Moins de sols et d'eaux contaminés... Tel est l'objectif du plan de mesures contre les pesticides adopté par le Parlement il y a quatre ans. A l'époque, le lobby agricole s'y était rallié – certes, en grinçant des dents – afin d'éviter un oui aux initiatives sur les pesticides, qui allaient bien plus loin.
Mais l'Union des paysans et ses alliés veulent déjà tordre le cou aux mesures qui ont été prises. D'ailleurs, le président de l'Union suisse des paysans Markus Ritter vient tout juste de fêter son dernier succès: ainsi, sous la pression des paysans, la Confédération reporte l'introduction de l'obligation de déclarer la vente et l'utilisation de pesticides.
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La transparence sur l'utilisation de pesticide attendra
Cette mesure devait apporter plus de transparence sur l'utilisation des pesticides: qui pulvérise, où, quand, contre quoi et avec quelle quantité? Certes, les agriculteurs doivent déjà aujourd'hui tenir un registre concernant l'utilisation de pesticides, mais les données ne sont pas centralisées. Un détail qui aurait son importance pour que le Parlement et le Conseil fédéral puisse évaluer l'efficacité des mesures prises.
En mars, l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) a décidé de repousser d'un an l'introduction de l'obligation de déclaration. Ce n'est qu'à partir de 2027 que les agriculteurs devront livrer les données sur les pesticides à la Confédération. Mais l'obligation de transparence pourrait aller beaucoup moins loin que prévu, du moins pour les premières années. L'OFAG laisse d'ailleurs déjà entendre sur son site Internet que l'exception pourrait devenir la règle. Et l'obligation de déclaration complète, telle que décidée par les politiques, ne sera peut-être même jamais mise en œuvre.
Les organisations environnementales crient au scandale
L'affront de trop pour les organisations environnementales, qui reprochent à la Confédération d'avoir plié devant le lobby agricole: «L'OFAG a perdu l'élan et la conviction de mettre en œuvre l'obligation d'annoncer comme prévu, probablement sous la pression», déclare Marcel Liner, expert agricole de Pro Natura.
Dans les cantons aussi, on regrette cette décision: «Pour les offices cantonaux de l'environnement, nous estimons qu'il est important d'introduire une obligation de déclaration des pesticides et des nutriments», explique Christoph Moschet, responsable des analyses d'eau au laboratoire intercantonal des cantons d'Appenzell et de Schaffhouse. Pour garantir la qualité de l'eau, il est important pour eux que l'utilisation des pesticides soit enregistrée.
Les agriculteurs, de leur côté, mettent en garde contre la lourdeur bureaucratique liées à l'âpplication des mesures de prévention: «Pour nous, les producteurs de légumes, qui pratiquons de nombreuses cultures différentes, l'obligation de déclaration représente une charge administrative massive», déclare Simon Lässer de l'Union des producteurs de légumes.
D'autant plus que rien n'est encore prêt techniquement. Il manque des interfaces pour que les agriculteurs ne soient pas obligés de saisir les mêmes données dans plusieurs programmes. L'OFAG a en effet expliqué qu'il souhaitait donner à la branche le temps de se préparer à l'obligation de déclaration.
Le puissant lobby agricole tente de dicter sa loi
Le prochain triomphe du puissant lobby agricole est désormais prévisible. En juin, le Conseil des Etats devrait en effet rejeter définitivement une nouvelle obligation d'augmenter les surfaces dites écologiques. Cette obligation faisait partie du plan de mesures visant à réduire les risques liés aux pesticides pour l'environnement et son introduction avait déjà été repoussée deux fois. Elle devrait à nouveau être supprimée de la loi avant d'entrer en vigueur.
Une autre mesure de protection de l'environnement est l'obligation d'utiliser des pendillards, permettant d'épandre l'engrais de manière plus ciblée. Lee lobby paysan a tenté à plusieurs reprises de repousser cette obligation, voire de la supprimer. Mais sans succès cette fois: au début de l'année, elle est entrée en vigueur avec deux ans de retard.
Les représentants bourgeois de l'agriculture au Parlement n'abandonnent pas pour autant: une prochaine tentative est déjà lancée. Auront-ils finalement gain de cause?