Depuis des semaines, les médias du monde entier parlent de la capsule de suicide Sarco. Elle permettrait, grâce à l'azote, une mort rapide et sans douleur – pour un prix de 18 francs. C'est en tout cas ce que souligne l'organisation d'euthanasie Exit International. En juillet, Sarco aurait dû être utilisée pour la première fois par l'association The Last Resort, mais cela n'a pas eu lieu.
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Au lieu de cela, l'organisation à but non lucratif fait actuellement face à de graves reproches. Blick a rencontré les deux dirigeants Fiona Stewart et Florian Willet à Zurich pour un entretien.
Madame Stewart, Monsieur Willet, comment aimeriez-vous mourir?
Florian Willetm (FW): Bien avant d'être malade. Tout simplement dans un accident qui me tuerait, avant même de réaliser ce qui se passe. Ce serait la situation parfaite: ne pas avoir à penser à la mort, mais plutôt être surpris par celle-ci.
Fiona Stewart (FS): Je suis comme la plupart des gens, je ne veux pas y penser. Mais je préférerais vivre une vie longue et saine.
Si vous aviez besoin d'un suicide assisté, Sarco serait-il votre choix?
FS: Je ne peux pas imaginer un meilleur moyen. Ce que j'aime chez Sarco, c'est que cela pourrait se passer sur une plage. Au milieu des vagues qui déferlent et sous un ciel noir rempli d'étoiles.
Dans d'autres organisations d'euthanasie, on injecte un médicament ou on le boit. Cela peut aussi se faire sur une plage.
FW: Je déteste les aiguilles. Et j'ai déjà observé des gens qui buvaient le médicament, mais le goût est dégoûtant. De plus, il y a un risque de vomissement. Avec la capsule Sarco, il suffit d'appuyer sur un bouton. Si l'on veut partir avec sa moitié, je pourrais m'imaginer bras dessus bras dessous dans un Sarco. Dans mon cas, ce serait avec mon mari Philip (ndlr: Nitschke, le chef de l'organisation d'aide à la mort Exit International) et mon chien.
Mais la mort ne devient-elle pas ainsi banale, si l'on peut simplement entrer dans une capsule et mourir?
FW: C'est exactement ce que veulent certaines personnes. Quand mon père a décidé de mourir, il est monté en haut de la plus haute tour de sa ville natale. Je ne pense pas que dans cette situation, mon père ait eu envie d'un long processus bureaucratique. Il voulait que tout se passe rapidement. Cela ne veut toutefois pas dire que c'était facile pour lui.
Lorsqu'une personne n'est pas atteinte d'une maladie incurable et qu'elle souhaite néanmoins mourir, la question se pose: cette personne a-t-elle le droit de décider seule? N'a-t-elle pas une responsabilité envers ses semblables?
FW: C'est de l'esclavage. Généralement, plus les gens s'accrochent à la morale, plus ils sont autoritaires. Car la morale n'est pas l'empathie. Si j'ai vraiment de l'empathie, je vais penser à la manière dont je peux aider quelqu'un, à ce que je peux faire pour qu'elle se sente mieux.
Pour vous, Sarco est donc la manière la plus humaine de se suicider?
FS: C'est en tout cas la moins exigeante. Porter à ses lèvres un verre dont on sait qu'il contient du poison est un acte de courage. Appuyer sur un bouton est moins compliqué.
FW: Le fait que ce soit humain n'a pas d'importance. C'est la bonne décision pour moi, et c'est ce qui compte pour moi. Les personnes qui n'adhère pas à Sarco ne sont pas celles qui vont utiliser la capsule.
Y a-t-il beaucoup de gens intéressés par le fait de mourir dans Sarco?
FS: Oui, nous avons plus de 300 personnes sur la liste d'attente.
Selon quelle procédure décide-t-on qui peut mourir en premier?
FS: Ce qui est décisif, comme pour toutes les autres organisations, c'est le dossier.
Expliquez-nous un peu plus en détail...
FS: Vous devez raconter votre histoire de vie, il faut activement demander de l'aide pour un suicide assisté ou accompagné. Vous devez fournir vos données médicales. Vous avez besoin d'un testament de vie authentifié et notarié dans le pays où vous vivez. En outre, vous avez besoin d'une expertise psychiatrique ou d'une expertise de santé mentale. En effet, selon la loi suisse, vous devez être mentalement apte à prendre la décision. Pour The Last Resort, les critères sont exactement les mêmes que pour toutes les autres organisations.
Pourquoi faites-vous cela en Suisse?
FS: Il n'est pas nécessaire d'être malade pour obtenir de l'aide pour mourir dans ce pays. C'est ce qui rend la Suisse unique au monde. De plus, vous menez ici un débat raisonnable.
La loi suisse sur l'euthanasie est très libérale. Cela pourrait changer à cause du débat sur Sarco.
FS: Nous ne nous attendions pas à ce qu'il y ait un quelconque débat public avant la première utilisation de Sarco.
Vous avez vous-même organisé une conférence de presse il y a trois semaines, jetant ainsi de l'huile sur le feu.
FS: Nous avons dû organiser cette conférence de presse pour rectifier des informations erronées. Ce sont nos avocats qui l'ont suggéré.
Quelles fausses informations?
FW: Nous avons préparé l'utilisation de l'appareil pour une Américaine en mai et juin. Tranquillement, à l'abris des regards. Tout se déroulait sans problème. Jusqu'à ce que nous soyons soudain interpellés par la «NZZ». Ils avaient appris que Sarco allait être utilisé très prochainement. Et que cela se passait dans le canton du Valais, ce qui n'était pas du tout vrai. Je leur ai demandé d'attendre le jour de la mort de cette personne pour traiter du sujet, afin d'éviter un cirque médiatique. On voulait éviter que cette personne ait le sentiment qu'elle allait mourir sous les yeux du monde entier. Malheureusement, notre demande n'a pas été respectée.
