«Le wokisme aux portes de la HEPL» – tel est l'intitulé du mail que la direction de la Haute Ecole pédagogique Baud (HEPL) a reçu ce mardi. Des politiciens vaudois ainsi que des médias ont également été mis au courant.
Il s'agit d'une lettre anonyme signée par «Les Inquiets» qui se disent «choqués et scandalisés d'avoir reçu un mail destiné à tous les étudiants de la HEP les invitant à rejoindre et à soutenir l'AFEEDA (Association pour la formation des enseignantxes et un enseignement décolonial et antiraciste à la HEP) qui, sous couvert de lutte contre le racisme, fait l’apologie de toutes les dérives woke, indigéniste, décoloniale de la cancel culture américaine», apprend-on dans le «24 heures».
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«Une complète surprise»
Le mail en question a été envoyé par le Comité des étudiants dans un but de promotion des activités de l'école. Le président Rui Estima de Oliveira précise, dans ce sens, les circonstances du mail présentant l'AFEEDA. «La direction nous donne accès à tous les e-mails des étudiants de la HEPL puisque nous les représentons. Régulièrement, nous envoyons aux élèves des informations relatives à des événements et des actions qui pourraient les intéresser.»
Du côté de la direction, l'étonnement est tout aussi présent. Le directeur Cyril Petitpierre souligne même à nos collègues la nouveauté du message. «Cette lettre était une complète surprise, nous n’avions jamais eu vent de ce type d’inquiétudes parmi nos étudiants. Nous nous sommes même demandés s’il ne s’agissait pas d’une seule personne.»
La lettre était animée d'un ton virulent. «Les Inquiets» s'en sont également pris à la formation donnée par la Haute Ecole, dénonçant «une teinte prosélyte» de certains cours. Avant de marteler: «La HEP […] est supposée pratiquer la démarche scientifique et donc le questionnement plutôt que l’assertion et le dogme qui relèvent plutôt de la secte.»
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Il craint d'être vu comme raciste
Nos confrères ont pris contact avec le groupe d'étudiants, et ont pu échanger par téléphone avec son porte-parole Jonathan. Habité par une certaine méfiance, le jeune homme lance: «On a peur que le wokisme arrive en Suisse et à la HEPL.» Il pensait être épargné, jusqu'à maintenant, des questions de minorités au sein de son école. Mais la promotion de l'AFEEDA était la goutte de trop. Sans compter que certains modules ne sont plus, à son sens, assez modérés. «Pourquoi devrais-je volontairement me comporter différemment face à une personne racisée? Je ne comprends pas le délire», insiste Jonathan.
La dizaine d'étudiants qui composerait «Les Inquiets» préfère rester anonyme pour ne pas compromettre sa scolarité. Jonathan craint par ailleurs d'être étiqueté de raciste.
Pour Rui Estima de Oliveira, le contenu de la lettre est inquiétant. Il craint les répercussions du comportement des futurs enseignants sur les élèves. Certes, toutes les opinions ont le droit d'être exprimées, «mais si on tient des propos racistes, on dépasse le cadre de la loi et il ne s’agit plus alors d’un problème qui concernerait uniquement l’école.» Le président du Comité des étudiants rappelle que ces personnes «enseignent d’ores et déjà dans des classes de l’école publique vaudoise».
Des sanctions possibles?
Il y a un cadre à respecter, et c'est celui imposé par l'Etat de Vaud. Cyril Petitpierre confirme que «l’école publique a des orientations fixées par la société et traduites par le politique.» Le directeur souhaite rappeler que la HEP travaille à la reconnaissance des minorités et au respect de la diversité de genres et de cultures.
Il met également en garde les personnes usant de propos radicaux. «Si la posture de cette ou ces personnes devait s'avérer contraire à l'exercice de la profession d'enseignant, des sanctions pourraient être prononcées.»