Quatre petits poteaux métalliques, entourés d’un ruban de barrage rouge et blanc, sont plantés dans le sol. C’est ici, à la périphérie du village de Meggen (LU), entouré des bâtiments de la paroisse, du local de répétition de la société de théâtre locale et d’un parking public, que des logements en containers pour 100 réfugiés ukrainiens – principalement des femmes et des enfants – seront bientôt installés.
C’est du moins ce que souhaite le conseil municipal de cette commune lucernoise de 7600 habitants. Mais, quatorze oppositions ont été déposées contre le projet de lotissement de conteneurs, limité à trois ans.
Meggen, la «gold coast» de Lucerne
Le député UDC local Thomas Schärli a provoqué un tollé mercredi en expliquant à «20 Minuten» la raison de cette opposition: «À Meggen, on ne veut pas habiter à proximité des gens qui vivent dans des conditions plus précaires». Selon le quarantenaire, de très nombreuses personnes aisées vivent dans la commune. «Si des gens viennent vivre dans un espace restreint et qu’il y a des villas tout autour, cela peut provoquer un certain mécontentement chez ces personnes.»
En effet, la commune est considérée comme la «gold coast» de Lucerne. Meggen, c’est là où les employés de maison ont parfois leur propre sonnette et où il n’y a pas seulement un, mais deux SUV devant la maison. Où d’immenses terrains et de magnifiques villas se cachent derrière de hautes clôtures, toutes avec vue sur le lac et les montagnes.
La commune est située sur un versant sud au bord du lac des Quatre-Cantons. En outre, elle jouit du taux d'imposition le plus bas du canton. Il n’est donc pas étonnant que le village soit apprécié des personnes aisées.
Poutine voulait acheter une maison dans la commune
Quelques Russes fortunés se sont également installés à Meggen. Selon la «Wochenzeitung», Vladimir Poutine en personne se serait même intéressé à un bien immobilier dans la commune en 2013, mais l’achat n’a pas eu lieu. Ironie du sort, Meggen devrait bientôt devenir la maison temporaire de ceux à qui le président russe a (presque) tout pris.
Si cela ne tenait qu’à Thomas Schärli, la commune les hébergerait dans l’abri de protection civile – sans fenêtres – plutôt que dans un lotissement de conteneurs moderne et fonctionnel.
Le président de la commune, Urs Brücker, ne peut s’empêcher de secouer la tête. D’une part, l’UDC, en tant que parti, n’a pas le droit de faire opposition. D’autre part, il n’est pas question d’héberger les femmes et les enfants dans l’abri de protection civile. «D'ailleurs le canton n'autorise pas l'installation à être utilisée à cet effet» , précise le soixantenaire. Enfin, les déclarations de Thomas Schärli ne correspondent pas non plus à l’opinion du village: «La population soutient le projet à une grande majorité. S’il en était autrement, je l’aurais remarqué.»
Plusieurs riverains opposés au projet
La commune ne veut pas révéler qui, en plus de l’UDC, a fait opposition, en raison de la procédure en cours. Mais Blick sait que parmi eux se trouvent des personnes du voisinage direct du site prévu – entre autres des propriétaires d’appartements avec de larges baies vitrées et des terrasses étendues. Autant dire que leur vue sur le lac et les montagnes ne serait pas gâchée par les conteneurs.
Une riveraine qui a fait opposition, mais qui souhaite rester anonyme, ne cite pas non plus la vue comme raison, mais des craintes. Elle craint la criminalité. De plus, un chemin direct menant au lac et au port de plaisance passe à côté du terrain sur lequel le logement sera un jour construit. «Il y aurait toujours beaucoup de monde», dit la riveraine. «Bien sûr, c’est égoïste de ma part, et je pense aussi qu’il faut aider les réfugiés. Mais de mon point de vue, un emplacement au centre du village serait plus approprié», conclut-elle.
«Nous sommes solidaires avec les personnes en fuite»
Malgré les oppositions, la commune veut s’en tenir à ses plans et espère obtenir l’autorisation du canton. Selon la décision cantonale d’attribution, Meggen est tenue de mettre à disposition 123 places d’hébergement pour les personnes en quête de protection. Si la commune ne le fait pas, elle risque une amende d’au moins 30’000 francs par mois. «Nous pourrions nous le permettre», déclare sèchement le président de la commune Urs Brücker. Mais nous ne le voulons pas. Nous sommes solidaires avec les personnes en fuite.»
Après ses propos, le député UDC Thomas Schärli, qui habite lui-même à environ 500 mètres du logement prévu, s’est vu contraint de s’expliquer. Dans un mail, il indique que le thème des réfugiés le préoccupait depuis longtemps. Il écrit: «Mes propos étaient émotionnellement chargés et provocateurs. Je m’excuse donc auprès des personnes concernées d’avoir fait fi de leurs valeurs.»
(Adaptation par Quentin Durig)