Ils ne viennent plus au bureau. Ils ne franchissent plus chaque matin la frontière pour se rendre en Suisse. Ils passent désormais l’essentiel de leur temps en France voisine, sur le lieu de leur résidence. Et jusque-là, rien n’a changé pour eux sur le plan fiscal.
Les frontaliers français bénéficient, depuis la pandémie, d’une zone grise en matière d’impôts lorsqu’ils télétravaillent. Si leur employeur est suisse, ils continuent d’être imposés à la source sur leurs revenus helvétiques. Mais au Ministère français des finances, cette acrobatie n’est plus tenable. Pour Paris, ce système doit être révisé d’ici au 31 décembre prochain.
La page de la pandémie est tournée
En clair: le télétravail en France pour une entreprise suisse ne pourra pas, au-delà de cette date, être considéré comme une tâche professionnelle effectuée sur le sol de la Confédération.
Les termes du communiqué du Ministère français des finances, publié ce jeudi 27 octobre, sont clairs et nets: «Dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, la France et la Suisse ont conclu un accord amiable le 13 mai 2020 afin que les travailleurs frontaliers et transfrontaliers conservent leur régime d’imposition même s’ils sont conduits à demeurer chez eux et à télétravailler depuis leur domicile. Cet accord amiable concernant l’imposition des travailleurs frontaliers et transfrontaliers en matière de télétravail est prolongé une dernière fois à titre exceptionnel jusqu’au 31 décembre 2022.»
Qu’adviendra-t-il au-delà de cette fin d’année pour les 160'000 travailleurs frontaliers français qui, chaque jour, tirent leurs revenus d’une activité professionnelle exercée en Suisse? Plusieurs hypothèses sont sur la table, comme la déclaration volontaire du décompte des jours passés en télétravail, ou une forme d’imposition forfaitaire additionnelle pour les télétravailleurs.
Dans tous les cas, l’exigence de la France est que le taux d’imposition des salariés concernés se rapproche du taux d’imposition français sur le revenu (30% de 26'000 à 74'500 euros annuels, 41% de 74'500 à 160'300, 45% au-dessus). «Il faut de nouvelles règles. La France et la Suisse avaient accepté en juin 2022 que les mécanismes dérogatoires contenus dans l’accord amiable du 13 mai 2020 soient prorogés jusqu’au 31 octobre. Nous y sommes. Maintenant, nous ne pouvons pas aller plus loin que le 31 décembre», explique-t-on à Bercy, le QG du Ministère des finances.
Les intentions françaises? Remplir les caisses de l’État
Il reste donc deux mois pour matérialiser l’objectif répété jusque-là: «Désireuses de mettre en place un régime souple, simple et équitable pour les travailleurs et les employeurs concernés, la France et la Suisse s’assureront que leurs intérêts budgétaires respectifs soient préservés, de même que l’équilibre des accords particuliers de 1973 et 1983. À cette fin, les travaux seront conduits en vue de construire une solution pérenne pour faciliter l’exercice du télétravail par les travailleurs frontaliers et transfrontaliers, tout en prévoyant un partage équilibré et vérifiable des recettes fiscales afférentes au télétravail entre les deux États.»
La formule qui conclut le communiqué est limpide sur les intentions françaises: remplir le plus possible les caisses de l’État. Pour beaucoup de frontaliers, revenir travailler en présentiel en Suisse risque, dans les mois à venir, de redevenir bien plus intéressant sur le plan des impôts.