La Confédération et les cantons ne pouvaient pas aller plus vite. Le statut de protection S dont bénéficient les réfugiés de guerre d'Ukraine en Suisse pourrait être levé au plus tôt au printemps prochain ou au printemps 2025. Si tel était le cas, les réfugiés devraient alors quitter rapidement notre pays. C'est ce que recommande le plan provisoire de mise en œuvre de la levée du statut S, débattu vendredi au Conseil fédéral – et dont Blick dispose.
Grâce au statut de protection, les personnes fuyant l'Ukraine obtiennent facilement un droit de séjour chez nous, sans procédure d'asile. Ils peuvent immédiatement chercher un travail, les enfants peuvent aller à l'école. Les Ukrainiens sont également autorisés à voyager. Ce statut est actuellement valable jusqu'au 4 mars 2024, mais il est possible que la Suisse le prolonge une dernière fois jusqu'en 2025, comme l'a fait l'UE.
La guerre doit s'apaiser
Ce plan renferme toutefois une information surprenante. Certes, le texte auquel ont contribué la Confédération et les cantons ne mentionne jamais explicitement que l'on attend une fin prochaine de la guerre. Pourtant, le plan initié par l'ancienne ministre de la Justice Karin Keller-Sutter donne bien cette impression au lecteur. Ainsi, dans le «scénario de base» fictif, on peut lire ce qui suit:
«L'intensité des combats a diminué. Les fronts se sont durcis. La Russie a cessé ses attaques contre les villes ukrainiennes. Seuls des combats sporadiques ont encore lieu sur la ligne de front immédiate. Le conflit s'est transformé en une guerre de position avec des gains territoriaux à peine significatifs. La Russie contrôle largement l'oblast de Lougansk (partie la plus orientale de l'Ukraine, ndlr), ainsi que certaines parties des oblasts de Donetsk, Zaporijia et Kherson.»
Éviter les permis de séjour
Alors oui, les bombes continuent de tomber en Ukraine, mais d'ici un an et demi, les départs pourraient déjà commencer si l'on en croit le plan. Deux variantes sont examinées dans cette optique. Premièrement, des échéances de départ progressifs pour différents groupes, allant de trois à neuf mois. Deuxièmement, un délai fixe pour tous.
Dans son «scénario de base», la Confédération estime que sur environ 90'000 Ukrainiens en Suisse, 70'000 seraient tenus de quitter le pays. Après la suppression du statut S, environ 56'000 rentreraient volontairement, 14'000 ne le feraient pas.
La volonté de partir devrait toutefois diminuer à mesure que le statut de protection est maintenu. En cas de séjour ininterrompu de cinq ans, il est en outre possible d'obtenir une autorisation de séjour. Mais c'est précisément ce que la Confédération et les cantons semblent vouloir éviter.
L'économie a besoin d'apprentis
Les rédacteurs du projet recommandent un délai de départ uniforme de six à neuf mois pour tous, avec une exception pour les apprentis. Ceux-ci doivent pouvoir rester dans un premier temps et terminer leur formation – non pas parce que la Confédération veut absolument les prendre en considération, mais parce qu'après consultation de plusieurs experts, il s'avère que l'économie suisse a besoin d'eux. «Dans les entreprises, des places d'apprentissage sont vacantes dans de nombreux secteurs. Il y a une véritable pénurie de main-d'œuvre», peut-on lire dans le plan.
Les personnes âgées, les mineurs arrivés en Suisse sans leurs parents et les personnes souffrant de graves problèmes médicaux devraient également être considérés comme des cas particuliers. Leur retour ne doit être abordé que dans une deuxième phase. Une attention particulière doit être accordée aux orphelins recueillis par la Suisse. «Leur retour devra, le moment venu, être planifié très soigneusement et en étroite coordination avec les autorités ukrainiennes», est-il précisé. On peut néanmoins s'étonner du fait que la Suisse pense déjà à rapatrier les orphelins en Ukraine.
La Suisse réfléchit même à des vols de rapatriement. Environ un tiers des départs devrait se faire par voie aérienne. Ces vols pourraient aussi se diriger vers les pays voisins de l'Ukraine, si les aéroports ukrainiens ne sont pas encore prêts. La Suisse souhaite rapatrier un autre tiers en Ukraine par bus. Les 23'000 personnes restantes devraient rentrer en train.
La suspension coûte cher
Pour faciliter le départ des Ukrainiens dans leur pays, la Confédération veut également verser des aides au retour. Dans un premier temps, les familles devraient recevoir une somme de maximum 9000 francs. Si celles-ci décident de retarder leur départ, elle recevra encore 7000 francs. La Suisse connaît ce genre de barèmes décroissants avec comme logique «plus on part tard, moins on reçoit d'argent», et ce, depuis les réfugiés des Balkans.
La suppression du statut de protection coûtera cher. Le plan présente une première estimation des coûts: pour l'aide au retour, on compte, selon la variante, 123 ou 191 millions de francs. En outre, le Secrétariat d'Etat aux migrations devrait engager nettement plus de collaborateurs pour faire face à la situation. Pour un délai de départ de six mois, il s'agit de 248 postes à plein temps, pour un délai de douze mois, de 141 postes. Le rapport indique toutefois que les besoins en personnel «doivent être mis en relation avec les coûts nettement plus élevés de l'aide sociale et de l'intégration qui résulteraient d'un maintien sur place».
Tout semble être sur les rails. Il suffit désormais que la Russie se conforme au plan suisse.