Jeudi, à Bormio, peu avant 17 heures, l’hôtel de l’équipe suisse est en pleine effervescence. Justin Murisier, vainqueur de la descente de Beaver Creek, scrute avec attention la vidéo du Français Cyprien Sarrazin, auteur du meilleur chrono lors du premier entraînement sur la Stelvio. À ses côtés, Marco Odermatt, triple vainqueur du classement général de la Coupe du monde.
Le Valaisan, incrédule, secoue la tête: «C’est incroyable ce que fait Cyprien. Il est constamment à la limite, il coupe les trajectoires avec une précision folle. Mais cela exerce une pression énorme sur certains points. Si une compression ou un trou se trouve là, c’est quasi impossible d'éviter le pire. Pourtant, il semble toujours tout contrôler».
Une chute spectaculaire
Quelques heures plus tard, Murisier assiste impuissant à la chute de Sarrazin depuis l’aire d’arrivée. Après un début de descente prometteur et des chronos intermédiaires impressionnants, le Français perd le contrôle juste avant la dernière section du tracé. Déséquilibré en position arrière sur un saut, il retombe violemment sur le dos avant de glisser sur plusieurs dizaines de mètres. Ses skis déchirent le filet de sécurité, et l’accident s’avère aussi impressionnant que préoccupant.
Sarrazin, transporté en hélicoptère à l’hôpital, est diagnostiqué avec un hématome sous-dural, une hémorragie cérébrale nécessitant un traitement intensif. Le skieur Rossignol, qui avait brillé en reléguant Odermatt à la deuxième place l’an passé sur la Stelvio et la Streif de Kitzbühel, voit sa saison brutalement s’arrêter.
Odermatt décrit les conditions de neige de Bormio
Marco Odermatt, secoué par la chute de son rival, confie son désarroi: «En tant qu’athlète, on déteste voir des images comme celles-ci». Le sentiment d’inquiétude monte encore lorsque d’autres chutes surviennent au même endroit. Josua Mettler et l’Américain Kyle Nagomir perdent également l’équilibre, relançant le débat sur la dangerosité de la Stelvio cette année.
Odermatt ne mâche pas ses mots: «C’est sans doute la course la plus difficile de l’année! Le problème principal, c’est cette alternance de neige: 80% de la piste est verglacée, et les 20% restants sont composés de neige agressive. Cela rend le ski extrêmement imprévisible. C’est une lutte pour sa survie de haut en bas».
Une piste sous le feu des critiques
L’indignation gagne les rangs. Nils Allegre, coéquipier de Sarrazin, critique vertement la préparation du tracé: «Cette piste est mal préparée! Aucun respect pour les skieurs. On doit ralentir. Je n’ose même pas imaginer que cette piste accueillera les Jeux olympiques d’hiver en 2026».
Du côté autrichien, Vincent Kriechmayr dresse un constat similaire. «La différence entre la Stelvio et des descentes comme Beaver Creek ou Gröden est énorme. Là-bas, les pistes étaient parfaitement travaillées, tandis que la Stelvio est brutale, sans concession. Elle nous pousse à nos limites.» L’Italien Pietro Zazzi en a d’ailleurs fait les frais: victime d’une chute violente à un autre endroit du tracé, il s’est fracturé le tibia et le péroné.
Des jeunes Suisses déjà ébranlés
Lors des premiers entraînements, les jeunes talents suisses Franjo von Allmen et Alexis Monney ont également goûté à la dure réalité de la Stelvio. Au niveau du saut de San Pietro, les deux skieurs ont atterri bien trop loin, se blessant aux pieds. Malgré cela, ils devraient prendre le départ samedi. De son côté, le directeur de la vitesse de la FIS, Hannes Trinkl, a pris la décision de modifier le saut.
Stefan Rogentin, deuxième du dernier entraînement, salue cette décision: «C’était indispensable. Lors de la première session, on volait à six ou sept mètres de haut et on atterrissait sur une vague. Cela provoquait des chocs terribles au niveau des genoux et du dos.»
Cependant, le Grison reste prudent: «Même si le saut a été ajusté, personne ne l’a pris à pleine vitesse aujourd’hui. Je crains qu’en conditions de course, il ne soit encore trop long.» Prévue samedi à 11h30, la Stelvio s’annonce une fois de plus comme l’une des épreuves les plus compliquées de la saison. Si la performance sportive sera au rendez-vous, la sécurité des athlètes reste une préoccupation majeure.