Exploitation financière, stress, surmédiatisation et «personnes sans cœur»
Les exploitants de «capsule du suicide» auraient fait vivre un enfer à leur première cliente

Jessica Campbell* aurait dû être la toute première personne à mettre fin à ses jours avec la «capsule de suicide» en Suisse. Raté. Aujourd'hui, une lettre de l'Américaine révèle les pratiques inhumaines des exploitants.
Publié: 31.07.2024 à 13:59 heures
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L'inauguration annoncée de la capsule de suicide, baptisée «Sarco», a fait couler beaucoup d'encre dans les médias suisses et internationaux.
Photo: AFP
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Nicola Imfeld

Le lancement de la première «capsule de suicide» controversée a définitivement capoté mi-juillet. Après l'énorme battage médiatique et l'interdiction par le Ministère public du canton de Schaffhouse, le concepteur de la capsule s'est rétracté par un communiqué dimanche dernier.

L'Australien Philip Nitschke, l'inventeur de la capsule, a expliqué cette annulation par la «détérioration de l'état psychique» de la personne qui aurait dû partir avec la «capsule du suicide»: «Compte tenu de sa situation, il est clair que cette personne devrait désormais recevoir des soins psychiques plutôt qu'une aide au suicide», a-t-il expliqué.

On en sait aujourd'hui un peu plus sur cette première patiente; Jessica Campbell* avait quitté l'État américain de l'Alabama pour mettre fin à ses jours en Suisse, où une organisation avait accédé à sa demande. Or la NZZ dispose d'une lettre dans laquelle l'Américaine fait de graves reproches à Exit International, l'exploitant de la capsule.

«Stress médiatique» et «exploitation financière»

Jessica Campbell avait besoin d'une dialyse en raison d'une maladie rénale. Elle souffrait également de polyneuropathie, une maladie du système nerveux. En surpoids, elle était clouée dans un fauteuil roulant à cause de ses maladies, selon la NZZ. Les analgésiques ne servant à rien, elle a décidé de recourir à l'aide au suicide. En été 2023, elle a pris connaissance de l'offre d'Exit International avant d'être choisie comme toute première patiente. Pour parvenir à ses fins, elle aurait vendu presque tout ce qu'elle possédait.

Il y a quelques semaines, la patiente est entrée en Suisse via les Pays-Bas. Mais à son arrivée, elle aurait subi d'un «stress médiatique» et aurait été victime d'une «exploitation financière».

«Tu vas bientôt mourir, alors tu n'as plus besoin de ton argent»

D'abord, elle a été inscrite à Lucerne dans un hôtel luxueux qui lui a coûté plus de 7000 dollars pour cinq nuits: «J'étais complètement prise au dépourvu» explique-t-elle, soulignant qu'elle ne se sentait pas du tout à sa place dans cet hébergement de luxe.

Mais elle accuse surtout Florian Willet, d'Exit International, ainsi que Fiona Stewart, la compagne de Philip Nitschke, de l'avoir exploitée financièrement. Tous deux auraient en effet insisté pour que leurs propres dépenses personnelles – nourriture, notes de restaurant et billets – soient prélevées sur la carte de crédit de la patiente. «De toute façon, tu vas bientôt mourir, alors tu n'as plus besoin de ton argent», lui aurait même lâché Fiona Stewart. Jessica Campbell se serait donc vite retrouvée sans argent.

À son arrivée en Europe, elle aurait également été assaillie par les journalistes. Même la dispersion des cendres de ses parents en Écosse – moments pourtant privés –, a viré au spectacle: «Le cirque médiatique était constant, alors que je devenais de plus en plus malade et faible», se plaint Jessica Campbell.

«J'ai tout sacrifié»

Les exploitants de la «capsule de la mort» contestent ces accusations. Florian Willet doute ainsi que les «accusations» proviennent de la «vraie» Jessica: «Nos frais de voyage n'ont été supportés par personne d'autre que nous-mêmes» se défend-il. Exit International rejette de son côté les accusations de surmédiatisation. «Elle semblait aimer attirer l'attention et s'entretenir avec les journalistes en général», affirme Florian Willet.

Lorsque la première avec Jessica Campbell n'a pas eu lieu, les membres d'Exit International auraient par ailleurs abandonné Jessica Campbell: «J'ai tout sacrifié et j'ai épuisé toutes les ressources, en pensant que Sarco m'offrirait une fin paisible», écrit l'Américaine dans sa lettre. Et d'ajouter: «Si j'avais su que des personnes sans cœur qui tenaient mon destin entre leurs mains n'étaient motivées que par leur marketing, je ne me serais jamais soumise à cette épreuve.»

*Nom connu de la rédaction

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