Pas de hooligans, mais une déroute logistique qui fera date et nourrit l’inquiétude à deux ans des Jeux olympiques parisiens de 2024. Remportée 1-0 par le Real Madrid face à Liverpool, la finale de la Ligue des champions n’a pas donné lieu au chaos urbain redouté dans les rues de Paris, mais à un chaos sportif sur lequel l’UEFA, organisatrice de la compétition, a ouvert une enquête.
Déluge de faux billets
Déluge de faux billets, enceintes du Stade de France au bord de la rupture, coup d'envoi du match retardé d’une trentaine de minutes… Le tout suivi après la rencontre d’une soixantaine d’interpellations par la police et d’une pluie de critiques: difficile de ne pas voir dans ce rendez-vous footballistique raté un mauvais présage avant la Coupe du monde de rugby en 2023, et surtout les Jeux olympiques d’été, que Paris accueillera largement dans des installations situées à Saint-Denis, là où se trouve le Stade de France.
Calme relatif dans les «fan zones»
Beaucoup s’attendaient à des scènes de violence et à des courses-poursuites entre les 7000 policiers déployés samedi soir et les supporters des deux clubs, répartis dans deux immenses fan zones: près de la place de la Nation pour les Anglais et au parc de la Légion d’honneur de Saint-Denis pour les Espagnols. Erreur. Du coté des «Reds», de loin les plus visibles dans Paris, le chaos a été surtout… éthylique. Des tonnes de canettes de bière jonchaient le sol de ce quartier de l’est parisien où plus de 30'000 supporters anglais se sont retrouvés dès le samedi matin et s’agglutinaient le soir devant plusieurs écrans géants. Sonnée par la défaite de leur club, la foule de maillots rouges s’est ensuite dispersée, hagarde, dans les rues de Paris vers minuit, sans autre incident majeur qu’un affrontement avec la police sur une terrasse de café. Pas d’émeutes donc, et une joie espagnole qui n’a pas trop envahi les rues de la capitale française. C’est du côté de la logistique sportive que tout a déraillé.
Déplacé de Saint-Pétersbourg
Pour la défense des autorités françaises, le match Liverpool-Real Madrid devait se dérouler à Saint-Pétersbourg, en Russie. C’est la guerre en Ukraine qui a tout changé. Le rapatriement de la rencontre à Paris, décidé courant mars par l’UEFA (basée à Nyon) s’est donc fait dans l’urgence. Sauf que le chaos constaté samedi soir met l’accent sur deux problèmes récurrents: la défaillante gestion des fans aux abords du stade et la prolifération des faux billets qui ont fait dérailler le système de contrôle.
En sera-t-il de même dans un an pour les matches du Mondial de rugby (8 septembre au 23 octobre 2023)? Et quid du défi logistique des Jeux olympiques de 2024 qu’une autre ombre défigure déjà: le mauvais état de la capitale française, où les problèmes d’entretien des rues, la saleté récurrente et la mauvaise gestion du ramassage des déchets contrastent avec l’image de «ville lumière» et empoisonnent l’actuel afflux de touristes étrangers post-pandémie…
Un match qui gâche tout?
Un match qui gâche tout? Le retard de trente-cinq minutes au début du match, pour une rencontre diffusée dans le monde entier, dont les droits télévisés coûtent des centaines de millions d’euros, est un avertissement que toutes les télévisions vont à coup sûr garder en tête, tout comme le Comité international olympique chargé de gérer les droits des JO. Le club de Liverpool, battu, et les médias anglais, ne se privent d’ailleurs pas de sonner la charge, car les problèmes ont surtout concerné la partie du stade qui leur était allouée. Outre-Manche, la théorie selon laquelle cette situation a déstabilisé les «Reds» sur le terrain commence à émerger…
Attention aux promesses sportives parisiennes
Le Stade de France, rappelons-le, est situé au nord de Paris, à la limite de quartiers sensibles. La ville de Saint-Denis est par ailleurs l’une des métropoles les plus pauvres de France. La maire socialiste de Paris Anne Hidalgo est en outre sur la sellette depuis sa déplorable performance électorale à l’élection présidentielle (moins de 2% des voix). Samedi soir toutefois, c’est la capacité de la préfecture de police de Paris à organiser un tel événement dans l’urgence qui a été mise à l’épreuve. Les autorités françaises, qui se félicitaient plutôt après le match de l’absence de violences massives, se retrouvent contraintes de s’expliquer.
Dans le miroir de cette finale de foot gâchée, l’image de Paris est, plus que jamais ce dimanche, celle d’une ville lumière dont les promesses sportives méritent d’être très sérieusement scrutées. Et surveillées.