Ils s'appelaient Marie, Chanel, Dinah, Lindsay ou Nicolas. Ils se sont tous donnés la mort récemment, après avoir été victimes de harcèlement scolaire et ont remis en question le système d'éducation nationale français et sa façon de protéger les victimes. En réaction, au début du mois de septembre, la France a décrété une «mobilisation générale» contre le harcèlement. Formation poussée des enseignants, confiscation du portable, cours d'empathie à la rentrée 2024 et même exclusion des élèves harceleurs sur les réseaux sociaux, la liste des mesures prises par le gouvernement français est longue. Et nécessaire.
En Suisse non plus, le phénomène n'est pas à prendre à la légère puisqu'il est en augmentation, selon la dernière enquête PISA publiée en 2019. Alors qu'en 2015, 11% des élèves de 15 ans en Suisse déclaraient avoir subi des moqueries, ils étaient 13% en 2018 et 15% en 2019. À cela s'ajoutent les 11% qui disent avoir été cibles de rumeurs et 7% victimes de violences physiques.
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Comment reconnaître le harcèlement scolaire? Zoé Moody, professeure à la Haute Ecole Pédagogique du Valais (HEPVS) et collaboratrice au Centre interfacultaire en droits de l’enfant de l’Université de Genève (Unige), propose une définition en plusieurs volets. «Tout d’abord, je préfère parler de harcèlement entre élèves, par souci de précision. On retient trois critères pour qualifier une situation de harcèlement: la violence physique ou psychologique, la répétition et finalement l’asymétrie de pouvoir entre le celui ou celle qui est harcelé et le, la ou les agresseurs».
Un thème très actuel
Une définition plutôt précise, sachant qu’il y a une quinzaine d’années, rares étaient les personnes qui abordaient le thème de manière approfondie, que ce soit dans les sciences humaines ou en politique.
En France, par exemple, ce n’est qu’en 2011 que le sujet a été évoqué pour la première fois, lors des Assises nationales sur le harcèlement à l'école. Elles ont été suivies par la stratégie du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant (2012-2015) qui visait notamment à lutter contre la violence à l'école.
Comme le souligne Zoé Moody, il s’agit là d’années charnières qui ont permis de démocratiser le sujet. «Les médias ont, eux aussi, contribué à faire connaître le phénomène, mais aussi à alarmer le public sur les risques, notamment via la mise en évidence de certains faits divers dramatiques», poursuit l’experte.
Séries Netflix et témoignages sur Instagram
Du côté de la culture populaire, des séries récentes comme «13 Reasons Why», «Sex Education» ou «Stranger Things» ont participé — directement ou non — à mettre le thème sur le devant de la scène de façon réaliste et sérieuse.
Loin des comédies américaines façon «Mean Girls» («Lolita malgré moi» en français), où le harcèlement n’est abordé que sous forme d’étape prétexte à travers laquelle un personnage — généralement féminin — doit obligatoirement passer pour devenir une meilleure version d’elle-même, le harcèlement y est dépeint dans toute sa complexité.
Les réseaux sociaux ont aussi joué un rôle, puisqu'ils ont permis à certaines personnes directement concernées et parfois au bénéfice d'une large audience, de partager leurs expériences de manière directe. Sur Instagram et Youtube, Enjoyphoenix, influenceuse française aux 5,7 millions d’abonnés, a souvent évoqué le harcèlement qu’elle a subi à l’école.
Mais il n'y a encore peu de comptes spécialisés sur le thème ou dénonçant le phénomène dans les établissements scolaires. Lorsqu'ils existent, ils ne connaissent pas la même notoriété, comme la discrète association VIA en Suisse, par exemple.
