«C'est un moment historique!»
Le boom du prix des maisons s'arrête enfin

Depuis 1998, les prix des maisons suisses ont doublé. Aujourd'hui, le boom prend fin. Les experts annoncent des changements fondamentaux au sein du marché immobilier.
Publié: 13.06.2022 à 06:09 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2022 à 06:46 heures
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Depuis 1998, le prix des maisons n'a cessé d'augmenter.
Photo: imago images/Geisser
Danny Schlumpf

Si vous avez moins d'un demi-million de fonds propres et que vous ne gagnez pas autant qu'un conseiller fédéral, vous pouvez oublier de vous acheter une maison à Genève. Mais comment en est-on arrivé à des prix immobiliers aussi importants? Et pourquoi ce boom est-il fini? Blick décortique cette histoire qui commence au début des années 1980. À cette époque, la Banque nationale suisse (BNS) assouplit sa politique monétaire et l'État stimule le secteur de la construction grâce à des programmes d'impulsion. Le marché de l'immobilier est florissant.

En 1987, le boom atteint une nouvelle dimension lorsque la Bourse de New York s'effondre. Les banques centrales du monde entier ouvrent leurs vannes monétaires. Les actions ne sont plus à la mode – tout le monde veut des maisons. Les prix de l'immobilier suisse s'envolent.

La hausse des taux d'intérêt a fait chuter les prix des logements

Les banques accordent crédit sur crédit, car elles sont convaincues qu'il n'y a aucun risque, et que les taux d'intérêt n'augmenteront pas. Le président de la Banque nationale, Markus Lusser, annonce en été 1989: «Les prix de l'immobilier ne vont certainement pas chuter pour le moment.»

La même année, Markus Lusser lui-même veille à ce que ce soit exactement ce qui se passe. La BNS augmente les taux d'intérêt. La réaction de panique est un poison pour le marché immobilier en surchauffe. La demande s'effondre, les prix dégringolent.

Les propriétaires de logements sont écrasés par le poids des intérêts, les immeubles de rendement se désertifient, les offices des poursuites sont débordés. Et les banques croulent sous les crédits douteux: jusqu'en 1996, elles amortissent un total de 42 milliards de francs.

Le krach immobilier impacte toute l'économie

Les grandes banques, elles-mêmes déjà en souffrance, doivent reprendre des dizaines de banques régionales pour les sauver du naufrage. La caisse de prêt de Thoune finit par couler. En octobre 1991, des clients désemparés prennent d'assaut leur banque, en vain: les guichets restent fermés. Les images du drame font alors le tour du monde.

Le krach immobilier détruit toute l'économie. Une grave récession s'installe. En 1997, la BNS imprime de l'argent, la conjoncture redémarre lentement. La Suisse a surmonté le pire.

Le prix des maisons a doublé depuis 1998

En 1998, les prix des logements remontent pour la première fois. Et ils ne cessent d'augmenter - poussés par la baisse des taux d'intérêt, qui sont même devenus négatifs après la crise financière de 2008. Le marché de l'immobilier est en plein essor - même pendant la pandémie: la demande de logements augmente encore plus fortement. En 2021, les prix des maisons augmentent de 6%. Depuis 1998, ils ont doublé.

Aujourd'hui, une maison de 140 mètres carrés construite il y a dix ans coûte 1,5 million de francs à Berne, presque deux millions à Lausanne, 2,5 millions à Zurich et trois millions à Genève. Pour obtenir une petite maison d'occasion dans la ville du Rhône, il faut disposer de plus d'un demi-million de francs de fonds propres et du salaire d'un conseiller fédéral: 450'000 francs.

L'inflation augmente

Le boom a duré 24 ans. Mais il prend maintenant fin. La guerre en Ukraine interrompt les chaînes d'approvisionnement et fait grimper les prix de l'énergie. Conséquence: aux États-Unis et en Europe, l'inflation dépasse déjà les 8%. En Suisse, elle atteint presque 3%, et la fin de l'escalade n'est pas en vue.

C'est pourquoi la banque centrale américaine a relevé ses taux directeurs de 0,5% en mai, une mesure qui n'avait plus été prise depuis l'an 2000. La Banque centrale européenne suit désormais le mouvement. En juillet, elle augmentera ses taux de 0,25% - pour la première fois depuis onze ans. Il est donc clair que la BNS ne pourra pas non plus éviter une hausse des taux.

Les fournisseurs d'hypothèques ont déjà réagi. Il y a un an, une hypothèque fixe sur dix ans coûtait 1%. En avril 2022, il était de 2%. Aujourd'hui, l'offre publiée sur Internet par Credit Suisse est de 2,84 %, celle de Raiffeisen de 2,9 %. A cela s'ajoute le fait que la construction et la rénovation coûteront cette année jusqu'à 8% de plus, et que le chauffage avec des énergies fossiles coûtera 40% de plus. En d'autres termes, les coûts d'utilisation augmentent et la valeur des maisons diminue. Au premier trimestre 2022, la courbe des prix s'est déjà aplatie.

«Les bouchons de champagne sautent jusqu'au naufrage»

«C'est un tournant pour le marché de l'immobilier», déclare Donato Scognamiglio, chef de la société de conseil immobilier IAZI. La BNS part du principe que les biens immobiliers sont surévalués jusqu'à 30%. Mais personne ne semble s'en soucier.

«C'est comme sur le Titanic, alerte Donato Scognamiglio. La fête bat toujours son plein et les bouchons de champagne sautent jusqu'au naufrage.» Si depuis 1998 la branche immobilière ne connaît que la tendance à la hausse, c'est qu'elle a «gagné bêtement sa vie pendant cette période. La plupart n'ont même jamais vu que le taux d'intérêt peut aussi être de 7% et que les valeurs immobilières baissent.»

En effet, celui qui se renseigne sur le marché ne perçoit pas de panique. Il n'y a même pas d'iceberg. «Le secteur ne s'attendait pas non plus à l'inflation et à la hausse des taux d'intérêt, poursuit Donato Scognamiglio. Et pourtant, les deux sont désormais une réalité.»

Mais l'évaluation des risques n'est nulle part aussi importante que sur le marché de l'immobilier. Donato Scognamiglio rappelle: «Certes, il existe dans le monde financier diverses possibilités de se protéger contre les corrections de prix. Mais dans le domaine de l'immobilier, ce paratonnerre n'existe pas.»

La location plus avantageuse que la propriété

Récemment, la Banque cantonale de Zurich et Credit Suisse ont annoncé que la location était plus avantageuse que la propriété. Au cours des dix dernières années, ils disaient le contraire. «C'est un signal fort», souligne l'expert en immobilier Andreas Loepfe de l'université de Zurich.

C'est un moment historique, explique-t-il: «Cela marque la fin d'une phase qui a commencé dans les années 1990. La prochaine décennie s'annonce fondamentalement différente de la précédente.»

(Adaptation par Lliana Doudot)

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