Grégory Quin, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, est l'un des trois auteurs d'un magnifique ouvrage, tout frais, consacré à l'histoire du ski en Suisse.
288 pages, 250 images, et une foule d'anecdotes concernant ce sport qui a su fédérer tout un pays depuis des décennies, passionnant énormément de monde que ce soit pour applaudir les championnes et champions devant la télévision, mais aussi à l'heure d'aller s'évader un week-end sur les pistes des Rasses, de Grimentz ou d'Arosa.
La sortie de ce livre est ainsi une belle occasion d'échanger avec le spécialiste concernant la spécificité de ce sport fortement ancré dans la mémoire collective suisse.
Pourquoi le ski est-il aussi populaire en Suisse?
De mon point de vue, il s'agit de l'illustration parfaite de la bonne combinaison entre un pays qui produit des champions sans discontinuer, depuis Bernhard Russi et Roland Collombin jusqu'à Lara Gut-Behrami et Marco Odermatt, et une population qui pratique elle-même ce sport de manière assidue, depuis l'école, de manière universelle: hommes, femmes, garçons, filles...
Donc les Suisses font du ski dès l'enfance et s'identifient à leurs championnes et champions, c'est aussi simple que ça?
Oui, je crois que c'est une explication de pourquoi le ski fonctionne si bien dans notre pays et arrive à fédérer. Prenez le football: l'équipe de Suisse a de bons résultats depuis vingt ans, mais il est moins universel puisque les femmes le pratiquent nettement moins que les hommes pour l'instant. Dans la mémoire collective et la réalité suisse, le ski est devant le football.
On s'identifie à ces sportifs de haut niveau, mais descendre Kitzbühel ou aller skier aux Rasses le week-end, ce n'est pas tout à fait le même sport quand même...
Effectivement, le sport qui est pratiqué en camp de ski ou pour du loisir ne ressemble que de très loin à ces descentes pratiquées sur des pistes verglacées et vertigineuses. Mais il y a tout de même une similitude et, surtout, quelque chose dans cette pratique qui la rend accessible, au moins en apparence. Regarder des courses de ski à la télévision, c'est regarder un sport relativement doux, des gens qui se couchent dans les courbes avec des skis carving, comme on peut maintenant toutes et tous en avoir. Le très haut niveau n'est pas très loin du quotidien.
Le ski suisse possède une histoire singulière, celle d’une «nation de montagnards» qui devient avec le temps une «nation de skieurs et de skieuses». Très richement illustré, cet ouvrage de référence raconte ce que le ski a fait à la Suisse!
«Le ski en Suisse, une histoire» est en vente au prix de 69 francs.
Toutes les informations aux Editions Attinger
Les trois auteurs
Grégory Quin est maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, il a publié de nombreux travaux sur l’histoire du sport en Suisse et en Europe.
Laurent Tissot est professeur émérite de l’Université de Neuchâtel, ses domaines de recherche couvrent l’histoire du tourisme, des sports et des loisirs.
Jean-Philippe Leresche est professeur ordinaire de science politique à l’Institut d’études politiques (IEP) et à l’Observatoire science, politique et société de l’Université de Lausanne.
Le ski suisse possède une histoire singulière, celle d’une «nation de montagnards» qui devient avec le temps une «nation de skieurs et de skieuses». Très richement illustré, cet ouvrage de référence raconte ce que le ski a fait à la Suisse!
«Le ski en Suisse, une histoire» est en vente au prix de 69 francs.
Toutes les informations aux Editions Attinger
Les trois auteurs
Grégory Quin est maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne, il a publié de nombreux travaux sur l’histoire du sport en Suisse et en Europe.
Laurent Tissot est professeur émérite de l’Université de Neuchâtel, ses domaines de recherche couvrent l’histoire du tourisme, des sports et des loisirs.
Jean-Philippe Leresche est professeur ordinaire de science politique à l’Institut d’études politiques (IEP) et à l’Observatoire science, politique et société de l’Université de Lausanne.
Ce qui différencie le ski du tennis ou du hockey, où la Suisse performe aussi à haut niveau, c'est cette proximité, justement?