Tout le monde est perdant
Ces dernières années, les médias ont souvent donné la parole aux victimes de harcèlement scolaire. Les témoignages de harceleurs sont bien plus rares. Pourtant, le profil des auteurs de harcèlement en dit long sur les dynamiques scolaires et sociales. «Ce que l'on remarque, c’est que bien souvent, les agresseurs appartiennent à une catégorie sociale dominante, analyse Zoé Moody. En fait, l’école peut être vue comme une société miniature. Aussi, les harceleurs sont généralement des leaders, ils détiennent une forme de pouvoir symbolique et ont besoin de domination plus élevée que leurs pairs. Les psychologues ont aussi montré que ce sont des individus qui manquent un peu d’empathie.»
L'enseignante à la HEP Valais précise qu’il s’agit là d’observations. «Veillons à ne pas enfermer les individus dans des catégories et de virer dans le déterminisme. À mon sens, il faut essayer de comprendre certains comportements pour ensuite trouver des solutions».
Contrairement à ce que l’on peut imaginer, dominer ses pairs n’est pas gage d’épanouissement dans le futur. D’après une recherche de 2011 menée par deux criminologues britanniques de l’Université de Cambridge, les acteurs d’agressions à l’école ont des parcours de vie davantage marqués par la délinquance une fois adultes.
En plus du décrochage scolaire, les auteurs ont plus de chance d’être condamnés pour agressions entre 15 et 20 ans. Ils sont également plus touchés par le chômage dès 18 ans et plus enclins à consommer des substances illicites entre 27 et 32 ans. Finalement, l’étude démontre qu’à 48 ans, les anciens élèves impliqués dans du harcèlement à l’école estiment avoir une vie peu couronnée de succès.
Lorsqu’il aborde cette partie de sa vie, c’est un peu difficile pour Marc. Le Vaudois de 21 ans n’a pas toujours des souvenirs très clairs. Mais il veut bien l’avouer, il a harcelé un de ses camarades de classes en Secondaire.
«J’ai redoublé ma huitième donc j’étais l’un des plus grands. C’était plus facile pour moi. Je me souviens qu’il y avait ce garçon qui m’énervait particulièrement. En classe, on se moquait de lui et on l'insultait. On l’appelait 'la balance', parce qu’il n'arrêtait pas de tout répéter aux profs. Un jour, on était dans le bus avec la classe et il était assis juste devant nous. On s’est amusé à lui mettre des petites claques derrière la tête tout le long du voyage», raconte le jeune étudiant à Blick.
Marc se souvient aussi d'un autre enfant que toute l'école harcelait de son enfantine à sa dernière année. «Aujourd’hui, je regrette beaucoup ce que j’ai fait. J'ai recroisé ce garçon quelques années plus tard à un match de hockey. J'ai pris mon courage à deux mains et je me suis excusé. Il m’a répondu que ce n’était pas grave, qu’on avait tous fait des conneries».
De fil en aiguille Marc confesse qu’avant de devenir un harceleur, il a aussi été harcelé durant six ans, de l’enfantine à la cinquième: «On me donnait des surnoms, j’ai aussi été insulté et frappé». Ce n’est que des années après, soit à l’âge de 18 ans, que Marc réalise qu’il a été victime de harcèlement scolaire. «J’en ai discuté avec des potes et ce sont eux qui m’ont ouvert les yeux. Ça explique aussi pourquoi je suis moi-même devenu agresseur plus tard».
Pour le jeune homme c’est sûr, cette expérience l’a changé à vie. «J’ai l’impression d’être devenu ma propre victime. Je n’ai pas confiance en moi et je ne fais pas confiance aux autres. C’est allé tellement loin qu’il y a deux ans, j’ai fait une tentative de suicide».
Aujourd'hui, Marc travaille sur lui pour aller de l'avant. Il fait d'ailleurs partie de l’association vaudoise VIA, qui lutte contre le harcèlement scolaire. «Je voudrais que mon expérience puisse aider les autres».
Lorsqu’il aborde cette partie de sa vie, c’est un peu difficile pour Marc. Le Vaudois de 21 ans n’a pas toujours des souvenirs très clairs. Mais il veut bien l’avouer, il a harcelé un de ses camarades de classes en Secondaire.
