Gérald Darmanin ne l’a pas dit. Mais le ministre de l’Intérieur français s’estime d’abord victime de la «perfide Albion» dans l’affaire du chaos survenu au Stade de France samedi soir, pour la finale de la Ligue des Champions.
Lors de son audition par les sénateurs français mercredi 1er juin, le premier flic de France a multiplié les accusations contre les supporters britanniques de Liverpool et contre l’industrie des faux billets qui prospère outre-Manche. «L’essentiel des débordements a eu lieu devant la porte sud réservée aux supporters de Liverpool» a répété le ministre en montrant aux élus des exemplaires de faux billets. Et d’asséner, sans commentaire mais avec la volonté de bien désigner le coupable: «Le club de Liverpool avait spécifiquement demandé l’utilisation de billets papiers.» Lesquels sont bien plus faciles à pirater.
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Darmanin à l’offensive
Pas question, pour l’ex maire de Tourcoing (Nord) qui fut arbitre de football dans sa jeunesse, de jouer en défense. C’est un Gérald Darmanin offensif qui a fait face aux sénateurs avec à ses côtés la nouvelle ministre des Sports et des futurs Jeux Olympiques d’été de Paris 2024, Amélie Oudéa-Castera. «Certains billets ont été reproduits plus de 700 fois, avec le même numéro de siège» a-t-il affirmé, donnant le chiffre de 2589 faux billets scannés aux tourniquets d’entrée du Stade de France. Ces faux billets, entraînant un embouteillage aux entrées du Stade, sont en partie la cause du chaos qui a suivi. Ironie du sort: 2800 supporters de Liverpool titulaires de vrais billets, dûment achetés, n’ont pas pu accéder au match que leur club a perdu face au Real Madrid sur le score d’un but à zéro. Ils pourront, tout comme les supporters espagnols lésés, déposer plainte dans leur pays où des policiers français vont être envoyés, et où une plate-forme électronique pour enregistrer les plaintes va être mise en place sous peu.
Pas d’information sur des émeutiers français
Haro sur les supporters anglais et sur les faussaires. Et, malgré quelques excuses sur les erreurs d’organisation, sur le manque de policiers disposés en amont de l’entrée du stade, et sur l’utilisation inappropriée de gaz lacrymogènes, presque aucune information sur les Français fauteurs de trouble, identifiés sur de nombreuses vidéos, qui ont tenté de profiter de la situation en escaladant les grilles.
Liverpool mis en cause
Deux informations essentielles sont à retenir de cette audition qui se poursuivait à l’heure d’écrire ces lignes. La première tient en trois lettres: RAS, pour caractériser ce qui s’est passé côté espagnol. RAS côté comportements déplacés. RAS côté faux billets. La responsabilité de cette soirée de naufrage sportif incombe donc clairement, selon les autorités françaises, aux plus de 60’000 supporters britanniques qui avaient fait le déplacement (dont 40’000 massés dans la fanzone de la place de la Nation, où seuls des incidents mineurs ont été recensés). Deuxième information: la présence dans l’enceinte du Stade de France d’une foule bien plus importante que prévu: 110’000 personnes pour 75’000 vrais billets délivrés. Plusieurs portes d’urgence d’évacuation du Stade ont été forcées. Logique, dès lors, que les 326 policiers déployés à l’intérieur de l’enceinte sportive aient été débordés.
Liverpool en accusation. L’attaque de Gérald Darmanin est assurée de provoquer une vive riposte au Royaume-Uni où la presse s’en prend durement à l’organisation française «défaillante» depuis samedi.
À l’UEFA de juger
Du côté des leçons à retenir pour les futurs grands événements sportifs attendus au Stade de France (Coupe du Monde de Rugby à l’automne 2023, puis JO d’été en 2024), le ministre français de l’Intérieur s’est refusé à nourrir la polémique. Il a pris pour exemple la bonne organisation, une semaine avant la finale européenne initialement prévue à Saint-Pétersbourg, de la finale de la Coupe de France entre Nantes et Nice, qui s’est tenue le 7 mai. Selon lui, l’office chargé de surveiller le hooliganisme craignait davantage ce match franco-français, mais tout s’est bien passé. A l’UEFA, l’Union européenne de football organisatrice de la compétition et basée à Nyon (VD) de juger si, oui ou non, la «perfide Albion» footballistique existe.
Emmanuel Macron a réaffirmé ce mercredi sa confiance à Gérald Darmanin lors du Conseil des ministres.