«Les glaciers ne fondent pas assez vite?», questionne Christophe Clivaz dans un post LinkedIn qui a suscité de nombreuses réactions. Le Conseiller national valaisan enrage à la lecture des révélations du journal «Le Temps» au sujet des grands projets des autorités valaisannes et sédunoises pour l'aéroport de Sion.
À l'horizon 2027, il s'agirait d'en faire «la porte d'entrée des Alpes» pour ramener un maximum de touristes au plus près des pistes de ski. EasyJet et Swiss sont les compagnies citées comme potentielles partenaires. Interview aussi bien du candidat à sa réélection que de l'universitaire, professeur de tourisme affilié à la branche sédunoise de l'UNIL.
Christophe Clivaz, des skieurs qui atterrissent en masse au cœur du Valais, ça vous donne des boutons?
Non, ça ne me donne pas des boutons (rires). C'est un dossier que je suis depuis que j'ai commencé ma carrière politique en 2005 au parlement de la Ville de Sion. Depuis les années 1990, aucune solution proposée n'a tenu le coup. Notamment, car le bassin de population est insuffisant. Il faudrait au moins 500'000 passagers par an pour couvrir les coûts d'exploitation. En 2022, l'aéroport de Sion a accueilli 36'000 passagers, on est loin du compte. Il est trop proche de Zurich, de Genève et de Milan pour imaginer accueillir des vols de ligne.
Pour un professeur de tourisme valaisan, vous ne semblez pas avoir envie d'accueillir de touristes en Valais. Ne constituent-ils pas une part importante de l'économie de votre canton?
Je ne vois pas trop l'intérêt de l'aéroport pour le tourisme. Aujourd'hui, beaucoup de voyageurs viennent déjà en Valais via d'autres modes de transport. On ferait mieux d'utiliser les dizaines de millions investis pour développer l'offre de transports publics à destination des Sédunois et des Valaisans. Actuellement, ceux-ci n'utilisent quasiment pas l'aéroport. Pour la population valaisanne, ce n'est qu'une source de nuisances.
Et du point de vue de l'écologiste?
Comme les autres secteurs, le tourisme doit se décarboner pour que la Suisse respecte les accords de Paris. Le transport aérien a un très mauvais bilan carbone. Faire venir les touristes en avion ne va faire qu'accélérer la fonte des glaciers et le manque de neige pour le ski. Un comble d'incohérence. Il vaut mieux développer les liaisons ferroviaires, de nuit notamment. En Suisse, suite à un postulat que j’ai déposé, le Conseil fédéral doit étudier la mise en place d’une stratégie pour améliorer l’accessibilité des régions touristiques en transports publics. Par souci de cohérence, j'ai aussi demandé dans une motion que les subventions à Suisse Tourisme servent à la promotion dans les marchés de proximité et pas dans les marchés lointains comme l’Asie.
Vous qui habitez Sion, l'aéroport est-il une si grande nuisance?
Beaucoup moins qu'il y a quelques années, lorsqu’il y avait encore les avions militaires. Les nuisances étaient telles que les autorités municipales ont souhaité le départ des forces aériennes, pour permettre la valorisation de certaines zones de la ville. Cependant, le développement annoncé dans «Le Temps» signifierait un retour du bruit et de la pollution de l’air, car les avions survolent des zones urbaines avant d'atterrir. Des nuisances moins grandes que celles liées aux jets, c’est vrai. Mais une mauvaise nouvelle quand même pour la qualité de vie de la population de Sion et des environs.
Comment a évolué la question de l'aéroport depuis que vous la suivez?
Dans les années 1990, il y a eu d'importants investissements. Avec l'espoir d'avoir des centaines de milliers de passagers par an, grâce à des vols de ligne réguliers. Il y a encore quelques années, Swiss a testé des vols vers l'Angleterre pendant deux ans. La Ville a même perdu de l'argent en 2017, en faisant confiance à la compagnie PowdAir. Elle promettait de relier Sion à plusieurs aéroports européens, mais s’est révélée être une escroquerie. On est tellement à la recherche d'un investisseur qu'on est prêts à se lancer tête baissée dans n'importe quel projet. Depuis que l'Armée est partie, la Ville et le Canton planchent sur un nouveau modèle de gouvernance et de nouveaux financements, sans que cela aboutisse. Depuis 6-7 ans, l'aéroport est dans un entre-deux et personne n'ose prendre de décisions courageuses.
Le projet des autorités valaisannes et sédunoises a-t-il une chance d'être rentable?
Moi, je n'y crois absolument pas. Cela fait 30 ans que c'est un mirage. Les conditions de base ne sont pas réunies. La présence de trois aéroports internationaux à proximité rend cette perspective impossible sur le plan économique. De plus, n'oublions pas qu'avec la topographie particulière du Valais, l'approche des avions est complexe. Cela engendre des coûts. Et si on y ajoute la question du bilan carbone de l'aviation, je ne comprends vraiment pas l'existence de ce genre de propositions en 2023!
Que faut-il faire de cet aéroport à l'avenir?
Il faut le redimensionner à la baisse. Concentrons-nous sur les vols de plaisance, sur les héliports et sur les avancées technologiques comme celles de l'entreprise H55 et ses avions électriques, qui emploie, je crois, une centaine d'employés. On n'a pas besoin d'une piste de deux kilomètres de long. On pourrait la réduire de moitié et réaffecter les terrains. Il faut arrêter de croire à une solution miracle et transformer l'aéroport pseudo-international en un aéroport régional. Ce sera économiquement plus supportable, avec des nuisances acceptables pour les riverains.
Vous vous positionnez sur ce sujet à l’approche des élections. Que dites-vous à ceux qui pourraient estimer qu’il s’agit d’une manœuvre politique?
Je fais régulièrement des posts LinkedIn liés à l'actualité, élections ou pas. Et tout le monde n'a pas vu ma prise de position. On m'a reproché de n'avoir pas réagi. C'est un sujet qui me tient à cœur parce que l'aéroport international de Sion constitue une véritable Arlésienne (ndlr: on en parle à longueur de temps, mais elle ne se montre jamais). On sait depuis 20 ans qu'il n'a pas d'avenir économique. Et en plus aujourd'hui, c'est aussi un non-sens écologique.