«J’ai redoublé ma huitième donc j’étais l’un des plus grands. C’était plus facile pour moi. Je me souviens qu’il y avait ce garçon qui m’énervait particulièrement. En classe, on se moquait de lui et on l'insultait. On l’appelait 'la balance', parce qu’il n'arrêtait pas de tout répéter aux profs. Un jour, on était dans le bus avec la classe et il était assis juste devant nous. On s’est amusé à lui mettre des petites claques derrière la tête tout le long du voyage», raconte le jeune étudiant à Blick.
Marc se souvient aussi d'un autre enfant que toute l'école harcelait de son enfantine à sa dernière année. «Aujourd’hui, je regrette beaucoup ce que j’ai fait. J'ai recroisé ce garçon quelques années plus tard à un match de hockey. J'ai pris mon courage à deux mains et je me suis excusé. Il m’a répondu que ce n’était pas grave, qu’on avait tous fait des conneries».
De fil en aiguille Marc confesse qu’avant de devenir un harceleur, il a aussi été harcelé durant six ans, de l’enfantine à la cinquième: «On me donnait des surnoms, j’ai aussi été insulté et frappé». Ce n’est que des années après, soit à l’âge de 18 ans, que Marc réalise qu’il a été victime de harcèlement scolaire. «J’en ai discuté avec des potes et ce sont eux qui m’ont ouvert les yeux. Ça explique aussi pourquoi je suis moi-même devenu agresseur plus tard».
Pour le jeune homme c’est sûr, cette expérience l’a changé à vie. «J’ai l’impression d’être devenu ma propre victime. Je n’ai pas confiance en moi et je ne fais pas confiance aux autres. C’est allé tellement loin qu’il y a deux ans, j’ai fait une tentative de suicide».
Aujourd'hui, Marc travaille sur lui pour aller de l'avant. Il fait d'ailleurs partie de l’association vaudoise VIA, qui lutte contre le harcèlement scolaire. «Je voudrais que mon expérience puisse aider les autres».
Cela ne veut pas dire que les victimes soient mieux logées, bien au contraire. Elles aussi souffrent des conséquences du harcèlement scolaire. En plus, les victimes ont davantage de chance d’être atteintes de troubles anxieux, de dépression ou, pire, d'en venir au suicide.
Du côté des élèves témoins, ils peuvent perdre leur confiance envers le système scolaire puisqu’ils ne se sentent plus en sécurité à l’école.
Lorsqu’elle aborde son enfance, Verena se souvient avoir été la témoin silencieuse de harcèlements à l’école. «Je me rappelle qu’on désignait une tête de Turc sur lequel certains se défoulaient», raconte la Vaudoise de 42 ans.
Des années après, c’est à la souffrance de son propre enfant que cette mère a assisté, impuissante. «Mon fils, Alec, est devenu la cible dès sa deuxième année d'enfantine. Ses camarades se moquaient de lui de manière collective». La raison: le petit garçon rencontrait de la peine à l’école. Il n’arrivait pas très bien à lire et à écrire.
Alec fait face à une double peine: ses difficulté scolaires et les moqueries des autres élèves. «Un camarade est même allé jusqu’à lui taper la tête contre le mur du vestiaire», raconte Verena. Comme son fils s'énerve aussi, les autres enfants n'ont qu’une envie: mettre en colère Alec pour assister à ces crises et s’en amuser.
Un jour, à la sortie de l'école, le harcèlement atteint son paroxysme. «Je suis allée chercher mon garçon et j’ai vu un groupe d’enfant l’encercler et l'embêter. J’en ai eu le cœur brisé. C’est horrible de voir ça en tant que maman». Après cet épisode, Verena contacte les enseignants pour trouver une solution, mais rien n'y fait. Pour eux, il s’agit de simples taquineries qui font partie de la nature humaine et le petit Alec doit apprendre à se défendre.