Ce sont des sports différents, bien sûr. Le hockey, c'est typiquement un sport tuyau, si j'ose utiliser cette expression. Ce que je veux dire par là, c'est que le nombre de gens qui le pratiquent en jeunes est proche de celui de joueurs de haut niveau. Ce n'est pas un sport très accessible du point de vue de l'infrastructure. Le tennis, on peut le faire en loisirs, mais ceux qui l'ont pratiqué se rendent compte que la balle finit au début plus souvent dans le grillage que sur le terrain...
Le ski aussi, c'est compliqué au début, non?
Vous avez raison, il faut l'apprendre. Il faut un moniteur, une monitrice. Mais avec les skis carving, c'est assez facile, il suffit presque de se coucher dans le virage pour apprécier. Cela rend aussi le ski populaire.
Est-ce qu'on ne se raconte pas une belle histoire au fond, comme les Français avec le rugby? La Suisse domine les classements du ski à haut niveau, mais il n'y a que quatre pays dans le monde qui le pratiquent sérieusement...
La Suisse n'est pas seule tout de même! D'autres ont remporté des victoires aussi, mais, par contre, ce qui est vraiment particulier, c'est que la Suisse a eu cette manière de faire du ski en même temps que de s'identifier aux champions à une si grande échelle. On peut en faire un motif de chauvinisme ou pas, mais la Suisse a eu un mérite: réussir en même temps la massification du ski et sa starification.
Est-ce que la prochaine étape du ski suisse, pour conserver et renforcer cette universalité, est d'avoir ses Xhaka, Shaqiri et Embolo du ski? Aujourd'hui, clairement, on n'y est pas encore. Est-ce pour demain? Après-demain?
À l'évidence, les vagues migratoires vécues depuis 30 ou 40 ans n'ont pas encore été répercutées dans le monde du ski. C'est moins évident pour des gens qui sont principalement installés en ville de continuer ce mythe de la pratique intégrale du ski, tout le temps. Ce sont des gens qui ont peut-être un peu plus de barrières avec le ski, mais il n'y a aucune raison qu'une personne avec des origines kosovares ou africaines ne réussisse pas dans le ski ces prochaines années. Ce sera d'ailleurs sans doute un sujet d'intérêt pour les suiveurs du Cirque Blanc, à mon avis.
La vraie fracture dans la pratique du ski en Suisse serait donc plus entre la ville et la campagne qu'entre Suisses et étrangers?
Oui, clairement. Et la fracture se fait aussi dans la priorité dans l'espace du sport. Parce que finalement, les sports qu'on pratique sont suggérés par nos parents et la suggestion de nos parents est elle-même une conséquence de leur histoire personnelle... C'est moins évident pour des gens de première génération, ou même de deuxième génération, d'encourager leurs enfants à faire du ski plutôt que du football ou de la gymnastique. Et donc, pour moi, il va falloir attendre encore une ou deux décennies avoir le domaine du ski s'ouvrir un peu.
Le sport en Suisse est très présent, mais n'est pas vu comme une composante culturelle et souffre d'un déficit de reconnaissance sur le plan intellectuel. Comment l'expliquer?
Un musée du ski s'est ouvert récemment au Boéchet, mais c'est aussi la conséquence de la liquidation d'un Musée du sport qui a existé pendant 70 ans à Bâle et qui a disparu en 2019 par défaut de soutien politique. Oui, le sport est vu comme quelque chose de fédérateur, mais on a de la peine à lui accorder une place suffisante pour en faire un documentaire ou un livre.
Pourquoi?
J'aurais tendance à en partager la responsabilité entre le journalisme et l'université. On a eu tendance à trop s'intéresser à la performance au jour le jour. Et je pense que plus largement, on a un petit déficit de temps et d'argent à allouer à l'écriture de livres, pour prendre le temps d'aller voir ces archives qui sont extrêmement riches. La Suisse est sans doute le pays du monde où on a le plus d'archives pour se raconter ces histoires et c'est un petit peu le défi qu'on a essayé de relever avec ce livre.