelle taille peuvent atteindre les grêlons?
Dans la terminologie technique, les cristaux de glace d’un diamètre d’au moins cinq millimètres sont considérés comme de la grêle. Les grains de glace plus petits sont appelés grésil. Le plus gros grêlon à ce jour a été découvert aux États-Unis en 2003. Il a atterri au Nebraska avec une circonférence de 47,6 cm et pesait un peu moins de 758 grammes.
Il a frappé la terre avec une force trois fois supérieure à celle d’une balle de fusil. Au Bangladesh, en 1986, on a rapporté qu’un grêlon pesait plus d’un kilogramme, et on a même signalé des grêlons pesant 3,4 kilogrammes dans la région de Hyderabad, en Inde, en 1939.
Selon des sources historiques, le plus gros grêlon jamais trouvé en Suisse est probablement tombé du ciel le 2 août 1927 et présentait un diamètre d’environ 13 cm. Selon MétéoSuisse, les grêlons de plus de 5 centimètres de diamètre sont plutôt rares en Suisse.
Les grêlons deviennent-ils de plus en plus gros?
Or, en juin dernier, le seuil des cinq centimètres a été régulièrement dépassé en Suisse. Il est fort possible que ce soit plus souvent le cas à l’avenir, car la limite du zéro degré a tendance à se déplacer vers le haut. «Les gros grêlons se forment de préférence dans les orages intenses qui, selon nos prévisions, seront plus fréquents à l’avenir», a déclaré au Tages-Anzeiger Olivia Romppainen-Martius, du Laboratoire de la Mobilière pour les risques naturels de l’Université de Berne.
Cependant, de nombreux facteurs déterminent la taille des grêlons, et la science en sait encore peu. L’humidité joue un rôle aussi important que l’élévation du zéro degré ou le cisaillement du vent. «La science tente actuellement de clarifier la manière dont ces processus interagissent», explique au Blick Cornelia Schwierz, directrice adjointe du département Climat de Météosuisse. Il est encore trop tôt pour obtenir des réponses concluantes.
Quelle est la vitesse des grêlons?
Cela dépend de la taille. Plus ils sont lourds, plus ils tombent vite et plus leur énergie d’impact est importante. On estime qu’un grêlon de 1 cm tombe sur la terre à une vitesse de 9 m/s (32,4 km/h). Les gros grêlons, en revanche, peuvent atteindre une vitesse de 60 m/s (216 km/h). Il faut s’attendre à des dommages aux cultures à partir d’une taille de 1,5 cm.
A quelle fréquence la grêle tombe-t-elle?
Selon MétéoSuisse, il y a eu en moyenne 33 jours de grêle en Suisse par semestre d’été depuis 2002. Le nombre de jours de grêle est réparti régionalement de manière très différente. Elle s’abat particulièrement dans les régions sud du Tessin, dans l’Emmental, l’Entlebuch et la région du Napf, ainsi que le long du Jura. Dans le sud du Tessin, la grêle frappe jusqu’à trois fois par an à certains endroits. Les chutes de grêle sont les plus rares dans les régions alpines de Suisse centrale. Certains endroits n’ont pas connu une seule averse de grêle depuis 2002.
La grêle sera-t-elle plus fréquente à l’avenir?
Oui, comme dans le reste de l’Europe. Le réchauffement climatique est susceptible d’augmenter la teneur en eau de l’atmosphère à certaines latitudes, notamment en Europe et en Australie. En Asie de l’Est et en Amérique du Nord, en revanche, la grêle devrait diminuer. C’est du moins la conclusion d’une étude récemment publiée dans la revue «Nature «repérée par le «Tages-Anzeiger». Toutefois, les données disponibles sont trop peu nombreuses pour permettre des prévisions précises. En Chine, les niveaux élevés de pollution atmosphérique sont probablement responsables de la diminution des tempêtes de grêle.
Quelle est la gravité des tempêtes de grêle?
Même si toutes les tempêtes de grêle ne sont pas aussi dévastatrices que celles du mois de juin, qui ont entraîné la fermeture d’un magasin Coop à Bulle, ont interrompu le trafic ferroviaire dans le Jura bernois et gravement endommagé un dépôt ferroviaire dans le canton de Neuchâtel, elles sont rarement sans conséquences. Selon un rapport du Conseil fédéral de 2016, la part relative de la grêle dans les dommages causés par les dangers naturels en Suisse est assez élevée: avec 31,1%, elle se place juste derrière les inondations (35,9%), suivi par les dommages causés par les tempêtes, avec 27,5%.
En moyenne, les tempêtes de grêle causent chaque année en Suisse des dommages aux bâtiments pour un montant de 93 millions de francs suisses. Les dommages causés aux cultures agricoles s’élèvent à environ 65 millions de francs suisses par an. La situation est encore pire aux États-Unis, où la grêle cause des dommages annuels d’environ dix milliards de dollars.
Pourquoi ne grêle-t-il généralement que pendant la journée?
Ce qui est frappant avec les tempêtes de grêle de juin, c’est qu’elles se sont toujours produites en fin d’après-midi ou en début de soirée. La nuit, en revanche, il n’y a pratiquement pas eu de grêle. L’explication derrière cela tient au fait que le sol, qui s’était réchauffé pendant la journée, se refroidit après le coucher du soleil. Cela réduit la différence de température entre les couches d’air au sol et dans le ciel. Les conditions de formation des nuages d’orage disparaissent donc lentement.