Heureusement, la jeune quarantenaire connaît les parents des agresseurs et s’entend bien avec eux. «Je leur en ai parlé et ils m’ont écoutée». Mais, pour Alec, le mal est fait. Verena décide donc d’emmener son fils chez un psychologue. «Après quelques tests, on a compris que mon fils était atteint de troubles dyslexiques importants. C’était un soulagement d’avoir ce diagnostic parce qu’il a compris qu’il n’était pas bête», confie Verena.
Le petit garçon a pu intégrer une classe réduite avec un enseignement individualisé, mais cela n'a pas été concluant. «Mon fils a commencé à développer de la phobie scolaire, donc il était très mal à l’aise en classe.» Depuis deux ans, Alec qui a aujourd'hui 11 ans, est inscrit dans une classe spécialisée à la Fondation Eynard-Eynard. «C’est une école qui accompagne et soutient les enfants avec des troubles de l’apprentissage», explique Verena.
Si l'histoire a une fin plutôt heureuse, la mère d'Alec reste un peu amère face au manque de solutions qui l'ont obligée à se débrouiller seule. «Je regrette que les enseignants n’aient pas pris la chose plus au sérieux. C’est pourtant eux qui sont au cœur des dynamiques scolaires. Même si des choses sont mises en place comme la méthode Pikas, je trouve qu’il y a toujours une forme de réticence à agir. Je n’ai pas l’impression que la Suisse soit très active pour venir à bout de ce problème de société. C’est encore très tabou».
Lorsqu’elle aborde son enfance, Verena se souvient avoir été la témoin silencieuse de harcèlements à l’école. «Je me rappelle qu’on désignait une tête de Turc sur lequel certains se défoulaient», raconte la Vaudoise de 42 ans.
Des années après, c’est à la souffrance de son propre enfant que cette mère a assisté, impuissante. «Mon fils, Alec, est devenu la cible dès sa deuxième année d'enfantine. Ses camarades se moquaient de lui de manière collective». La raison: le petit garçon rencontrait de la peine à l’école. Il n’arrivait pas très bien à lire et à écrire.
Alec fait face à une double peine: ses difficulté scolaires et les moqueries des autres élèves. «Un camarade est même allé jusqu’à lui taper la tête contre le mur du vestiaire», raconte Verena. Comme son fils s'énerve aussi, les autres enfants n'ont qu’une envie: mettre en colère Alec pour assister à ces crises et s’en amuser.
Un jour, à la sortie de l'école, le harcèlement atteint son paroxysme. «Je suis allée chercher mon garçon et j’ai vu un groupe d’enfant l’encercler et l'embêter. J’en ai eu le cœur brisé. C’est horrible de voir ça en tant que maman». Après cet épisode, Verena contacte les enseignants pour trouver une solution, mais rien n'y fait. Pour eux, il s’agit de simples taquineries qui font partie de la nature humaine et le petit Alec doit apprendre à se défendre.
Heureusement, la jeune quarantenaire connaît les parents des agresseurs et s’entend bien avec eux. «Je leur en ai parlé et ils m’ont écoutée». Mais, pour Alec, le mal est fait. Verena décide donc d’emmener son fils chez un psychologue. «Après quelques tests, on a compris que mon fils était atteint de troubles dyslexiques importants. C’était un soulagement d’avoir ce diagnostic parce qu’il a compris qu’il n’était pas bête», confie Verena.
Le petit garçon a pu intégrer une classe réduite avec un enseignement individualisé, mais cela n'a pas été concluant. «Mon fils a commencé à développer de la phobie scolaire, donc il était très mal à l’aise en classe.» Depuis deux ans, Alec qui a aujourd'hui 11 ans, est inscrit dans une classe spécialisée à la Fondation Eynard-Eynard. «C’est une école qui accompagne et soutient les enfants avec des troubles de l’apprentissage», explique Verena.
