Cette charge n’intervient pas à n’importe quel moment. Juste avant que l’initiative «200 francs, ça suffit!» ne soit déposée à Berne, «20 Minuten» s’est intéressé à Tataki, le média jeune public de la Radio Télévision Suisse (RTS). Le 18 juillet, le quotidien alémanique titre: «Service public? 'Elle a fait caca dans son lit?' — La SSR s’occupe de jeunes Français sur TikTok.»
Posons d'abord les faits. Outre de nombreuses stations de radio, chaînes de télévision et portails en ligne, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) exploite également de nombreux comptes sur Instagram, TikTok, Facebook, Snapchat ou encore YouTube.
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Le comité d’initiative derrière le texte qui veut réduire la redevance radio-TV considère cependant que l’animation de canaux de médias sociaux ne fait pas partie du service public. D’après lui, si la SSR ne les gérait pas, elle pourrait économiser beaucoup d’argent.
Tataki plaît surtout à l’étranger
C’est donc logiquement que le quotidien alémanique a traversé la Sarine. Les chiffres de Tataki, qui compte environ 1,4 million de followers sur TikTok et qui est par ailleurs actif sur d’autres plateformes, font la fierté du service public. Mais «20 Minuten» tique sur plusieurs points.
D’abord, le compte TikTok qui cartonne est regardé en premier lieu par un public extérieur au pays, puisqu’il ne touche «que» 100’000 personnes en Suisse romande. «Malgré l’argent de la redevance», écrit le média gratuit, cela signifie concrètement que 93% des abonnées et abonnés se trouvent en dehors de nos frontières.
Nos confrères semblent aussi peu goûter au ton et au langage utilisés par Tataki pour charmer les 15-25 ans. Ils pointent en particulier une vidéo dans laquelle un créateur de contenu évoque le soi-disant «caca» d’Amber Heard dans le lit de son ex-compagnon Johnny Depp.
«Sysyphe, il faisait quand caca?»
Visiblement, ces remontrances n’ont fait ni chaud ni froid à l’équipe basée à Genève. Dans un TikTok sur le mythe de Sisyphe (ou «syphilis», comme il est raillé à l’écran) publié le 9 août, l’autrice de la capsule, soudain, s’interroge: «Il faisait quand caca? Il faisait caca quand il poussait la pierre? Donc, en fait, il glissait sur son caca.»
S’agit-il d’une manière de répondre aux critiques formulées par «20 Minuten» sur la prose pipi-caca du média de la RTS? «Non, il n’y a pas de message caché dans cette vidéo», assure dans un courriel Manon Bornand, responsable du pôle publics et digital de Tataki. Dans ce cas précis, trouve-t-elle qu’on puisse parler d’humour? «Oui, l’humour de type régressif constitue l’une des variantes d’humour parmi d’autres, on l’utilise parfois dans ce format divertissement et connaissance», avance-t-elle.
Venons-en maintenant à la question centrale, en cette période décisive où les partisans de l’initiative pour réduire la redevance affûtent leurs armes. Ce TikTok, visionné plus de 200'000 fois, est-il du service public? «Certainement, rétorque Manon Bornand. Dans cette vidéo, nous présentons une analyse rapide et une explication des origines de la tendance #Sisyphus, qui a rencontré un énorme succès sur TikTok avant l’été (avec 350 millions de vues pour le hashtag).»
D’après la responsable, cette vidéo répondrait à de nombreuses demandes de la communauté du média qui se serait interrogée sur «la signification et les origines de ce mouvement». Toujours selon elle, la tonalité «humoristique et légère de la vidéo n’enlève en rien sa substance et permet un accès facilité aux fondements de ce hashtag».
Les «fondements» d'un hashtag? Il est vrai que Tataki nous avait déjà tout dit de ceux de Sisyphe et d'Amber Heard.