D’ordinaire, le vigneron-caviste Alexandre Fischer se frotte les mains lorsqu’il voit des badauds éblouis par la beauté de Lavaux déambuler sur ses terres. Tout particulièrement dans son prestigieux domaine familial de St-Amour, à Chenaux (VD), au-dessus de Cully, où des couples débarquent des quatre coins du monde pour se passer la bague au doigt ou simplement profiter de la terrasse panoramique et de son self-service surplombant le Léman.
Mais à quelques ceps de là, dans les vignes de Belmont-sur-Lausanne dont il s’occupe par ailleurs, le quasi quadragénaire fait face à une cuvée de visiteurs aux effluves beaucoup plus âpres, confie-t-il à Blick ce vendredi 2 août. Et rien n’y fait. Malgré ses efforts et ses signalements aux autorités, l’instigateur du mouvement «Les raisins de la colère» — qui réclame notamment que l’État décrète des restrictions d’importation des vins étrangers pour défendre une production locale — ne cesse d’être victime de la même bande de voleurs voraces.
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Le plus dur? Ne pas se laisser attendrir par ces malandrins à la robe caramel, au nez animal et à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession. Car oui, les filous qui ne laissent même pas le temps aux pousses d’Alexandre Fischer de devenir fruits ne sont autres que… des chevreuils!
Des dégâts irréversibles
«Cela a commencé en mars-avril, raconte Alexandre Fischer, au bout du fil. J’ai d’abord aperçu furtivement deux grandes oreilles qui semblaient venir manger chaque jour. Puis, en étant attentif, j’ai remarqué que c’était en réalité une famille entière qui se remplissait régulièrement la panse.» Ces festins répétés ont de regrettables conséquences. «Je n’ai pas pu ébourgeonner (ndlr: enlever les bourgeons gourmands superflus) et les dégâts faits en début de saison sont malheureusement irréversibles. Là où les chevreuils sont passés, il n’y a tout simplement aucune grappe.»
Le professionnel, qui a de la bouteille, a rapidement contacté le garde-faune. «Il m’a signifié qu’il était difficile d’intervenir dans ces vignes, puisque ces dernières se trouvent au milieu de villas, glisse-t-il. Cette situation rend aussi impossible l’utilisation de répulsifs sonores, les riverains deviendraient fous.»
Plus de chevreuils dans les vignes?
Sans jamais se départir de caractéristique bonne humeur, Alexandre Fischer est tout de même un tantinet amer: «On m’a invité à remplir une déclaration de dommages, ce que j’ai fait. Je serai normalement indemnisé. Mais sur le prix de revente du raisin, pas du vin que j’aurais pu produire avec. Cela représente donc un gros manque à gagner.»
Comment faire pour résoudre le problème à la racine? «Dans l’immédiat, je ne vois pas, souffle celui qui avait étonné en soutenant le Dry January. Le garde-faune m’a suggéré d’ajouter du tabasco à mon traitement afin de repousser les bêtes, mais cela ne fonctionne pas.»
Le Vaudois, désigné personnalité de l’année 2020 par les lectrices et lecteurs de «24 heures», prend un peu de hauteur: «D’autres solutions bien connues en Valais — comme d’immenses clôtures — existent, mais sont très onéreuses. Dans tous les cas, je vais devoir demander des offres, je ne peux pas me permettre une deuxième année comme celle-ci. Et puis, alors que la présence de chevreuils en Lavaux était de l’ordre de l’exceptionnel il y a peu, c’est de plus en plus courant. Il va falloir s’habituer et surtout s’équiper…»