Si l'histoire a une fin plutôt heureuse, la mère d'Alec reste un peu amère face au manque de solutions qui l'ont obligée à se débrouiller seule. «Je regrette que les enseignants n’aient pas pris la chose plus au sérieux. C’est pourtant eux qui sont au cœur des dynamiques scolaires. Même si des choses sont mises en place comme la méthode Pikas, je trouve qu’il y a toujours une forme de réticence à agir. Je n’ai pas l’impression que la Suisse soit très active pour venir à bout de ce problème de société. C’est encore très tabou».
Qu’en est-il des profs? «À l’instar des élèves témoins, ils peuvent également se sentir impuissants. J’ai remarqué lors de mes entretiens que certains étaient tellement désarmés qu’ils finissaient par abandonner et revenir à leur tâche de base: Enseigner. Cela n’empêche pas qu’ils soient malheureux», note Zoé Moody.
Pour preuve, en 2004, une étude de la psychologue finlandaise Christina Salmivalli démontrait qu’il y avait une corrélation claire entre le harcèlement scolaire et la souffrance psychologique des enseignants. «En effet, plus il y a de harcèlement, plus les enseignants sont atteints de burn-out. En fait, absolument tout le monde est perdant lorsqu’il y a harcèlement à l’école», signale la spécialiste.
Le chouchou des écoles: la méthode Pikas
Quid des solutions? Pour tenter de venir à bout du problème et de ce qu’il peut potentiellement engendrer dans le futur, plusieurs initiatives ont vu le jour en Suisse ces dernières années. Certains cantons ont ainsi établi des politiques de prévention et de traitement du harcèlement.
En Suisse romande, c’est la «préoccupation partagée» (MPP) qui est très en vogue. La méthode développée par un chercheur suédois, Anatol Pikas, a été introduite dans les écoles vaudoises à la suite d’un plan d’action décidé en 2015 puis renforcée en 2018 sous l’impulsion de l’ex-conseillère d’État Cesla Amarelle.
À noter que les enseignants vaudois peuvent — à travers leur équipe de santé — solliciter l'Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (PSPS) pour obtenir différents soutiens dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Dans la canton de Genève, la MPP, aussi appelée «méthode Pikas», a été adoptée en 2017.
Concrètement, la «préoccupation partagée» cible les logiques de groupe du harcèlement scolaire à travers une approche non blâmante. Il n’est pas question de trouver un ou plusieurs responsables, mais plutôt de briser l’effet de groupe par de petits entretiens individuels avec les élèves. Dès lors, on préfère utiliser le terme «d’élève-cible» à la place de «victime». On avance également qu’il n’y a pas de harceleur ou d'agresseur mais plutôt un «intimidateur présumé» ou un groupe de témoins. «Il semblerait que pour le moment, les enseignants soient plutôt satisfaits avec cette méthode», explique Zoé Moody.
Julien Cart a aujourd’hui 40 ans et est devenu enseignant spécialisé dans l'établissement primaire de Coteau-Fleuri à Lausanne. Sous ses airs d’homme confiant se cache un enfant qui a souffert. «J’ai été harcelé durant 16 ans, de mes 4 ans à mes 20 ans. Encore aujourd’hui, je ressens les séquelles de ce traumatisme», explique-t-il à Blick.
Pour lui, c’est le cadre institutionnel qui n’a pas réussi à agir pour prévenir les traitements qu’il a subis: «Je n’en veux pas trop à mes agresseurs. S’ils avaient été stoppés sur le moment, avant qu’une classe entière crée un climat de harcèlement à mon égard, alors ils n’auraient rien pu faire. Mais pour qu’un climat de classe ne soit pas harcelant, il faut que chaque personne dans l’école participe à créer l’empathie nécessaire. Or les principales personnes chargées de créer ce climat de classe sont les enseignants, les enseignantes, et les personnes travaillant dans les écoles».