L'Américaine n'est finalement pas morte avec Sarco. Elle a utilisé les services d'une autre organisation. La semaine dernière, après sa mort, de graves accusations ont fait surface dans la «NZZ». Dans une lettre, l'Américaine vous reproche de l'avoir traînée devant les médias, de l'avoir manipulée et finalement abandonnée à Zermatt.
FW: Je ne reconnais pas la personne dans cette lettre. Nous étions si proches. Vous savez, mon père est mort par suicide. Et j'en ai parlé avec elle. Elle m'a raconté toute l'histoire de sa vie. Nous étions assis au bord du lac de Zurich et nous avions les larmes aux yeux. Je m'entendais très bien avec cette femme. J'ai l'impression que ces accusations proviennent d'une personne très différente de celle que j'ai rencontrée.
Vous auriez notamment essayé de profiter financièrement de l'Américaine.
FS: La vérité, c'est qu'elle nous a quittés avec des dettes.
FW: Au début, elle a dit qu'elle vendrait tous ses biens aux États-Unis et qu'elle dépenserait l'argent pour un beau voyage à travers la Suisse. A la fin, elle voulait mourir avec la capsule Sarco. C'était sa propre volonté. Puis-je vous rappeler que l'article 115 du Code pénal suisse stipule qu'une personne qui aide quelqu'un à mourir dans son propre intérêt est passible d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à cinq ans. Vous pouvez être absolument certain que nous avons tout essayé pour que cette infraction ne soit pas commise.
Y a-t-il eu des disputes lorsque la femme était en Suisse?
FS: Nous avions d'excellentes relations avec elle. Jusqu'à ce qu'elle disparaisse et franchisse les portes d'une autre clinique.
Étiez-vous au courant à l'époque?
FW: Non. Avec le recul, nous ne voulons pas donner une mauvaise image de cette femme. La personne que nous avons rencontrée était très sympathique, une personne très amicale.
Une question se pose néanmoins: votre organisation est-elle trop petite pour encadrer suffisamment vos candidats?
FW: Non. Ce que nous avons offert à notre première candidate ne fait pas partie des prestations standard que The Last Resort fournira en temps normal. Nous avons exceptionnellement essayé de répondre à tous ses souhaits.
De nombreux cantons ont maintenant annoncé qu'ils allaient ouvrir une enquête contre The Last Resort. Étiez-vous préparés à cela?
FS: Chaque fois qu'un décès avec euthanasie survient en Suisse, une enquête est ouverte. Il n'en va pas autrement pour Sarco.
Dans le canton du Valais, le médecin cantonal a interdit votre capsule de suicide à titre préventif...
FS: On ne peut pas interdire la capsule Sarco sur la base d'informations erronées dans les médias. Un état de droit ne fonctionne pas ainsi. Nous devons laisser aux tribunaux le soin de trancher. Nos avocats sont en contact avec le Ministère public du canton dans lequel nous allons utiliser Sarco. Après l'intervention, nous pourrons prouver qu'il n'y a pas eu d'enrichissement. Que la personne a appuyé elle-même sur le bouton. Et que la personne a bénéficié d'une expertise psychiatrique avant de mourir.
Avec le Sarco, ne vouliez-vous pas simplement provoquer un débat public?
FS: On arrive avec une nouvelle idée, et les critiques s'ensuivent parce qu'on innove. Les voitures électriques sont également une provocation pour certains. Mais elles sont aussi une avancée technologique.
FW: Je pense qu'il est très évident que la provocation n'est pas notre intention. Mais elle est un effet secondaire lorsque l'on fait quelque chose qui va à l'encontre d'une grande partie de la morale de la société.
Quand la première personne mourra-t-elle au Sarco?
FW: Il y a de nouvelles demandes chaque jour. Si nous voulions trouver quelqu'un en urgence, nous pourrions passer en revue la liste et appeler les gens. Mais nous ne voulons pas aller vite en besogne. Et nous voulons être sûrs que notre tout premier candidat ou candidate est une personne crédible.
FS: En fin de compte, Sarco ne doit pas être utilisé qu'une seule fois. C'est pourquoi nous avons dépensé énormément d'argent en avocats. Les avocats suisses sont chers.
Quel est le délai que vous prévoyez?
FW: On ne peut pas parler d'un suicide assisté de cette manière. L'assistance au suicide doit avoir lieu lorsque le moment est approprié pour la personne.
Quelles leçons avez-vous tirées de l'échec de cette tentative?
FW: Nous dirons au prochain candidat ou à la prochaine candidate qu'il y a des journalistes qui sont à la chasse aux histoires. Il faut donc de la stabilité pour pouvoir gérer le risque d'être découvert par les médias.
FS: Vous ne pouvez même pas imaginer les précautions que nous avons prises pour que cela reste secret. Ceux qui ont fait fuiter l'information l'ont fait délibérément. Ils voulaient empêcher l'essai. Au moins, le lieu du test n'a pas été rendu public.
Pensez-vous qu'à l'avenir, on vous laissera plus tranquille?
FS: Qu'entendez-vous par on?
Les médias, le public...
FS: Je ne le pense pas. En ce moment, c'est à vous que je m'adresse. Mais en fonction de ce que vous écrivez, nous devront peut-être parler à quelqu'un d'autre pour corriger votre travail.