Dans les films hollywoodiens, la place financière suisse est régulièrement associée à de nombreux fantasmes, entre sûreté, secret et malversations douteuses. Dans la réalité, elle jouit depuis des décennies d'une bonne réputation auprès de sa clientèle. Malgré cela, le secteur bancaire helvétique perd insidieusement de son importance pour l'économie nationale. D'autres industries l'ont dépassé, comme le montrent de récentes recherches.
Selon le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), les banques ont généré une valeur ajoutée de 36,4 milliards de francs en 2021. Cela représente à peine 4,9% du produit intérieur brut (PIB). Avant la crise financière, les banques contribuaient encore à près de 8% du PIB. Avec le rachat de Credit Suisse par l'UBS, l'importance du secteur devrait encore diminuer.
Le statut de leader de la place financière suisse en tant que centre international de la gestion de fortune vacille. La Grande-Bretagne, les États-Unis ou Singapour sont en train de rattraper leur retard. «La croissance se fait aujourd'hui dans d'autres branches comme la pharma ou le secteur de la santé», explique l'économiste Alexander Rathke du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ dans un entretien avec Blick.
Les conditions cadres en Suisse sont attractives
Alors que l'activité bancaire stagne, les assurances ont progressé au cours de la dernière décennie et apportent une contribution de 4,1% au PIB. Dans ce domaine également, la Suisse joue un rôle de premier plan au niveau international avec le plus grand réassureur du monde, Swiss Re.
Le secteur pharmaceutique et chimique a depuis longtemps dépassé le secteur bancaire avec une contribution au PIB de 6,3%. Les géants pharmaceutiques comme Novartis, Roche ou Lonza comptent parmi les principaux moteurs de croissance du pays. De nouvelles entreprises voient régulièrement le jour, comme l'illustre parfaitement l'exemple de Ten23 Health, start-up créée en mai 2021 et basée à Bâle. Lancée avec deux salariés seulement, l'entreprise emploie désormais 154 personnes sur ses deux sites de Bâle et de Viège en Valais, comme l'explique son fondateur et CEO Hanns-Christian Mahler à Blick. L'entreprise s'est spécialisée dans le remplissage stérile de substances actives complexes.
Le haut niveau de formation et l'attractivité pour la main-d'œuvre étrangère ont joué en faveur de la Suisse comme site d'implantation, explique le patron Ten23 Health: «Les conditions-cadres sont toutes positives en Suisse.»
La pharma et l'horlogerie restent des moteurs
Avec de nombreuses start-up, des grands groupes et un important réseau de sous-traitants, le secteur pharmaceutique connaît une croissance moyenne de 5,9% et soutient ainsi de manière déterminante le tissu industriel suisse. «Dans la plupart des pays d'Europe occidentale, l'industrie s'est fortement contractée, mais en Suisse, nous avons pu maintenir un haut niveau», explique l'économiste Alexander Rathke. Ainsi, l'industrie assure encore 18% de la performance économique helvétique.
Même l'industrie horlogère, souvent annoncée comme morte, vit depuis deux ans son deuxième printemps. Le secteur a dû réagir aux évolutions imposées par l'émergence des smartphones et des montres intelligentes, qui ont transformé les montres traditionnelles en bijoux de main superflus pour de nombreuses personnes. Les horlogers ont misé sur «l'artisanat» et «l'innovation», comme l'explique Karine Szegedi, experte en produits de luxe auprès du cabinet de conseil Deloitte. Une stratégie qui a porté ses fruits: l'année dernière, les fabricants suisses ont exporté des montres à l'étranger pour une valeur de 24,8 milliards de francs. Un record!
Le nombre de montres vendues est certes nettement inférieur à celui de 2019, mais l'accent est aujourd'hui mis ailleurs: «Nous constatons que les maisons horlogères suisses opèrent de plus en plus dans le segment du luxe haut de gamme, qui est en soi très résistant à la crise», explique Karine Szegedi. L'experte s'attend à ce que cette évolution positive se poursuive.
L'inflation internationale compense le franc fort
Il en va tout autrement pour l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux: celle-ci a perdu quelques plumes au cours des dix dernières années. «L'appréciation du franc a mis à rude épreuve les nombreuses entreprises qui tentaient de maintenir leur position concurrentielle à l'internationale», explique l'expert du KOF. Selon lui, la force actuelle du franc n'est aujourd'hui plus problématique. Et ce, grâce à l'inflation élevée à l'étranger, qui permet aux entreprises helvétiques de fixer les augmentations de prix au-dessus de l'appréciation du franc.
Le secteur de la construction devance également celui des banques, tandis que le domaine de la santé arrive à égalité – et devrait distancer les établissements financiers dans les années à venir. La population vieillit et les progrès technologiques dans le domaine de la médecine progressent en parallèle. «Avec l'importante prospérité dont nous bénéficions, les gens veulent participer à ce développement», explique Alexander Rathke.
La fin du pays des banques?
Malgré la perte d'importance de son secteur bancaire, la Suisse reste une plaque tournante pour d'énormes sommes d'argent: «Le négoce des matières premières a connu une croissance exceptionnelle au cours de la dernière décennie», explique l'économiste du KOF. Des acteurs dominants du marché des matières premières comme Vitol, Glencore ou Cargill sont basés en Suisse et ont contribué, l'année dernière, à la performance économique à hauteur de 8,5%. Mais après la crise financière et la débâcle de la banque au deux voiles, force est de reconnaître que la Suisse n'est plus le pays bancaire d'antan.