Le jeune quarantenaire regrette que la problématique n’ait jamais vraiment été abordée à l’époque. «L’omerta était la règle. Il fallait souffrir, ce n’était que des problèmes ordinaires d’écoliers», il ajoute qu’encore aujourd’hui le harcèlement scolaire n’est pas considéré à sa juste valeur et que trop souvent encore, ce sont les victimes qui doivent changer de classe, de comportements. Mais pour lui, c’est sûr: «Comme on le dit pour d’autres combats, la honte doit changer de camp. Certaines méthodes ne jurent que par l’idéal selon lequel il ne faut pas blâmer les auteurs de harcèlement. Je peux le comprendre dans le souci de s'attaquer à l'effet de groupe et d'éviter les représailles envers les victimes. Mais à mon sens, il faut accepter de responsabiliser les agresseurs et rétablir la justice pour les victimes, en leur garantissant un espace safe afin qu’elles comprennent qu’elles ne sont pas responsables de leur situation. On l’a compris pour le viol, le harcèlement moral ou sexuel: qu’attend-on pour le reconnaître pour le harcèlement scolaire?! Certains pays comme la Finlande réfléchissent à interdire les harceleurs de périmètre scolaire pendant un temps.»
À travers son métier, Julien Cart se bat pour que chaque élève se sente bien et en sécurité à l’école. Il est également très engagé dans la lutte contre le harcèlement au sein de l'équipe santé de son école et dans la société de manière générale, notamment à travers l'association VIA.
Julien Cart a aujourd’hui 40 ans et est devenu enseignant spécialisé dans l'établissement primaire de Coteau-Fleuri à Lausanne. Sous ses airs d’homme confiant se cache un enfant qui a souffert. «J’ai été harcelé durant 16 ans, de mes 4 ans à mes 20 ans. Encore aujourd’hui, je ressens les séquelles de ce traumatisme», explique-t-il à Blick.
Pour lui, c’est le cadre institutionnel qui n’a pas réussi à agir pour prévenir les traitements qu’il a subis: «Je n’en veux pas trop à mes agresseurs. S’ils avaient été stoppés sur le moment, avant qu’une classe entière crée un climat de harcèlement à mon égard, alors ils n’auraient rien pu faire. Mais pour qu’un climat de classe ne soit pas harcelant, il faut que chaque personne dans l’école participe à créer l’empathie nécessaire. Or les principales personnes chargées de créer ce climat de classe sont les enseignants, les enseignantes, et les personnes travaillant dans les écoles».
Le jeune quarantenaire regrette que la problématique n’ait jamais vraiment été abordée à l’époque. «L’omerta était la règle. Il fallait souffrir, ce n’était que des problèmes ordinaires d’écoliers», il ajoute qu’encore aujourd’hui le harcèlement scolaire n’est pas considéré à sa juste valeur et que trop souvent encore, ce sont les victimes qui doivent changer de classe, de comportements. Mais pour lui, c’est sûr: «Comme on le dit pour d’autres combats, la honte doit changer de camp. Certaines méthodes ne jurent que par l’idéal selon lequel il ne faut pas blâmer les auteurs de harcèlement. Je peux le comprendre dans le souci de s'attaquer à l'effet de groupe et d'éviter les représailles envers les victimes. Mais à mon sens, il faut accepter de responsabiliser les agresseurs et rétablir la justice pour les victimes, en leur garantissant un espace safe afin qu’elles comprennent qu’elles ne sont pas responsables de leur situation. On l’a compris pour le viol, le harcèlement moral ou sexuel: qu’attend-on pour le reconnaître pour le harcèlement scolaire?! Certains pays comme la Finlande réfléchissent à interdire les harceleurs de périmètre scolaire pendant un temps.»
À travers son métier, Julien Cart se bat pour que chaque élève se sente bien et en sécurité à l’école. Il est également très engagé dans la lutte contre le harcèlement au sein de l'équipe santé de son école et dans la société de manière générale, notamment à travers l'association VIA.
