«J’ai toujours bénéficié d’une certaine liberté d’opinion. Je ne me gêne jamais… Ces jeunes hommes devraient peut-être oser un peu plus.» Le conseiller national de l’Union démocratique du centre (UDC) Jean-Pierre Grin raille-t-il la nouvelle campagne des Jeunes UDC Suisse, démarrée lundi sur X (anciennement Twitter)? Oui et non, glisse-t-il en substance à Blick.
Posons le contexte. L'opération, baptisée «Dis-le seulement», vise à lutter contre la bien-pensance. «Ce qui peut encore être dit et ce qui ne peut pas l’être est dicté par des gauchistes intolérants», lit-on en préambule du premier post. Le concept de cette campagne aux punchlines polémiques? Les partisans des valeurs du mouvement peuvent envoyer aux Jeunes UDC Suisse une courte citation, façon unpopular opinion. Une photo flanquée de la phrase ou une «video selfie» est ensuite publiée sur la page de la Jeunesse. Son chef de stratégie, le bernois Nils Fiechter, a ouvert le bal à propos de l’identité de genre.
Le président des Jeunes UDC, le Bâlois David Trachsel, en a pris la suite mardi, proposant un assemblage aux saveurs particulières. Dans sa prise de position, il mêle outrage au divin et réchauffement climatique.
Attachement à la liberté d'expression
Du côté des huiles romandes du parti agrarien, les avis divergent quant à la nécessité de faire campagne pour la liberté d’expression. Au bout du fil, Jean-Pierre Grin s’étonne par exemple que de jeunes hommes se sentent brimés, au moment de crier haut et fort leurs opinions. «Les femmes sont parfois plus sensibles aux critiques, notamment quand on parle de l’UDC comme de l’extrême droite, souffle le Vaudois. Elles ont plus de peine à assumer. Mais pour ces jeunes hommes, je ne comprends pas.»
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L’élu au National affirme qu’au sein de sa famille politique, on parle de réchauffement climatique, qu’on le nie ou pas. «Dans un parti, on a le droit de dire les choses, à condition d’étayer. En Suisse, on bénéficie de la liberté d’expression: on peut tout dire à condition de respecter la norme antiraciste — pas comme en Afghanistan ou en Iran, où on ne peut pas critiquer le gouvernement.»
À ce propos, Nils Fiechter a justement été condamné à Berne en 2019 pour discrimination raciale, à la suite de la diffusion sur Facebook d’une caricature moquant les Roms. Un jugement confirmé en 2022 par le Tribunal fédéral, qui avait maintenu l’amende avec sursis infligée au politicien et à un camarade de parti.
A l’époque du jugement, Nils Fiechter parlait déjà dans lematin.ch d’un «jour noir pour la liberté d’expression». Un idéal mis à mal, juge Alexandre Chevalier, président de l’UDC en Ville de Genève. Ce dernier a d’ailleurs ironisé sous la première citation des jeunes de son parti publiée sur le réseau social d’Elon Musk, demandant à la cantonade s’il fallait être jeune pour se sentir oppressé par le politiquement correct.
Avoir le courage de ses opinions
«On le voit à gauche, avec l’élue de Monthey (ndlr: la socialiste Mathilde Mottet a reçu une lettre de menaces), comme à droite avec l’entartage de Céline Amaudruz: il y a une explosion de violence verbale et physique, on a perdu un sens du recul et de l’ironie», regrette-t-il. Le candidat au National parle d’une «francisation» de la politique, à coups d’insultes ou de saccages. «On se doit de se réapproprier la liberté d’expression sans que cela ne passe par des menaces. Les jeunes mènent une campagne juste avec leur fraîcheur, en marge du discours ambiant.»
Bien qu’il ne soit pas une femme, le candidat vaudois aux États Michaël Buffat confie avoir pu lui aussi ressentir une gêne à mentionner son affiliation à l’UDC au début de sa carrière. «On a entendu tellement de choses fausses au sujet du parti… Je comprends que le politiquement correct empêche d’aborder certains sujets facilement, notamment parler des étrangers sans se faire accuser de racisme.» Cependant, l’élu à la Chambre basse nuance: «Ma fonction de politicien fait que je ne me gêne pas.»