Les taux hypothécaires augmentent, pas les taux d'épargne
Les banques réalisent des bénéfices record sur notre dos

Les établissements financiers ont considérablement augmenté leurs marges bénéficiaires au cours des dernières semaines. Les épargnants et les propriétaires de logements restent sur le carreau.
Publié: 10.04.2022 à 11:13 heures
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Dernière mise à jour: 10.04.2022 à 11:27 heures
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Les hypothèques à taux fixe deviennent de plus en plus chères semaine après semaine.
Photo: ZVG
Thomas Schlittler

Les hypothèques à taux fixe deviennent de plus en plus chères, semaine après semaine. En janvier, les banques suisses proposaient des hypothèques sur dix ans à un taux moyen de 1,26%. Cette semaine, il fallait payer 2,07%. C’est ce que montre une analyse réalisée pour Blick par le service de comparaison en ligne moneyland.ch. Pour une hypothèque de 800’000 francs, il faut donc débourser aujourd’hui environ 16’560 francs par an, contre 10’080 francs il y a quelques semaines.

Jusque-là, rien de suspect (même si c’est douloureux pour les propriétaires). Mais le fait que les banques suisses n’aient pas augmenté les taux d’intérêt pour les épargnants, ou pas dans la même mesure, éveille les soupçons.

Au début de l’année, les personnes qui ont confié 10’000 francs à leur banque pour dix ans sous la forme d’une obligation ont été rémunérées en moyenne par un intérêt de 0,37%. Actuellement, selon l’analyse de Moneyland, ce taux est de 0,45%. C’est certes un peu plus, mais l’augmentation est loin d’être aussi importante que pour les taux hypothécaires.

Presque plus d’intérêts

La situation est encore plus sombre pour les comptes d’épargne. Le taux d’intérêt moyen y est de 0,04%, soit le même taux qu’en janvier, révèle Moneyland dans son analyse des taux d’intérêt de 170 comptes d’épargne suisses.

Les représentants des banques expliquent cette évolution inégale par le fait que les taux d’intérêt des comptes d’épargne et des hypothèques ne sont pas déterminés par les mêmes facteurs.

«Les taux d’intérêt sur les comptes d’épargne dépendent des taux d’intérêt à court terme sur le marché monétaire, car ces dépôts peuvent être retirés à tout moment», explique Maxime Botteron, économiste à Credit Suisse. Ces taux d’intérêt à court terme sont à leur tour déterminés en grande partie par le taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS), qui est négatif depuis plus de sept ans. «Par conséquent, les dépôts bancaires qui ne sont pas soumis à un taux d’intérêt négatif sont de facto subventionnés par les banques», nous dit l’économiste.

Quant au niveau des taux hypothécaires, Credit Suisse, Raiffeisen, la Banque Migros, l’UBS et la banque cantonale zurichoise (ZKB) font référence à l’évolution des rendements de produits de placement comparables, notamment à la hausse des taux d’intérêt des emprunts fédéraux, ainsi qu’à l’augmentation des coûts de refinancement.

«Pour les hypothèques à taux fixe, les recommandations en vigueur pour les taux d’intérêt clients ne sont pas basées sur le taux directeur à court terme de la BNS, mais sont liées aux taux de refinancement quotidien de Raiffeisen sur les marchés des capitaux», affirme un porte-parole du groupe Raiffeisen, numéro un sur le marché hypothécaire suisse. Ces taux du marché des capitaux auraient nettement augmenté depuis début 2022, en raison d’attentes inflationnistes accrues.

La banque gagne toujours

Adriel Jost, chef de l’entreprise zurichoise de conseil financier WPuls, ne contredit pas les explications des banques, mais elles ne sont selon lui qu’une partie de la vérité. «En premier lieu, les crédits hypothécaires ne sont pas refinancés par les marchés des capitaux, mais par les dépôts d’épargne des clients». Et comme ces fonds d’épargne ne sont toujours pas ou peu rémunérés, les marges bénéficiaires des établissements financiers ont augmenté de manière fulgurante ces dernières semaines.

Pour Adriel Jost, une chose est absolument certaine: «Les banques ont profité de l’aubaine pour augmenter leurs bénéfices pratiquement du jour au lendemain, alors que nombre d’entre elles avaient déjà enregistré des bénéfices records ces dernières années.»

Les déclarations d’Adriel Jost sont extrêmement crédibles. Pour rappel, WPuls n’est pas qu’une organisation non gouvernementale qui porte un jugement critique sur la place financière en général, mais un cabinet d’analyse présidé par Klaus Wellershoff, ancien chef économiste de l’UBS.

Selon Felix Oeschger, analyste chez Moneyland, les propriétaires de logement qui ne veulent pas subventionner davantage les bénéfices des banques n’ont qu’une option: «Ceux qui concluent une nouvelle hypothèque à taux fixe devraient absolument comparer les conditions des différents prestataires et demander plusieurs offres.»

Il est également important de négocier fermement. «Il est souvent possible d’obtenir des rabais substantiels sur les taux d’intérêt publiés», explique Felix Oeschger. Il ne faut pas croire pour autant que l’on obtient les meilleures conditions auprès des plus grands prestataires, bien au contraire.

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