D’après un rapide sondage effectué en 2020 auprès des écoles vaudoises ayant adopté la méthode, 88% des situations gérées avec la MPP se sont améliorées par la suite. Plus de 90% des écoles ayant adopté la «préoccupation partagée» estiment que la méthode est bénéfique. Du côté de Genève, aucun sondage n’a encore été mené à ce jour. Toutefois, outre les rapides questionnaires remplis par les enseignants, Zoé Moody nous apprend qu’aucune recherche scientifique à large échelle n’a encore été menée afin d'attester de l'efficacité de cette méthode.
À noter que, comme toute méthode, la «préoccupation partagée» a ses limites. La plus importante étant qu’elle ne s’applique que lorsque le problème d’intimidation a été décelé. La prévention, elle, reste absente.
Le harcèlement scolaire, un business?
Il existe d’autres méthodes adoptées par les écoles comme le programme KiVa développée à la fin des années 1990 en Finlande. Également basée sur la préoccupation des pairs, la méthode Kiva met davantage l’accent sur la prévention et incite les élèves à développer leur empathie. Ils sont donc invités à se mettre dans la peau du harcelé ou du harceleur et sont appelés à venir en aide à leurs camarades.
Employé dans une très large majorité des écoles finlandaises (90%), cette méthode reste l'apanage des écoles privées en Suisse, comme l’Institut international de Lancy (GE). Si les écoles publiques ne l'ont pas encore testée, c'est pour des raisons de coût: il faut compter 60'000 francs par établissement pour deux ans.
La période noire: décembre à avril
Pour Zoé Moody, il faut partir du principe que le harcèlement entre pairs existe et qu’il y a de grandes chances que son enfant ou ses élèves y soient confrontés d’une manière ou d’une autre. «Quand on met vingt personnes dans une classe, des dynamiques s’installent et c’est normal. Ce n’est pas par hasard si les statistiques concernant le harcèlement entre pairs ont stagné, voire chuté, pendant la pandémie».
Pour se prémunir du harcèlement, il faut donc accepter qu’il aura lieu et, surtout, ne pas se restreindre à une seule méthode. «Même si c’est essentiel que certaines écoles proposent un cadre protocolaire avec des formations et des programmes pour agir contre ce fléau, il manque parfois une marge de manœuvre pour les professionnels. C’est très applicationniste. Le risque étant qu’on s’en tienne à ce qui est écrit».
L’experte ajoute qu’il convient de se montrer créatif et se faire confiance pour traiter la problématique. «Par exemple, des études ont démontré que le harcèlement entre pairs variait selon les saisons, voire les jours de la semaine. Il y a davantage de soucis à partir des mois de décembre et janvier. C’est là que les choses émergent et risquent de s’installer. L’apogée de l’intimidation arriverait en avril pour ensuite se calmer en fin d’année ou à l’arrivée de l’été. Peut-être qu’avec cette information en tête, les enseignants pourraient s’en remettre à leur expertise pour trouver des solutions?»
Le harcèlement scolaire est une épreuve terrible pour toutes les personnes concernées, dont les parents. Il est donc essentiel de s'entourer de conseils et de soutien, afin d'apaiser la situation au plus vite: «Face à ce phénomène, les parents peuvent mettre en place différentes stratégies, en échangeant avec des enseignants ou d’autres familles d’élèves, note le thérapeute de famille Jon Schmidt. Le réseau joue un rôle très important, car il permet de fluidifier la communication et de se sentir sécurisé par un cadre plus contenant. L’un des outils principaux pour résoudre ce type de cas est la médiation: en effet, lorsque les parents tentent de gérer la situation entre eux, cela ne fonctionne pas toujours.»
De nombreuses ressources sont disponibles aujourd'hui, au niveau cantonal comme au sein des établissements eux-mêmes. Les différents centres LAVI se tiennent notamment au service de personnes victimes d'infractions, tandis que les jeunes peuvent s'adresser aux plateformes d'aide Ciao.ch et 143.
