Le RN vote avec la NUPES
En France, extrême droite et extrême gauche votent désormais ensemble

Les députés du Rassemblement national (RN) ont finalement voté la motion de censure de la gauche. Marine Le Pen, a jugé, lundi 24 octobre, que le texte déposé par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) était «acceptable». Il a ensuite été rejeté.
Publié: 24.10.2022 à 20:04 heures
La première ministre française Elisabeth Borne a défendu avec succès, lundi 24 octobre, le projet de loi de finances 2023. Les deux motions de censure déposées par le Rassemblement national et la NUPES ont été rejetée. L'article 49.3 permet donc l'adoption sans vote de ce budget en première lecture.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

La guerre de tranchées s’est un peu plus creusée, ce lundi 24 octobre, entre les forces d’opposition les plus radicales et le gouvernement français. Il était un peu plus de 17 heures lorsque Marine Le Pen, patronne du Rassemblement national, a annoncé à la tribune de l’Assemblée le ralliement des 89 députés de son parti à la motion de censure présentée par la Nouvelle Union écologique Populaire et sociale (NUPES) créée par Jean-Luc Mélenchon.

Droite extrême d’un côté. Gauche radicalisée de l’autre. Cette alliance de dernière minute n’a pas suffi à faire adopter ce texte (rejeté par 289 voix contre 239) et à renverser la Première ministre Elisabeth Borne. Mais elle démontre que le bloc anti-Macron se consolide, et que les extrêmes, de gauche et de droite, commencent peut-être à converger.

Une décision surprenante

La décision de l’ex-candidate à la présidentielle, nettement battue par Emmanuel Macron le 24 avril dernier (58% contre 42% des suffrages), est d’autant plus surprenante que sa formation avait aussi déposé une motion de censure, également rejetée. Il s’agissait donc bien, pour l’intéressée, de donner un signal.

Pas question de rester dans l’ombre des travaux parlementaires, comme ses députés ont choisi de le faire depuis les législatives de juin, laissant à l’alliance de gauche le monopole des manifestations dans la rue et de la contestation, sur fond de colère liée à la baisse du pouvoir d’achat et à l’inflation.

Pas question surtout pour le RN, qui tiendra son congrès le 5 novembre et doit élire un nouveau président pour succéder à Marine (soit le jeune Jordan Bardella, protégé du clan Le Pen, soit le vétéran Louis Aliot, maire de Perpignan), d’apparaître comme une force politique qui pourrait, demain, conclure des compromis avec l’Elysée.

La réalité politique française est désormais limpide: le front anti-Macron, aux extrêmes, entend consolider ses positions. C’est au centre du terrain politique, et notamment du côté de la droite traditionnelle (les Républicains et leurs 60 députés), que l’enjeu législatif de ce quinquennat va se jouer. Nicolas Sarkozy l’a d’ailleurs anticipé en appelant Emmanuel Macron, dans le «Journal du Dimanche», à intégrer davantage la droite dans sa coalition.

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Raison électorale

L’autre raison qui a poussé Marine Le Pen à joindre les voix de ses parlementaires à ceux de la NUPES est électorale. Sur le terrain, une partie des troupes du Rassemblement national ne croit toujours pas à la possibilité pour ce parti d’accéder un jour à la tête du pays en attendant les échéances institutionnelles normales.

Les prochaines législatives, comme la prochaine présidentielle, sont dans cinq ans. Les élections européennes de 2024, sans conséquence directe sur le fonctionnement du pays, risquent en outre d’être plus compliquées que prévu pour le Rassemblement national, concurrencé sur sa droite par Reconquête, le parti d’Eric Zemmour qui peut rêver d’une alliance avec Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, aujourd’hui au pouvoir en Italie.

Certains, au RN, jugent donc que le bon scénario serait celui d’une crise anticipée. Emmanuel Macron pourrait alors être tenté de dissoudre l’Assemblée, et le mouvement lepéniste se voit déjà surfer sur la vague.

Faire du RN un grand mouvement populaire

Dernier élément de ce puzzle parlementaire: la cohérence. Marine Le Pen est persuadée que l’objectif d’Eric Zemmour de fracturer la droite traditionnelle peut, in fine, porter ses fruits. Mais elle a aussi acquis la conviction, après trois candidatures présidentielles, que le pouvoir ne sera jamais à sa portée si le Rassemblement national ne parvient pas à être un grand mouvement populaire, ratissant aussi bien du côté de la droite radicale que… de la gauche.

Voter cette motion de censure de la NUPES assurée d’échouer, lui permet par conséquent d’envoyer un signal. Oui, les salaires sont le sujet central. Non, le projet de budget du gouvernement, malgré des amendements acceptés, n’est pas un budget social. Le piège de cette motion de censure votée en commun est tendu à une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon – ceux des classes populaires – que la patronne du RN croit capable, un jour, de basculer en sa faveur.

Plus de ligne rouge idéologique

Marine Le Pen savait, ce lundi 24 octobre, que la partie de la motion de censure était perdue d’avance. Le gouvernement d’Emmanuel Macron, coincé par sa majorité relative (il lui manque une quarantaine de députés pour atteindre la majorité absolue), peut encore bénéficier du refus de la droite de mélanger ses voix aux nationaux populistes qui rêvent, comme en Italie, de la dépecer.

Mais elle vient de montrer qu’elle n’a plus de ligne rouge idéologique. Avec ce vote symbolique aux côtés de la NUPES qu’elle continue de considérer comme un ramassis de «gauchistes», la patronne du Rassemblement national poursuit sa dédiabolisation. Avec, plus que jamais, la conquête future du pouvoir dans sa ligne de mire.

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