35 hectares de terres, un troupeau de vaches allaitantes, des poules et du raisin pour la production de vin. A Enges, au-dessus de Neuchâtel, la paysanne Vanessa Renfer exploite une ferme avec son mari. Avec le soutien d'autres viticulteurs, maraîchers et arboriculteurs, elle porte plainte contre la Confédération.
Ces agriculteurs demandent d'en faire plus pour lutter contre le changement climatique. «Nous sentons tous les jours que le changement climatique affecte notre travail. Les récoltes diminuent, en été, les animaux souffrent de la chaleur.» Selon elle, la Confédération doit agir, et maintenant.
Les agriculteurs l'assurent, ils ressentent aussi le changement climatique dans leur porte-monnaie. «La récolte de foin s'est effondrée ces deux dernières années. Nous devons utiliser dès l'été les réserves prévues pour l'hiver!» Le viticulteur genevois Yves Batardon parle de plusieurs dizaines de milliers de francs de rendement en moins en 2022 en raison de la sécheresse.
Les agriculteurs ne sont pas tous d'accord
Mais tous les agriculteurs ne soutiennent pas cette revendication. Le président désigné de l'UDC, Marcel Dettling, a récemment qualifié le changement climatique de «pas mauvais» pour les agriculteurs dans une interview accordée à la «NZZ am Sonntag». En prenant comme (mauvais) exemple: «De nouvelles espèces végétales à haut rendement poussent sous nos latitudes.»
Vanessa Renfer et ses compagnons de lutte ne peuvent pas non plus compter sur l'aide de l'Union suisse des paysans (USS), malgré les conséquences indéniables du changement climatique sur le territoire. Mais c'est à la politique de trouver des solutions. «Nous ne pouvons pas comprendre l'attribution unilatérale de la responsabilité au gouvernement, comme le fait cette plainte, explique-t-on à l'USS. Nous nous distançons donc de cette démarche juridique.»
Le Département fédéral de l'environnement d'Albert Rösti rassure: la Suisse a signé l'accord climatique de Paris et s'y tient. La nouvelle loi sur le CO2, actuellement débattue au Parlement, prévoit davantage de moyens pour des mesures d'adaptation dans le secteur agricole.
Les Aînées climatiques comme modèle?
Vanessa Renfer n'est pas naïve: elle sait que lancer une initiative pour une meilleure protection du climat en Suisse sera difficile. Elle a donc opté pour la voie juridique. «Il existe différentes possibilités de réagir à la crise climatique. Une initiative demande beaucoup de temps et d'argent. Mais le temps est justement compté.»
Sa démarche rappelle celle des Aînées du climat, qui sont allées jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Leur avocat est notamment le conseiller national vaudois des Vert-e-s Raphaël Mahaim. Il représente également Vanessa Enfer et les autres agriculteurs dans cette nouvelle affaire, avec l'aide d'autres consœurs et confrères.
Alors que les Aînées du climat étaient soutenues par Greenpeace, la nouvelle plainte est portée par l'association des petits paysans et le syndicat paysan Uniterre, qui ont participé à l'élaboration de la plainte avec l'aide d'une association d'avocats spécialisés dans le climat.
«Nous espérons bien sûr qu'un jugement positif de Strasbourg nous donnera le vent en poupe pour la cause des agriculteurs», note Raphaël Mahaim. L'avocat n'exclut pas que les agriculteurs aillent, eux aussi, jusqu'au Tribunal fédéral, voire plus loin encore. «Nous nous battrons jusqu'au bout!»