- Le Département de l'instruction publique de Genève met à disposition des contacts et instructions pour les parents et les élèves.
- Le canton de Vaud partage des études et diverses ressources, soulignant notamment l'efficacité de la méthode de la préoccupation partagée (MPP), une approche «non-blâmante» destinée à «minimiser les risques de stigmatisation et de représailles», permettant de «briser l'effet de groupe par de brefs entretiens individuels avec les autres élèves et de faire en sorte que la situation de souffrance cesse pour l'élève-cible.»
- Le canton de Neuchâtel a mis en place diverses campagnes de sensibilisation et programmes de prévention dédiés à la lutte contre le harcèlement scolaire. Le Centre d'accompagnement et de prévention pour les professionnels des établissements scolaires (CAPPES) joue également un rôle central.
- Du côté de Fribourg, des instructions et redirections vers le centre cantonal LAVI et la brigade des mineurs de la police cantonale sont à disposition sur le site du canton.
- Promotion santé Valais a réalisé une large étude en 2019, dont les résultats sont disponibles en ligne. Vous y trouverez aussi des ressources axées sur le cyberharcèlement.
- Un dispositif de prévention, des contacts utiles ainsi qu'un plan d'action pour les élèves et leur entourage peut être consulté sur le site du canton du Jura.
- Le canton de Berne a dédié un flyer (en langue allemande) à cette question et redirige les personnes concernées vers le Service psychologique pour enfants et adolescents.
Le harcèlement scolaire est une épreuve terrible pour toutes les personnes concernées, dont les parents. Il est donc essentiel de s'entourer de conseils et de soutien, afin d'apaiser la situation au plus vite: «Face à ce phénomène, les parents peuvent mettre en place différentes stratégies, en échangeant avec des enseignants ou d’autres familles d’élèves, note le thérapeute de famille Jon Schmidt. Le réseau joue un rôle très important, car il permet de fluidifier la communication et de se sentir sécurisé par un cadre plus contenant. L’un des outils principaux pour résoudre ce type de cas est la médiation: en effet, lorsque les parents tentent de gérer la situation entre eux, cela ne fonctionne pas toujours.»
De nombreuses ressources sont disponibles aujourd'hui, au niveau cantonal comme au sein des établissements eux-mêmes. Les différents centres LAVI se tiennent notamment au service de personnes victimes d'infractions, tandis que les jeunes peuvent s'adresser aux plateformes d'aide Ciao.ch et 143.
- Le Département de l'instruction publique de Genève met à disposition des contacts et instructions pour les parents et les élèves.
- Le canton de Vaud partage des études et diverses ressources, soulignant notamment l'efficacité de la méthode de la préoccupation partagée (MPP), une approche «non-blâmante» destinée à «minimiser les risques de stigmatisation et de représailles», permettant de «briser l'effet de groupe par de brefs entretiens individuels avec les autres élèves et de faire en sorte que la situation de souffrance cesse pour l'élève-cible.»
- Le canton de Neuchâtel a mis en place diverses campagnes de sensibilisation et programmes de prévention dédiés à la lutte contre le harcèlement scolaire. Le Centre d'accompagnement et de prévention pour les professionnels des établissements scolaires (CAPPES) joue également un rôle central.
- Du côté de Fribourg, des instructions et redirections vers le centre cantonal LAVI et la brigade des mineurs de la police cantonale sont à disposition sur le site du canton.
- Promotion santé Valais a réalisé une large étude en 2019, dont les résultats sont disponibles en ligne. Vous y trouverez aussi des ressources axées sur le cyberharcèlement.
- Un dispositif de prévention, des contacts utiles ainsi qu'un plan d'action pour les élèves et leur entourage peut être consulté sur le site du canton du Jura.
- Le canton de Berne a dédié un flyer (en langue allemande) à cette question et redirige les personnes concernées vers le Service psychologique pour enfants et adolescents.